L’évolution récente de l’euro face au dinar sur le marché parallèle algérien reflète des écarts persistants avec les cours officiels. Ce différentiel soulève des questions sur la structure du marché des devises et les dynamiques en jeu à Port-Saïd, point névralgique du change informel à Alger.
Sur le marché parallèle de Port-Saïd, bien connu des cambistes à Alger, l’euro continue de s’échanger bien au-dessus de son cours officiel. En ce début de semaine, la monnaie unique s’est appréciée pour atteindre 260 dinars algériens à la vente et 257 dinars à l’achat. Cette variation à la hausse, sans être brusque, confirme une tendance déjà amorcée ces dernières semaines, marquée par un différentiel stable, mais significatif entre les deux marchés de change.
La comparaison avec le taux officiel affiche un écart de près de 110 DZD, l’euro étant coté à 150,28 DZD selon les données de la Banque d’Algérie. Cet écart, bien qu’habituel, soulève des interrogations sur les facteurs économiques sous-jacents : restrictions sur les opérations de change, différentiel d’offre et de demande en devises, ou encore les flux issus des voyages et des transferts non bancarisés.
Euro face au dinar : évolution récente sur les deux marchés
Le marché parallèle reste un baromètre alternatif de la valeur réelle des devises pour de nombreux Algériens. En plus de l’euro, d’autres monnaies ont également connu des mouvements notables.
Le dollar américain a progressé pour atteindre 231 DZD à la vente et 229 DZD à l’achat, alors que son cours officiel reste à 130,12 DZD. La livre sterling, de son côté, a franchi un nouveau seuil avec une cotation de 303 DZD à la vente contre 176,51 DZD sur le marché officiel. Le franc suisse suit la même dynamique haussière, atteignant 277,5 DZD à la vente, contre 160,27 DZD sur le marché interbancaire.
En revanche, des devises comme le dollar canadien (164 DZD/160 DZD), le riyal saoudien (60 DZD/59,5 DZD), le yuan chinois (31,5 DZD/31 DZD) ou encore le dinar tunisien (77 DZD/76 DZD) sont restées stables sur le square d’Alger. Leurs cours officiels affichent également une relative constance, respectivement à 95,74 DZD – 34,66 DZD – 18,11 DZD et 44,38 DZD.

Écarts persistants entre taux de change officiel et parallèle
L’écart observé entre les deux marchés n’est pas marginal. Dans le cas de l’euro, la différence représente une surévaluation de plus de 70 % sur le marché parallèle. Pour la livre sterling, le différentiel est encore plus marqué : près de 127 DZD de plus sur le marché informel. Ces chiffres traduisent une demande soutenue pour certaines devises étrangères, sans qu’il y ait de correction apparente sur le marché officiel.
Ce différentiel structurel s’explique en grande partie par les restrictions sur l’accès aux devises étrangères via les circuits bancaires. De nombreux opérateurs économiques et voyageurs se tournent ainsi vers le marché parallèle, plus fluide et immédiat, bien que non réglementé.
Port-Saïd, carrefour des devises et indicateur implicite du marché
Le square Port-Saïd fonctionne comme une place de cotation informelle pour les principales devises. Les variations de taux y sont réactives aux annonces économiques, aux flux touristiques, et aux périodes de forte activité commerciale. La montée actuelle de l’euro et du dollar intervient dans un contexte de reprise des déplacements vers l’Europe, couplée à une anticipation des dépenses estivales.
Le niveau du taux de change euro/dinars au square reflète également la perception qu’ont les opérateurs économiques de la stabilité monétaire et des politiques de change. À défaut d’un marché interbancaire librement accessible, ce microcosme fournit une référence de facto pour les particuliers et certains segments professionnels.
Devises secondaires : stabilité technique ou faible liquidité ?
Contrairement à l’euro ou au dollar, certaines monnaies comme le dirham des Émirats arabes unis (AED) restent stables à 61,5 DZD à la vente et 60,5 DZD à l’achat, avec un cours officiel de 35,43 DZD. Ce phénomène peut s’expliquer par une faible fréquence des transactions sur ces devises ou un manque de volatilité dans leurs paires internationales.
Les devises asiatiques, notamment le yuan, connaissent aussi peu de mouvements. Cette inertie pourrait être attribuée à un volume d’échange limité avec les zones concernées ou à des flux d’importation mieux encadrés par les dispositifs réglementaires existants.
Une tendance suivie de près par les acteurs économiques
Même sans statut officiel, les taux pratiqués au square influencent indirectement les décisions de change, particulièrement dans les transactions informelles, les transferts entre particuliers et certaines importations parallèles. Pour les économistes, l’évolution du taux euro face au dinar reste un indicateur avancé de déséquilibres à surveiller.
La stabilité à court terme reste à confirmer. Les fluctuations demeurent possibles selon les niveaux de demande en devises, l’évolution des réserves de change officielles, ou encore les décisions réglementaires qui pourraient toucher les voyageurs ou les opérateurs de change agréés.
Alors que la saison estivale s’annonce active, les acteurs du marché parallèle ajustent leurs marges. Le square Port-Saïd continue d’être le point de convergence d’un marché officieux, mais structuré autour d’une logique d’offre, de demande et de valorisation implicite de la monnaie nationale.