Exporter des produits en Algérie depuis la France attire de plus en plus d’entreprises. Mais entre lourdeur douanière, règles strictes et sanctions possibles, mieux vaut bien se préparer. Entre opportunités économiques et contraintes juridiques, exporter requiert une connaissance fine des procédures douanières, des risques encourus et des bonnes pratiques à adopter. Un marché prometteur, mais sous haute surveillance.
L’Algérie est l’un des partenaires commerciaux historiques de la France, occupant régulièrement les premières places dans le classement des pays fournisseurs. En 2022, les exportations françaises vers l’Algérie ont franchi la barre des 3,7 milliards d’euros, dont près de la moitié provenaient de l’industrie mécanique, pharmaceutique et chimique.
Cette vitalité s’explique notamment par la proximité géographique, les liens culturels profonds et une complémentarité économique avérée entre les deux nations. De nombreuses PME françaises y voient une opportunité de croissance, surtout dans les secteurs techniques où la demande algérienne reste forte. Cependant, la méconnaissance du contexte réglementaire et la complexité des procédures algériennes exposent encore trop d’exportateurs à des erreurs coûteuses, voire à des poursuites judiciaires.
Exporter des produits en Algérie depuis la France, le système douanier
Contrairement à ce que certains pourraient imaginer, exporter vers l’Algérie n’est pas un simple jeu d’envoi de marchandises. Le cadre réglementaire est défini par le Code des douanes algérien, qui impose une série de formalités strictes et souvent longues à traiter. Les marchandises doivent faire l’objet d’une déclaration douanière détaillée, conforme à la nomenclature tarifaire en vigueur, avec l’appui de certificats d’origine et de conformité adaptés au produit.
Des taux de droits de douane peuvent grimper jusqu’à 60 % pour certains biens jugés non prioritaires ou concurrents de la production locale. Le secteur électronique, par exemple, est particulièrement surveillé. À l’inverse, certains biens comme les médicaments ou les matières premières agricoles bénéficient de conditions plus souples, à condition de fournir des documents justificatifs stricts.
Outre ces contraintes techniques, les délais de traitement et les interprétations variables entre les différents bureaux des douanes algériens complexifient les opérations. Une marchandise parfaitement en règle peut être bloquée à l’import pour un simple oubli de cachet ou une mauvaise traduction d’un certificat.
Code des Douanes algérien impose des procédures très strictes. Toute entreprise qui souhaite exporter vers l’Algérie doit :
- Déclarer ses marchandises de façon exacte
- Respecter la nomenclature tarifaire douanière (SH)
- Présenter des documents d’origine conformes
- Se soumettre à des contrôles post-importation (documents, paiements)
- Attention au taux de change, le dinar algérien est soumis à un régime de contrôle des changes. Le moindre écart dans les paiements ou les factures peut être assimilé à une fraude.
- Produits souvent interdits ou sensibles : produits culturels non traduits, matériel militaire, alcool, contenus électroniques non certifiés.
Tableau des taxes douanières par catégorie de produits
Catégorie | Droits de douane estimés | Restrictions |
---|---|---|
Médicaments & équipements médicaux | 5 % à 15 % | Certificat d’homologation requis |
Produits électroniques | 30 % à 60 % | Forte taxation, autorisation requise |
Agroalimentaire transformé | 20 % à 40 % | Normes sanitaires strictes |
Véhicules, pièces détachées | Jusqu’à 60 % | Fortement restreint, licences |
Produits bruts (céréales, lait en poudre) | 5 % à 15 % | Tolérés, quotas d’import possibles |
Fraude douanière, exporter vers l’Algérie
La tentation de contourner ces lourdeurs administratives mène certains exportateurs à commettre parfois sans le savoir, des infractions graves. Parmi les plus fréquentes figure la sous-évaluation des marchandises, destinée à minimiser les droits à payer. Cette pratique se traduit par l’émission de factures minorées et un paiement complémentaire effectué discrètement, souvent par le biais de comptes offshore. C’est une infraction lourde, réprimée à la fois par la justice algérienne et, désormais, française.
Autre fraude fréquente, la mauvaise déclaration d’espèce tarifaire. Certains exportateurs choisissent volontairement des codes douaniers moins taxés, alors que les produits sont d’une toute autre nature. De même, falsifier l’origine des marchandises pour bénéficier d’un traitement préférentiel est passible de lourdes sanctions.
