D’après les projections du think tank Terra Nova, la France a besoin de plus de 300 000 travailleurs immigrés chaque année pour maintenir son modèle social et faire face au vieillissement démographique. Ces recrutements ciblent principalement les secteurs en tension, de la santé au BTP.
Alors que les tensions sur le marché de l’emploi s’intensifient dans certains secteurs, un nouveau rapport relance le débat sur les besoins structurels de la France en matière de main-d’œuvre étrangère. Ce document, fondé sur des données démographiques et économiques, évalue les flux d’immigration nécessaires pour équilibrer les actifs et les inactifs.
Dans un contexte de vieillissement rapide de la population et de natalité en baisse, les prévisions ne laissent guère de marge de manœuvre : la stabilité du système de protection sociale passe par un volume soutenu de travailleurs étrangers dans les décennies à venir. L’étude s’appuie sur des scénarios modélisés jusqu’en 2050, ajustés selon les taux d’activité des jeunes, des femmes et des seniors.
La France a besoin de plus de 300 000 travailleurs selon think tank Terra Nova
Le rapport publié par le think tank Terra Nova avance un chiffre précis : entre 250 000 et 310 000 travailleurs immigrés par an devront être accueillis pour stabiliser le ratio actifs/inactifs. Ce besoin ne constitue pas une volonté d’augmentation massive de l’immigration, mais la continuité d’un niveau déjà observé. En 2022, la France avait déjà enregistré l’arrivée de 331 000 immigrés, selon les données de l’Insee.
Le maintien de l’équilibre économique et social implique de diriger ces flux migratoires vers les secteurs productifs. Terra Nova propose de « flécher davantage les entrées vers l’activité économique », autrement dit de renforcer l’immigration professionnelle ciblée. Cette approche vise à répondre efficacement aux besoins réels du marché du travail français.
La pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs stratégiques s’aggrave. D’après un rapport de France Stratégie publié en 2022, cette dynamique devrait se poursuivre et s’intensifier. Sans ajustement, certaines filières clés pourraient manquer de personnel pour fonctionner normalement.
Métiers en tension et main-d’œuvre étrangère
Les données disponibles montrent une forte concentration de travailleurs immigrés dans les métiers dits « en tension ». En Île-de-France, 61 % des aides à domicile sont issus de l’immigration. Le secteur du bâtiment, de la propreté ou encore de la logistique présente des caractéristiques similaires.
Ce phénomène ne se limite pas aux postes peu qualifiés. La santé illustre aussi cette tendance : un médecin sur cinq exerçant actuellement en France a obtenu son diplôme à l’étranger. Ces chiffres confirment que la dépendance de certains secteurs à l’immigration ne relève pas de l’exception mais d’un fonctionnement structurel du marché.
Le vieillissement de la population active et les départs massifs à la retraite accentuent la pression sur les dispositifs de remplacement. Le taux d’activité des jeunes et des seniors est scruté de près, mais les projections montrent qu’il ne suffira pas à compenser l’écart. L’apport de main-d’œuvre étrangère devient ainsi un paramètre incontournable pour préserver le fonctionnement du tissu économique.

Données démographiques perception publique et enjeux d’acceptabilité
L’acceptabilité sociale de cette dynamique migratoire reste un sujet sensible. Selon une enquête menée par le Crédoc pour Terra Nova en mars 2025, une majorité de Français surestiment le poids de l’immigration : 73 % pensent que les immigrés représentent plus de 25 % de la population, alors que le chiffre réel, selon l’Insee, est de 10,7 %.
Cette perception erronée contribue à alimenter des inquiétudes qui, selon le rapport, ne correspondent pas à la réalité statistique. En revanche, l’idée d’une immigration choisie et orientée vers les besoins économiques reçoit un accueil plus favorable dans l’opinion publique. Ce point pourrait servir de base à une stratégie d’information publique et de pilotage plus précis des flux migratoires.
L’étude met en lumière une stratégie de gestion calibrée, à l’opposé de toute ouverture incontrôlée. Il s’agit de maintenir un certain niveau d’arrivée tout en veillant à une répartition cohérente selon les besoins identifiés. En ce sens, l’immigration économique planifiée apparaît comme un levier d’ajustement rationnel, dans un contexte de transition démographique marquée.
Le rapport de Terra Nova s’inscrit dans une démarche prospective fondée sur des indicateurs précis. À mesure que la pression démographique s’intensifie, la question de la main-d’œuvre étrangère prend une dimension structurelle, bien au-delà des débats conjoncturels.