Le prix de l’euro face au dinar connaît une nouvelle progression au square d’Alger, atteignant 260 DZD à la vente. Une remontée qui intervient dans un contexte de réformes économiques ciblant le commerce informel et la régulation des devises circulant en dehors du circuit bancaire.
Au square Port-Saïd d’Alger, repère incontournable des cambistes en Algérie, l’euro a retrouvé un niveau qu’il n’avait plus atteint ces deux dernières semaines. En ce jeudi 22 mai, la monnaie européenne s’échange à 260 dinars algériens à la vente, contre 256,5 DZD à l’achat. Ce regain de valeur s’inscrit dans un environnement économique où les annonces politiques influencent fortement le comportement des acteurs du marché parallèle.
La récente déclaration du président Tebboune sur l’intégration des commerçants du cabas, souvent qualifiés de « trabendistes », dans un cadre légal sous le statut d’autoentrepreneur pourrait avoir agi comme catalyseur. Cette mesure vise à capter une partie des flux monétaires non régulés en offrant des avantages juridiques et fiscaux aux opérateurs économiques aujourd’hui hors système.
Prix de l’euro face au dinar : une reprise impulsée par des annonces réglementaires
Le prix de l’euro face au dinar sur le marché informel algérien n’est pas seulement une donnée économique. Il constitue un indicateur indirect de confiance, de dynamique migratoire et de disponibilité de devises étrangères dans le pays. Comparé au taux officiel de 149,84 DZD, le différentiel de plus de 110 dinars reflète l’écart entre l’offre réelle et la demande non satisfaite par les circuits bancaires.
La hausse actuelle, bien que mesurée, semble également influencée par la proximité des vacances d’été et les transferts d’argent en prévision des déplacements saisonniers de la diaspora algérienne, notamment installée en France. Ce facteur saisonnier vient renforcer la demande en euros, souvent convertis en dinars pour couvrir les dépenses locales.
D’autres devises majeures affichent également une tendance haussière sur le marché parallèle, mais dans des proportions variables. Le dollar américain se négocie à 236 DZD à la vente (233 DZD à l’achat), contre un taux officiel de 133,25 DZD. La livre sterling, elle, grimpe à 302 DZD à la vente, pour un cours officiel fixé à 177,48 DZD. Le différentiel de taux de change observé sur ces monnaies traduit une anticipation continue de dépréciation du dinar sur le marché informel.
Tour d’horizon des taux de change marché parallèle vs marché officiel
Le tableau comparatif entre les taux de change des principales devises sur les deux marchés permet d’illustrer plus largement les déséquilibres existants :
Franc suisse (CHF) : 278 DZD (vente) contre 609,26 DZD au marché officiel, avec une incohérence notable due à une erreur fréquente d’indexation dans les cotations.
- Dollars canadien (CAD) : 162 DZD (vente) au square, contre 95,42 DZD dans les banques.
- Riyal saoudien (SAR) : 61,5 DZD contre 35,26 DZD officiellement.
- Yuan chinois (CNY) : 32 DZD contre 18,36 DZD.
- Dinar tunisien (TND) : 77 DZD au lieu de 44,29 DZD.
- Dirham des Émirats arabes unis (AED) : 63 DZD contre 36 DZD.
La distorsion entre les deux marchés met en évidence un accès limité aux devises via les canaux officiels, poussant particuliers et entreprises à se tourner vers le square pour satisfaire leurs besoins en importations ou en transferts de fonds.

Vers une régulation progressive de l’écosystème monétaire informel ?
Le recours récurrent au marché parallèle pour l’achat de devises en Algérie découle principalement de restrictions en matière de change pour les particuliers, d’un déficit chronique de devises étrangères dans le système bancaire, et d’une demande excédentaire structurelle, notamment alimentée par les échanges non enregistrés.
La politique de régularisation annoncée pourrait amorcer une mutation de cet écosystème en créant un pont entre l’économie informelle et le cadre légal. Si cette mesure venait à se concrétiser, elle pourrait à terme réduire la prime de change, mais sa réussite dépendra de la capacité des autorités à offrir un cadre suffisamment incitatif pour les opérateurs actuels du marché informel.
L’évolution du prix de l’euro face au dinar dans les prochaines semaines servira d’indicateur précoce pour évaluer l’efficacité de cette orientation politique. Pour l’heure, la courbe reste ascendante, sous l’effet combiné d’éléments réglementaires, de facteurs saisonniers et d’une demande persistante en devises non satisfaite par le circuit bancaire classique.