Pour renforcer la régulation des importations, l’économiste Mahfoud Kaoubi suggère l’instauration d’un double taux de change officiel en Algérie, conciliant accès privilégié aux biens essentiels et intégration progressive des transactions du marché parallèle dans le système bancaire.
Ces derniers mois, plusieurs réformes ont redessiné le cadre du commerce extérieur algérien. Suppression du dispositif Algex, régularisation de dossiers de domiciliation bancaire, déblocage de marchandises dans les ports ou encore intégration du commerce du cabas dans le circuit légal : autant de mesures destinées à fluidifier les échanges et à mieux contrôler les sorties de devises. Ces ajustements accompagnent la mise en place de deux instances nationales dédiées à la régulation des importations et des exportations.
Pour Mahfoud Kaoubi, ces avancées restent insuffisantes sans un changement de cap sur la politique monétaire. Selon lui, c’est sur la gestion du dinar qu’il faut agir pour traiter en profondeur les déséquilibres du marché des devises et limiter la dépendance au change informel.
Double taux de change officiel en Algérie pour deux catégories d’importations
L’économiste propose un système à deux parités officielles du dinar. Le premier taux, déjà en vigueur et fixé autour de 151 DZD pour un euro, serait réservé aux importations stratégiques, produits alimentaires de base, intrants industriels et équipements de production. Ce taux préférentiel garantirait la stabilité des prix sur les biens de première nécessité.
Le second taux, aligné sur la valeur pratiquée sur le marché parallèle qui est d’environ 260 DZD pour un euro, serait accessible légalement auprès des banques. Il s’appliquerait aux importations non essentielles, y compris les véhicules et les biens de consommation à faible impact stratégique. Cette parité, plus proche de la réalité de l’offre et de la demande en devises, viserait à capter une partie des transactions actuellement réalisées en dehors du cadre légal.

Réduction progressive du marché parallèle des devises
En offrant aux petits importateurs, désormais reconnus sous le statut d’autoentrepreneurs, la possibilité d’acheter des devises à un taux officiel aligné sur l’informel, la mesure limiterait leur recours aux circuits illégaux. Les flux financiers alimentant le marché noir seraient ainsi redirigés vers le système bancaire, favorisant l’émergence de bureaux de change agréés et une meilleure traçabilité des opérations.
L’instauration de ce second taux ne se ferait pas sans conséquences. L’importation de biens non vitaux pourrait entraîner une hausse des prix pour le consommateur final. Mahfoud Kaoubi plaide néanmoins pour une mise en œuvre progressive afin d’atténuer les effets inflationnistes et éviter un choc économique.

Un instrument de régulation adapté aux fluctuations du marché
Ce double taux de change offrirait à l’État un outil de gestion plus flexible de ses réserves en devises. En combinant un taux fixe pour les importations vitales et un taux flottant pour les autres, les autorités pourraient ajuster rapidement leurs priorités selon la conjoncture économique et les recettes d’exportation.
Cette approche s’inspire d’expériences étrangères où l’adaptation volontaire de la politique de change a permis d’éviter des ajustements forcés dictés par une crise des revenus extérieurs ou un déficit prolongé de la balance des paiements.
En arrière-plan, la stratégie vise à établir un cadre plus transparent pour le commerce extérieur et à renforcer la résilience économique face aux tensions sur le marché des devises. Mais sa réussite dépendra de la capacité des banques à concurrencer efficacement le marché parallèle et à instaurer une confiance durable chez les opérateurs économiques.