Ces pratiques peuvent sembler anodines à première vue, mais les conséquences sont sévères : confiscation des marchandises, amendes colossales, voire peines de prison. Et depuis la signature de la convention de coopération judiciaire entre la France et l’Algérie en 2018, une infraction commise sur le sol algérien n’est plus à l’abri de poursuites en France. Plusieurs dirigeants de PME françaises en ont fait les frais ces dernières années, certains étant poursuivis pour blanchiment ou usage de faux.

Les risques juridiques pour les exportateurs (France & Algérie)
Les risques ne concernent pas uniquement les grandes entreprises. De plus en plus d’auto-entrepreneurs ou de vendeurs en ligne souhaitent envoyer ponctuellement des produits en Algérie, pensant échapper à ces règles. Pourtant, même à petite échelle, toute expédition doit respecter les obligations douanières : déclaration de valeur, conformité des produits, respect des règles de change. Une simple erreur, comme l’oubli de certificat d’origine ou l’utilisation d’une plateforme non autorisée, peut entraîner le blocage des envois ou, pire, un litige transfrontalier.
La responsabilité pénale du dirigeant ou de l’expéditeur peut être engagée si l’autorité douanière algérienne considère que les documents sont inexacts ou trompeurs. Des affaires récentes ont montré que même un prestataire logistique local complice peut engager la responsabilité du donneur d’ordre en France.
Exporter sans respecter les règles douanières expose à des poursuites dans les deux pays, grâce à l’accord d’entraide judiciaire France-Algérie (2018).
Risques en Algérie :
- Confiscation des marchandises
- Amendes x4 de la valeur des droits éludés
- Peines de prison (jusqu’à 5 ans)
- Interdiction d’exercer une activité commerciale
Risques en France :
- Blanchiment, usage de faux, fraude fiscale
- Amendes lourdes (jusqu’à 5 fois les montants dus)
- Inéligibilité à l’export ou marchés publics
A titre d’exemple une PME française a écopé de 200 000 € d’amende en Algérie et d’un redressement fiscal en France pour sous-facturation dissimulée.
Prévenir plutôt que subir : les bonnes pratiques à adopter
Pour éviter de tomber dans les pièges du commerce franco-algérien, il est essentiel de mettre en place une démarche rigoureuse. Il est recommandé de réaliser un audit préalable de la réglementation applicable, produit par produit, et de s’entourer de partenaires sérieux. La sélection du transitaire, du déclarant en douane et du partenaire commercial local doit être fondée sur une connaissance approfondie de leurs antécédents et de leur fiabilité.
La documentation commerciale doit être irréprochable? factures cohérentes avec la réalité, contrats signés, preuves de paiement traçables. Il est vivement conseillé de sensibiliser les équipes internes aux enjeux de la conformité douanière, voire de former un référent export chargé de superviser chaque opération. Pour exporter sereinement en Algérie :
- Faites un audit réglementaire douanier avant toute opération.
- Travaillez avec un transitaire local expérimenté, dûment vérifié.
- Respectez les règles de change algériennes (transferts bancaires tracés).
- Évitez les factures sous-évaluées ou les doubles facturations.
- Stockez toutes vos preuves d’exportation : factures, bons de livraison, documents de transport.
Les autorités algériennes exigent souvent la traduction assermentée de tous les documents techniques ou administratifs. Enfin, certaines entreprises choisissent de mettre en place un véritable programme de conformité douanière, avec audits externes, contrôles internes réguliers et procédures formalisées.
Pour les exportations françaises vers l’Algérie Même un auto-entrepreneur en e-commerce peut être poursuivi s’il expédie des produits à un partenaire algérien sans respecter :
- les formalités douanières (DAU, déclarations)
- les règles de change
- la législation produit (normes locales)
Pour les exportations françaises vers l’Algérie Mieux vaut passer par des plateformes agréées comme Chronopost, DHL ou ColisExpat, qui assurent la conformité. Une entreprise avertie en vaut deux. Car dans le commerce international, l’ignorance n’excuse jamais l’infraction.
Le marché algérien offre de belles opportunités pour les PME françaises, à condition de connaître les règles du jeu. Entre taux douaniers élevés, cadre juridique complexe et coopération judiciaire active, mieux vaut ne rien laisser au hasard. Avec le durcissement des contrôles et de coopération judiciaire renforcée, l’erreur de jugement peut coûter cher. Connaître les règles, les respecter scrupuleusement et adopter une culture de la transparence sont les clés d’un partenariat commercial durable avec le marché algérien.