Clap de fin pour Renault Algérie. Le constructeur automobile français n’a pas obtenu l’autorisation de relancer son usine d’Oran, malgré les investissements lourds et les efforts de mise en conformité. La détérioration du climat politico-économique entre Alger et Paris pèse lourdement sur cette issue.
Pendant des années, Renault a été un symbole fort de la coopération industrielle entre la France et l’Algérie. Son usine de montage à Oued Tlelat, dans la wilaya d’Oran, avait marqué une étape dans la volonté d’industrialisation du pays et l’attraction d’investissements étrangers. Mais aujourd’hui, le rideau est tombé.
Malgré un investissement de près de 120 millions d’euros et une usine prête à redémarrer, Renault Algérie s’est vu notifier un refus par le comité technique du ministère de l’Industrie en mars 2025. Le dossier, selon les sources officielles, n’a pas satisfait les nouvelles exigences algériennes. Ce refus, motivé, marque un tournant dans la relation entre le constructeur français et les autorités locales.
Renault Algérie écartée du renouveau industriel
Renault n’est pas la seule entreprise à faire les frais de ce durcissement. Renault Trucks, bien que juridiquement suédoise, a également reçu une notification défavorable. Ces décisions s’inscrivent dans une politique affichée par le gouvernement algérien : celle de viser l’autosuffisance industrielle d’ici la fin 2025. Les appels à redémarrer l’activité, comme celui lancé en mai 2024 par Rémi Houillons, directeur général de Renault Algérie Production, n’auront donc pas suffi.
La marque au losange avait pourtant tenté de s’aligner sur les nouvelles règles du jeu mises en place en 2022. Le constructeur affirmait être techniquement et administrativement prêt, avec un site conforme aux nouvelles normes. En vain. Ce contexte réglementaire plus strict, ajouté à un climat diplomatique en crise, semble avoir scellé le sort de Renault en Algérie.

La crise diplomatique impacte lourdement l’économie
Depuis la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, les relations entre Paris et Alger se sont gravement détériorées. Une série d’événements politiques et économiques, allant de l’expulsion de diplomates à l’échec de visites officielles, ont graduellement envenimé la situation.
Conséquence directe : une baisse historique des échanges commerciaux entre les deux pays. Au premier trimestre 2025, les exportations françaises vers l’Algérie ont chuté de plus de 20 %, passant sous la barre du milliard d’euros. Les importations algériennes ont également reculé, signe que la crise dépasse le simple contentieux politique. Pour les entreprises françaises, notamment les PME, c’est un coup dur.
L’environnement devient hostile pour les investisseurs français
Dans ce climat, l’environnement des affaires s’est complexifié pour les acteurs français. De nombreux témoignages évoquent des blocages administratifs, une méfiance accrue des autorités locales, et une préférence apparente pour des partenaires non-français. Certains opérateurs évoquent même des difficultés pour faire passer leurs marchandises par les ports algériens habituels, les poussant à transiter par d’autres pays européens.
Le secteur industriel n’est pas le seul concerné. L’agroalimentaire aussi enregistre des signes de recul de la présence française. Dernièrement, la France n’apparaît pas sur la liste des pays retenus pour des appels d’offres publics dans l’achat de blé ou de poudre de lait. En parallèle, d’autres nations comme la Pologne, les États-Unis ou les Pays-Bas s’imposent comme fournisseurs privilégiés.
Renault et les autres entreprises face à une nouvelle réalité économique
La fermeture de l’usine Renault Algérie illustre bien les tensions qui s’intensifient. Pour les grandes multinationales, des marges de manœuvre existent encore. Elles peuvent contourner certains obstacles, adapter leur logistique, changer de routes commerciales. Mais pour les PME, qui constituent la majorité des entreprises françaises exportant vers l’Algérie, la donne est tout autre.
Ces structures, souvent sans appui institutionnel fort, n’ont ni les moyens logistiques ni la flexibilité des grands groupes. Et quand le climat devient incertain, certains industriels préfèrent se tourner vers d’autres fournisseurs européens : Espagne, Italie ou Allemagne.
L’ombre d’une recomposition géoéconomique
La perte d’influence économique de la France en Algérie ne date pas d’hier. Depuis 2013, la Chine a supplanté Paris comme premier fournisseur du pays. Mais les dernières évolutions laissent présager une chute encore plus brutale. À Batimatec 2025, le salon majeur du bâtiment à Alger, la présence française s’est réduite à dix-huit stands, loin derrière les centaines de pavillons turcs.
Pour de nombreux observateurs économiques, la question n’est plus de savoir si la France peut regagner du terrain, mais si elle peut simplement rester dans la course. L’absence de soutien étatique aux entreprises françaises, contrairement à leurs concurrentes turques ou allemandes, aggrave la situation. Et dans un pays où les barrières à l’entrée sont nombreuses, cette absence peut vite devenir un désavantage irrattrapable.
Renault avait investi dans une vision d’avenir, celle d’une industrie automobile locale soutenue par un partenaire historique. Mais, dans le climat actuel, ce partenariat semble appartenir au passé.