Le E-Commerce en Algérie entre dans une nouvelle ère avec la mise en place d’un encadrement fiscal ciblé. Toute activité en ligne générant du profit, même sans registre de commerce, est désormais surveillée. Voici ce qu’il faut savoir sur l’imposition des transactions numériques jugées fréquentes ou récurrentes.
Vendre sur internet, en apparence anodin, devient une affaire sérieuse. En Algérie, une nouvelle réglementation vient renforcer la surveillance des activités lucratives en ligne, même lorsque celles-ci sont exercées sans registre de commerce. Une manière claire pour l’État de récupérer une partie de l’économie informelle qui prospère à travers les réseaux sociaux, les plateformes de petites annonces ou encore les boutiques numériques informelles.
Ce tournant législatif ne cible pas uniquement les entreprises déclarées, mais s’intéresse aussi aux particuliers qui effectuent, de manière répétée, des transactions commerciales. Une dynamique qui impacte directement les pratiques du E-Commerce en Algérie, où nombreux sont ceux qui, jusqu’à présent, pensaient échapper au regard du fisc.
Le E-Commerce en Algérie désormais dans le viseur du fisc

En application des dispositions de l’article 115 de la loi n° 21-16 de décembre 2021 portant loi de finances pour 2022, un texte ministériel conjoint émis par le ministère des Finances, Abdelkrim BOUZRED et le ministre du Commerce intérieur et de la régulation du marché national, Tayeb ZITOUNI, précise les conditions dans lesquelles une activité en ligne devient imposable. Le critère principal est la répétition. Si un individu réalise au moins trois transactions commerciales similaires dans la même année civile, et ce dans un but lucratif, comme le stipule
Article 2 : {Les dispositions du présent arrêté s’appliquent aux transactions de toute nature : réalisées à caractère habituel et répétitif ; réalisées dans un but lucratif ; dont le nombre est égal ou supérieur à trois (3) transactions, au cours d’une même année civile ; portant sur des transactions commerciales de même nature, au sens des dispositions du Code de commerce.}
Cet individu verra alors son activité entrer dans le champ de l’imposition ainsi indiqué dans l Article 1 : {le présent arrêté a pour objet de déterminer les critères et les modalités d’appréciation du caractère habituel et répétitif des transactions de toute nature réalisées par des particuliers à but lucratif, soumises aux différents impôts et taxes.}
Cette mesure s’applique à tous types de ventes : produits cosmétiques, habillement, équipements électroniques, services digitaux… À partir du moment où la fréquence et l’intention de profit sont établies, les services fiscaux peuvent intervenir, même en l’absence d’un registre de commerce ou d’une entreprise légalement constituée.
Article 4 : {Les agents de l’administration fiscale sont chargés d’apprécier, par tout moyen de contrôle prévu par la législation fiscale en vigueur, le caractère habituel et répétitif des transactions citées à l’article 2.} Ce changement marque une volonté de réguler l’économie numérique qui agit dans le circuit informel, devenue florissante avec la démocratisation des réseaux sociaux.
Les obligations régies par la réglementation fiscale pour les activités non déclarées
Concrètement, les personnes identifiées comme exerçant une activité commerciale en ligne sans être déclarées recevront d’abord une mise en demeure officielle comme précisé dans l’Article 5 : { En cas de constat de réalisation des transactions mentionnées à l’article 2 ci-dessus, par les particuliers visés à l’article 3 du présent arrêté, les agents de l’administration fiscale adressent une mise en demeure à ces derniers, suivant le modèle utilisé par l’administration fiscale, à l’effet de régulariser leur situation fiscale…}
Ce document vise à les informer de leur situation irrégulière et à leur permettre de régulariser leur statut fiscal. Si elles ne réagissent pas, une deuxième notification est envoyée. {… Une deuxième mise en demeure est adressée aux particuliers, lorsque ces derniers ne procèdent pas à la régularisation de leur situation, suite à la première mise en demeure transmise…}
En cas de non-conformité persistante, un procès-verbal de constatation est dressé, sans avertissement préalable. { … Les agents de l’administration fiscale dressent un procès-verbal de constat, dans le cas où les contrevenants ne se conforment pas aux deux (2) mises en demeure pour la régularisation de leur situation…} De plus, { S’il est dûment prouvé, par l’administration fiscale, la répétition de ces transactions plus de trois (3) fois, il est directement dressé un procès-verbal de constat, sans mise en demeure préalable.}
Les procès-verbaux établis par les agents de l’administration fiscale seront envoyés au ministère du Commerce territorial dans un délai de trente (30) jours à partir de leur date de création. Comme précisé dans l’Article 6 : {Les procès-verbaux dressés et les documents éventuellement établis par les agents de l’administration fiscale sont transmis aux services du ministère du Commerce territorialement compétent dans un délai de trente (30) jours, à compter de la date de leur établissement.}
Ce processus de contrôle s’inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre la fraude fiscale et le commerce parallèle. Il oblige désormais tout acteur du commerce électronique en Algérie à réfléchir sérieusement à sa conformité fiscale. Même les vendeurs occasionnels peuvent être concernés si leur activité prend de l’ampleur.
Quelle marge de manœuvre pour les petits vendeurs ou micro-entrepreneurs ?

Le cadre juridique ne fait pas la différence entre les petits vendeurs indépendants et les structures plus organisées. Dès lors qu’une activité devient « habituelle et répétée », Artilcle 3 : {Sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, les dispositions du présent arrêté s’appliquent à l’égard des particuliers ne détenant pas un document leur permettant d’exercer leur activité commerciale, qui réalisent à titre habituel et répétitif les transactions de toute nature prévues à l’article 2.}
Les jeunes commerçants sont donc soumis aux taxes et droits en vigueur. Article 7 : { Les particuliers réalisant les transactions citées à l’article 2 ci-dessus sont soumis aux droits et taxes prévus par la législation en vigueur.} Cela soulève des interrogations sur le sort des micro-entrepreneurs ou des jeunes auto-entrepreneurs digitaux qui utilisent des canaux comme Facebook Marketplace, TikTok ou Instagram pour tester des idées de business.
Sans statut légal, ces jeunes commerçants digitaux pourraient rapidement se retrouver dans l’illégalité sans même en être pleinement conscients. La seule protection juridique reste donc la déclaration officielle de l’activité et l’obtention d’un statut reconnu, comme celui d’auto-entrepreneur, s’il est instauré de manière claire dans le pays.
L’économie algérienne face au défi de la fiscalité et de la digitalisation
Avec l’essor du commerce numérique, la frontière entre activité personnelle et activité professionnelle devient floue. Un citoyen qui revend régulièrement des produits achetés en gros ou qui propose des services digitaux sur une base régulière entre déjà dans la catégorie d’activité imposable selon la nouvelle réglementation.
Ce renforcement du contrôle fiscal intervient dans un contexte où l’État algérien cherche à élargir l’assiette fiscale et à structurer un marché numérique en pleine expansion. Mais cette transition nécessite aussi un accompagnement. Car imposer sans offrir de cadre simple et accessible à la régularisation pourrait freiner l’élan entrepreneurial en ligne.
Alors que le e-commerce en Algérie est encore jeune et en pleine structuration, cette mesure envoie un message clair : vendre en ligne n’est plus hors du radar.