L’Espagne bloque ces visas prisés par les investisseurs marocains, mettant fin à un programme qui leur ouvrait les portes de la résidence contre un investissement conséquent. Cette décision risque de rebattre les cartes de l’immobilier ibérique et de modifier les dynamiques migratoires entre les deux rives de la Méditerranée.
Pendant plus d’une décennie, le « Golden Visa » a été l’un des leviers privilégiés pour les ressortissants marocains souhaitant s’implanter légalement en Espagne. Il ne s’agissait pas d’un simple document de séjour, mais d’un véritable passeport vers une résidence européenne, conditionné à des investissements lourds, souvent dans la pierre. En quelques années, ce programme a transformé le marché immobilier espagnol, attirant des fortunes étrangères prêtes à miser gros pour sécuriser une présence au sein de l’espace Schengen.
Mais depuis peu, l’ambiance a changé. Madrid a choisi de tourner la page, mettant un terme à ce dispositif jugé trop favorable aux investisseurs étrangers et dont les conséquences sur le marché local commencent à peser lourdement. Pour les Marocains, souvent positionnés parmi les acheteurs les plus actifs, c’est une opportunité stratégique qui se referme brutalement.
L’Espagne bloque ces visas et redistribue les cartes de l’investissement étranger

Le programme de « Golden Visa », instauré en 2013, permettait aux non-Européens d’obtenir un droit de résidence en Espagne moyennant un investissement minimum de 500 000 euros dans l’immobilier. Cette formule simple mais efficace a séduit des milliers de ressortissants étrangers, dont une proportion significative de Marocains, attirés par la stabilité du cadre légal espagnol et la proximité géographique avec le royaume.
En 2023, selon les chiffres du Conseil général des notaires d’Espagne, les Marocains représentaient 6,1 % des acheteurs étrangers de biens immobiliers, se hissant au second rang derrière les Allemands. Sur le seul premier semestre de l’année, près de 4 500 transactions ont été conclues par des Marocains. Une dynamique désormais stoppée nette par la suppression du visa doré.
Les autres options d’investissement ouvrant droit à ce visa : placements dans la dette publique espagnole (à hauteur de 2 millions d’euros), acquisition d’actions d’entreprises locales (1 million d’euros), ou encore dépôts bancaires importants, n’ont jamais rencontré le même engouement que l’investissement immobilier. Ce dernier constituait l’option la plus accessible, et donc la plus populaire auprès des investisseurs marocains.
Immobilier en Espagne au cœur d’un programme à double tranchant
Si le visa doré en Espagne a permis d’attirer pas moins de 14 576 investisseurs étrangers en une décennie, injectant près de 4,8 milliards d’euros dans l’immobilier entre 2018 et 2022, il a aussi contribué à une inflation des prix dans certaines zones très prisées. Barcelone, Madrid, Malaga ou encore Valence ont vu leurs marchés se tendre, avec une accessibilité réduite pour les résidents locaux.
Ce phénomène a nourri le débat politique en Espagne, notamment dans un contexte de crise du logement pour les Espagnols eux-mêmes. En décidant de suspendre ce visa, le gouvernement cherche à freiner la spéculation immobilière et à favoriser l’accès à la propriété pour les citoyens espagnols. Mais cette mesure a également des répercussions à l’international, en particulier sur les ressortissants marocains pour qui ce visa constituait un pont légal et financier vers l’Europe.
Même si les demandes de renouvellement des visas déjà accordés continueront à être traitées conformément aux dispositions en vigueur au moment de leur délivrance, aucun nouveau dossier ne sera accepté sous l’ancien régime. Une fermeture qui laisse peu de marge de manœuvre à ceux qui misaient encore sur cette porte d’entrée vers l’Europe.
Rééquilibrage assumé pour une migration légale
Au-delà de l’investissement immobilier, la décision espagnole de bloquer les « golden visas » s’inscrit dans une volonté plus large de revoir sa politique migratoire et d’investissement. En coupant l’accès à ce canal, l’Espagne redéfinit les contours de l’attractivité de son territoire. Pour les Marocains, traditionnellement bien implantés dans de nombreuses régions espagnoles, ce changement impose une réévaluation des stratégies d’expansion patrimoniale et de mobilité familiale.
Les alternatives légales restent peu nombreuses et surtout plus complexes. Sans ce raccourci financier, les investisseurs marocains devront désormais composer avec des parcours plus classiques, plus longs, et soumis à des critères différents, qu’il s’agisse de visas de travail, de regroupement familial ou de visas étudiants.
Les agences immobilières qui avaient bâti une partie de leur modèle économique sur l’accompagnement des étrangers dans l’obtention du Golden Visa devront également s’adapter. Certaines ont déjà commencé à rediriger leurs offres vers d’autres marchés ou à explorer de nouveaux types de visa, moins lucratifs mais toujours attractifs.