Derrière l’expression 800 euros pour un rendez-vous en préfecture, se cache un marché parallèle en pleine expansion. Face à une pénurie de créneaux pour les démarches de séjour, des entreprises proposent des services payants souvent opaques, exploitant la détresse administrative des étrangers.
Obtenir un rendez-vous en préfecture est devenu un véritable parcours du combattant pour de nombreux étrangers installés en France. Ce qui devrait être une formalité gratuite s’est transformé en obstacle majeur, parfois insurmontable sans aide extérieure. Ce blocage a laissé le champ libre à des sociétés privées qui promettent, moyennant finance, de simplifier les démarches.
Le problème, c’est que ces services, vendus comme un accompagnement administratif, sont souvent hors de prix, mal encadrés et peu fiables. Certaines personnes témoignent avoir déboursé plusieurs centaines, voire des milliers d’euros, pour des prestations mal exécutées, sans garantie de succès, et pour des démarches censées être gratuites.
Dérive révélatrice autour des 800 euros pour un rendez-vous en préfecture

C’est un chiffre qui frappe : 800 euros pour un rendez-vous en préfecture. Selon RMC, c’est le tarif annoncé par certaines sociétés pour obtenir un créneau pour déposer une demande de titre de séjour. Le phénomène est en pleine expansion, notamment à Paris, Lyon et Marseille, où ces entreprises, parfois établies physiquement en ville, captent une clientèle étrangère désespérée face à des délais interminables et à l’impossibilité de prendre rendez-vous par les canaux officiels.
Ces sociétés, comme « Pôle Démarches » ou « Démarche Française », surfent sur la saturation des services préfectoraux. Leur discours est rodé, elles proposent un service de mise en relation, d’assistance ou de gestion de dossier. Mais dans les faits, le service rendu est souvent minimal et ne correspond pas à la promesse commerciale initiale. En parallèle, des associations d’aide aux migrants alertent sur des pratiques qu’elles qualifient d’abusives, voire d’escroqueries.
Les témoignages sont édifiants. Une femme, en quête de naturalisation, raconte avoir versé 1 700 euros à une entreprise pour la constitution de son dossier. Résultat : documents mal traduits, dépôt refusé, argent perdu. Aucune garantie de résultat, aucun recours prévu.
Des services légaux dans un flou réglementaire
Sur le papier, ces entreprises ne sont pas illégales. Elles s’inscrivent dans le cadre des services à la personne, une catégorie juridique large qui leur permet d’opérer dans un flou réglementaire. C’est ce que rappelle le ministère de l’Intérieur, tout en incitant les usagers à signaler tout comportement frauduleux auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Ce flou est justement ce qui inquiète les associations. Elles dénoncent un système où la « fracture administrative » est exploitée à des fins commerciales. Pour elles, la racine du problème n’est pas seulement dans l’activité de ces sociétés, mais dans le manque de moyens des préfectures, la dématérialisation poussée à l’extrême et l’absence d’accompagnement pour les non-francophones ou les personnes en situation de précarité.
Le recours à ces sociétés n’est souvent pas un choix, mais une solution par défaut. Quand toutes les tentatives de prise de rendez-vous échouent, quand aucun numéro ne répond, quand le site plante en boucle, certaines personnes n’ont d’autre option que de payer.
Un marché parallèle encouragé par la pénurie administrative
L’apparition de ces offres payantes est le symptôme d’une crise de l’accès aux droits. La tension sur les créneaux de rendez-vous est telle que des dizaines de milliers de personnes se retrouvent bloquées dans leurs démarches de régularisation ou de renouvellement de titre de séjour. Cette saturation a ouvert la porte à un marché informel, parfois numérique, parfois localisé physiquement, avec des vitrines et des bureaux en centre-ville.
Les associations interrogées dans les enquêtes relayées par RMC dénoncent avant tout les prix abusifs, les prestations bâclées et l’exploitation de la détresse des étrangers. Elles ne rapportent pas directement l’existence de manipulations techniques du système de rendez-vous.
Cependant, d’autres investigations journalistiques, comme celles de StreetPress, ont déjà mis en lumière l’usage présumé de logiciels automatisés appelés bots utilisés par certains prestataires pour capter les créneaux dès leur mise en ligne. Ces bots permettraient à des acteurs privés de récupérer massivement des rendez-vous gratuits pour ensuite les revendre à prix fort. Les autorités françaises, bien qu’informées de ces signalements, n’ont pour l’heure confirmé aucune faille ou responsabilité précise.
Ce mélange de désespoir, d’opacité et de dépendance à des services payants crée une spirale dangereuse. Il entretient une inégalité d’accès aux démarches administratives : seuls ceux qui peuvent payer parviennent à avancer, pendant que les autres stagnent dans une situation précaire. Et pour beaucoup, ces 800 euros ne garantissent même pas un rendez-vous.