Le prochain film de Christopher Nolan, L’Odyssée, n’est même pas encore sorti que le réalisateur britannique se retrouve déjà au cœur d’un débat politique. Ce n’est ni le casting prestigieux, ni l’ambition du long-métrage qui font polémique, mais l’un des lieux de tournage choisis est Dakhla.
Les organisateurs algériens du Festival International du Film du Sahara occidental (FiSahara) ont publiquement exprimé leur désaccord. Selon eux, en filmant dans une région « occupée et militarisée », Nolan risquerait, peut-être sans le vouloir, de « contribuer à normaliser des décennies de répression » exercées par le Maroc sur les populations sahraouies.
Le Sahara occidental est l’un des derniers territoires au monde inscrits par l’ONU comme non autonomes. Depuis le cessez-le-feu signé en 1991 entre le Maroc et le Front Polisario, le territoire est divisé en deux zones séparées par une longue barrière de sable fortifiée, connue sous le nom de mur marocain.
Pourquoi le film de Christopher Nolan fait parler de lui
Prévu pour une sortie mondiale en juillet 2026, L’Odyssée est un projet d’envergure produit par Universal Studios. Le tournage a déjà eu lieu dans plusieurs régions, dont l’Italie et le Maroc, avec des scènes spécifiques réalisées à Dakhla, dans le sud-ouest du Sahara occidental.
Dakhla, aux allures de carte postale avec ses dunes de sable, sa côte atlantique et ses paysages désertiques, attire de plus en plus de productions cinématographiques. Pour Nolan, c’est un choix esthétique logique : sa nouvelle adaptation du célèbre récit d’Homère vise à capturer la grandeur de l’épopée, avec Matt Damon dans le rôle d’Ulysse, entouré de Zendaya, Tom Holland ou encore Charlize Theron.
Mais derrière ces images dignes de cinéma, le contexte est autrement plus complexe. Dakhla a été annexée en 1975, après le retrait de l’Espagne, ancienne puissance coloniale. Depuis, elle fait partie d’un territoire disputé : d’un côté, le Maroc, qui considère le Sahara occidental comme faisant partie de ses provinces du Sud ; de l’autre, le Front Polisario, qui revendique l’indépendance sous la bannière de la République arabe sahraouie démocratique, soutenue activement par l’Algérie.
Le Maroc contrôle environ 80 % du territoire, tandis que les 20 % restants sont sous contrôle du Front Polisario. Mais la tension reste vive, notamment parce qu’un référendum d’autodétermination, pourtant prévu par les Nations Unies, n’a jamais vu le jour.

Chaque initiative internationale dans la région, y compris un tournage, peut donc être perçue comme une prise de position implicite. Et c’est justement ce que dénoncent les représentants du FiSahara.
Dans leur communiqué, les responsables du Festival International du Film du Sahara occidental estiment que permettre à une superproduction hollywoodienne de s’installer à Dakhla revient à légitimer l’occupation du territoire.
Ils déclarent notamment que Dakhla est « un lieu magnifique avec des dunes de sable dignes d’un décor de cinéma, mais il s’agit avant tout d’une ville occupée, militarisée, dont la population sahraouie est soumise à une répression brutale. »
Selon eux, Christopher Nolan et son équipe ont peut-être sous-estimé les implications de ce choix. Ils appellent même le réalisateur à se positionner clairement : « Nous sommes convaincus que s’ils comprenaient toutes les implications du tournage dans un territoire où les peuples autochtones ne peuvent pas réaliser leurs propres films sur leur histoire sous l’occupation, Nolan et son équipe seraient horrifiés. »
Réactions des autres médias
Le journal The Guardian et d’autres médias anglo-saxons ont relayé cette polémique. Ils rappellent que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme n’a pas eu accès au Sahara occidental depuis 2015. L’ONU continue par ailleurs de recevoir des rapports d’intimidation, de discrimination, de surveillance et d’atteintes aux droits humains à l’encontre des Sahraouis.
De son côté, l’ONG Reporters sans Frontières a qualifié la région de « désert pour les journalistes ». Elle évoque des arrestations, des actes de torture, du harcèlement, des diffamations, et même des peines de prison prolongées visant des journalistes sahraouis.
C’est dans ce contexte que le FiSahara demande à Nolan de ne pas ignorer les conséquences culturelles d’un tel tournage. Le festival accuse le Maroc d’utiliser la culture et le cinéma pour « vendre son discours selon lequel le Sahara occidental lui appartient » et pour projeter une image d’un peuple satisfait de vivre sous son autorité.