Le projet d’amendement à la loi de finances 2026 secoue la diaspora algérienne. Paris envisage d’imposer une taxe sur les transferts d’argent vers les pays hors Union européenne. Une décision qui, derrière l’argument budgétaire, révèle un débat bien plus profond, celui du regard que la France porte sur ses immigrés
Ils sont des centaines de milliers à envoyer chaque mois quelques centaines d’euros de France vers l’Algérie. Un geste d’amour, de solidarité, souvent discret mais essentiel. Ils n’envoient pas des milliards pour spéculer, mais pour soutenir leurs familles, bâtir des maisons, financer des études. Pourtant, ces gestes de solidarité pourraient bientôt être taxés.
Un amendement glissé dans le projet de loi de finances 2026 met le feu aux poudres, il prévoit l’instauration d’une taxe de 1 % sur les transferts d’argent effectués depuis la France vers les pays hors Union européenne. En ligne de mire, les flux financiers à destination du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, et donc, en grande partie, ceux de la diaspora algérienne. Derrière la logique comptable, beaucoup y voient un signal politique, voire une mise à l’épreuve du lien entre la France et sa diaspora.
Une mesure budgétaire ou un signal politique ?
Présenté le 22 octobre par des députés du groupe Union pour la République (URR), le texte justifie cette taxe par un argument budgétaire : « assurer de nouvelles ressources au Trésor public ». Les auteurs estiment que près de 10 milliards d’euros quittent chaque année la France sous forme de transferts personnels, dont une part importante vers le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Une somme qu’ils considèrent comme une “perte de richesse nationale”.
Mais au-delà du prétexte fiscal, le sous-texte politique est évident. L’amendement réserve en effet la possibilité d’exempter certains pays de cette taxe, à condition qu’ils coopèrent davantage avec la France dans la lutte contre l’immigration irrégulière et le rapatriement des migrants en situation illégale. Une logique de donnant-donnant qui transforme la solidarité familiale en levier diplomatique.
Taxe de 1 % sur les transferts d’argent, une stigmatisation déguisée
Pour de nombreux observateurs, cette initiative traduit une dérive, celle d’une classe politique française qui, au lieu de valoriser l’apport économique de ses diasporas, les soupçonne d’être un fardeau fiscal.
Car il faut rappeler une réalité : les expatriés algériens, marocains ou maliens contribuent massivement à l’économie française , impôts, cotisations sociales, consommation, services rendus, bien plus qu’ils ne coûtent. Les qualifier de “fuite de richesses” relève d’un contresens économique autant que d’une injustice symbolique.
Une diaspora au cœur du lien franco-algérien
Pour les familles, les transferts d’argent ne sont pas un luxe, mais une bouée de survie. Ils financent les soins, les études, la vie quotidienne. En Algérie, ces flux représentent plusieurs milliards d’euros par an, une respiration pour l’économie et une preuve tangible de l’attachement des émigrés à leur pays d’origine.
Taxer ces envois reviendrait à taxer l’entraide. Et à brouiller encore un peu plus une relation déjà fragile entre Paris et Alger.
Si elle était adoptée, cette mesure pourrait pousser de nombreux expatriés à contourner les circuits officiels, transfert informel, plateformes non déclarées, privant ainsi l’État français des bénéfices de la transparence financière qu’il prétend renforcer. En somme, une taxe contre-productive, injuste sur le plan moral, inefficace sur le plan économique, et périlleuse sur le plan symbolique.
Sous couvert d’équilibre budgétaire, c’est tout un rapport historique et humain qui est remis en question. Car derrière les chiffres, il y a des destins, des familles, et un fil invisible qui relie encore la France à son ancienne colonie. Et si le débat sur les finances publiques est légitime, il le serait davantage si l’on cessait de faire des travailleurs immigrés les variables d’ajustement d’une crise qu’ils n’ont pas créée. Les transferts d’argent, eux, continueront de traverser la Méditerranée. Peut-être plus discrètement, mais toujours avec la même force du cœur.






