Fini la France. Alors que Paris durcit sa politique migratoire, Rome choisit une autre voie. L’Italie combine fermeté contre l’irrégularité et ouverture sélective pour les Algériens. ce pays Schengen s’impose comme une nouvelle porte d’entrée légale en Europe pour les Algériens, alliant rigueur et pragmatisme.
Les tensions entre la France et l’Algérie ne cessent de s’accumuler. De la reconnaissance par Paris du plan marocain sur le Sahara occidental aux restrictions de visas imposées aux responsables algériens, les différends bilatéraux creusent un fossé. Dans ce climat crispé, un autre pays Schengen, l’Italie, adopte une approche migratoire plus pragmatique, fermeté absolue face à l’irrégularité, mais ouverture encadrée pour l’immigration légale. Résultat, l’Italie apparaît de plus en plus comme une alternative à la France pour les Algériens en quête de perspectives en Europe.
Fini la France, une relation en froid et une politique migratoire rigide
Depuis plusieurs années, les Algériens constatent un durcissement dans leurs relations avec la France. L’accord de 1968, qui conférait un statut particulier aux ressortissants algériens, a perdu de sa substance. Désormais, Paris applique une réglementation quasi uniforme à l’ensemble des ressortissants extra-européens. Selon l’Insee, 53 % des migrants maghrébins déclarent venir pour rejoindre un proche
Hormis quelques dérogations liées au regroupement familial ou à l’activité indépendante, les Algériens n’ont plus de traitement différencié. Cette approche homogène, conjuguée aux tensions diplomatiques récentes, rend l’accès à la France plus contraint. L’épisode de l’expulsion croisée de diplomates en 2025 ou la polémique sur la pâte à tartiner El Mordjene bloquée en douane en sont des symboles éloquents.
En pratique, la France conserve l’avantage d’une diaspora ancienne et nombreuse, qui continue de jouer un rôle de relais. Mais pour les nouveaux candidats au départ, les portes se ferment davantage.
L’Italie : une stratégie duale, rigueur et ouverture
À l’inverse, l’Italie, sous l’impulsion de Giorgia Meloni, expérimente une politique migratoire à double visage.
- Tolérance zéro pour l’irrégularité : renforcement des patrouilles maritimes en Méditerranée, accords avec la Tunisie et la Libye, accélération des expulsions pour les entrées clandestines.
- Souplesse encadrée pour l’immigration légale : ouverture de quotas de travailleurs étrangers, notamment en direction de l’Algérie, pour combler des besoins criants dans l’agriculture, le bâtiment, la santé ou les services à la personne. Depuis 2023, l’Italie a délivré 450 000 permis de travail à des étrangers non-européens, dont une part significative d’Algériens, dans le cadre d’un plan qui prévoit d’atteindre 500 000 visas d’ici 2028
Cette stratégie est perçue comme plus claire, Rome dit non fermement à l’illégal, mais aménage des portes officielles pour ceux qui passent par les canaux réguliers. Les arrivées de migrants par voie maritime en Italie ont augmenté de 15 % au premier semestre 2025, 30 060 arrivées contre 26 131 en 2024. Parmi elles, les Algériens représentent environ 1,6 % (soit 598 personnes fin juillet)
Algériens : un attrait croissant pour l’Italie
Ce modèle séduit de plus en plus de jeunes Algériens qui, face au blocage français, regardent désormais vers Rome. L’Italie combine trois atouts majeurs :
- Proximité géographique : des liaisons aériennes et maritimes directes facilitent les allers-retours.
- Opportunités économiques : le vieillissement de la population italienne et les pénuries de main-d’œuvre créent un besoin structurel de travailleurs étrangers.
- Cadre légal clair : les quotas publiés chaque année donnent une visibilité sur les secteurs qui recrutent.
Un étudiant en sciences infirmières ou un ouvrier agricole peut ainsi trouver en Italie une perspective professionnelle qu’il n’obtiendrait pas en France dans les mêmes conditions.
Chiffres clés à connaître
- En 2023, 12,2 % des immigrés en France sont nés en Algérie, soit 892 000 individus sur 7,3 millions (population immigrée totale)
- En moyenne annuelle depuis 2022, 6,4 % des nouveaux immigrés en France étaient Algériens.
- La diaspora algérienne en France dépasse aujourd’hui 2,7 millions de personnes, incluant très largement les descendants.
- En Italie, la présence algérienne légale reste marginale : seulement environ 19 661 Algériens réguliers recensés en 2019.
Tableau de comparaison
Indicateur | France | Italie |
---|---|---|
Immigrés algériens présents | ~892 000 (12,2 % du total des immigrés de 2023) | ~19 661 en 2019, chiffre très faible |
Arrivées algériennes récentes | 6,4 % des nouveaux immigrés en 2022 | Migration irrégulière : ~600 Algériens en 1er semestre 2025. |
Visas de travail prévus | Quotas limités, procédure rigide | ~500 000 visas planifiés entre 2026 et 2028, pour combler des secteurs en tension |
Politique migratoire | Régulation uniforme, limitation des nouvelles filières | Fermeté contre irrégularité + ouverture sélective pour le travail |
Un rapport de force méditerranéen
Cette différence d’approche migratoire s’inscrit aussi dans un contexte géopolitique plus large. L’Italie, devenue partenaire énergétique privilégié de l’Algérie depuis la guerre en Ukraine, consolide sa position par une politique migratoire cohérente. Rome apparaît comme un partenaire fiable et pragmatique, conciliant sécurité et coopération.
La France, malgré son poids historique et la force de sa communauté algérienne, voit son attractivité fragilisée par des tensions diplomatiques persistantes et une politique migratoire jugée trop rigide.
Quelles perspectives pour les Algériens en Europe ?
L’évolution actuelle pose une question de fond : un basculement des flux migratoires algériens vers l’Italie est-il en cours ?
- Pour les nouvelles générations, Rome devient une option sérieuse, notamment pour les travailleurs qualifiés ou saisonniers.
- Pour les familles établies, la France garde une longueur d’avance grâce aux attaches historiques et culturelles.
- À terme, la politique italienne pourrait redessiner l’équilibre des destinations européennes, surtout si Paris maintient sa ligne dure.
Ce contraste met en évidence deux philosophies, la régulation pragmatique italienne face à la régulation uniforme française.
Avec une diaspora historique de près de 3 millions en France, l’immigration algérienne demeure prédominante côté français. Mais face aux blocages migratoires actuels, l’Italie s’impose comme une alternative structurée et pragmatique, délivrant massivement des visas de travail et combinant fermeté contre l’irrégularité à une politique d’accueil ciblée. Un nouveau paradigme migratoire se dessine en Méditerranée, plaçant Rome en porte d’entrée préférentielle pour l’Algérie.
Si Paris conserve une influence par l’histoire et sa diaspora, Rome offre aujourd’hui un horizon légal plus accessible et adapté aux réalités du marché du travail. Une redistribution des cartes est en cours sur l’échiquier méditerranéen, où l’Algérie trouve en l’Italie un partenaire à la fois ferme sur la sécurité et ouvert aux talents et bras venus du sud.