Ce jeudi 8 mai 2025, le taux d’échange de 100 euros en dinar à Paris atteint les 260 DZD sur le marché informel. Un taux scruté de près par la diaspora algérienne, qui privilégie souvent les circuits parallèles pour envoyer des fonds vers l’Algérie.
À Paris, où réside une large part de la communauté algérienne expatriée, le taux de conversion de l’euro en dinar constitue un indicateur crucial. Plus qu’un simple chiffre, il guide les décisions quotidiennes de milliers d’expatriés, qu’il s’agisse d’un envoi régulier de fonds à leurs proches ou d’un projet d’investissement au pays. Ce jeudi 8 mai 2025, 100 euros s’échangent à 26 000 dinars algériens, soit 260 DZD pour 1 euro, un niveau significatif par rapport aux taux observés ces dernières semaines.
La conversion se fait en majorité hors des canaux bancaires. Les Algériens résidant en France privilégient les réseaux de change informels, opérant à l’extérieur du cadre réglementaire. La principale motivation ? L’écart conséquent entre le taux officiel et celui pratiqué sur le marché parallèle, qui influe directement sur la rentabilité de chaque euro transféré.
Pourquoi la diaspora évite le circuit officiel pour le change de 100 euros en dinar
À première vue, convertir 100 euros en dinar peut sembler anodin. Pourtant, pour des dizaines de milliers d’Algériens établis en France, ce geste simple revêt une importance économique tangible. Au cours officiel fixé par la Banque d’Algérie, 1 euro s’échange autour de 150,41 DZD. Cela signifie que 100 euros envoyés via les canaux bancaires donnent lieu à environ 15 041 dinars. Or, sur le marché informel à Paris, le même billet de 100 euros donne accès à 26 000 dinars, soit près du double.
Cet écart de 72,86 % rend les circuits officiels bien moins attractifs pour la diaspora algérienne. En choisissant d’échanger leur argent à Paris, puis de le transférer physiquement ou via des relais informels vers l’Algérie, les expatriés optimisent la valeur réelle de leur envoi. C’est une logique économique plus qu’un contournement du système.
Les lieux de change informels sont bien identifiés : épiceries communautaires, salons de thé, ou encore groupes privés sur les réseaux sociaux. Le transfert vers l’Algérie se fait ensuite par l’intermédiaire d’individus de confiance, souvent dans le cadre d’un réseau de proximité communautaire.

Les transferts d’argent vers l’Algérie au-delà des chiffres officiels
En 2024, la Banque mondiale a estimé à 1,94 milliard de dollars les transferts de fonds vers l’Algérie. Mais cette donnée ne couvre que les flux enregistrés via les circuits formels. Le recours massif au change informel motivé par l’écart de taux laisse penser que le montant réel des transferts pourrait être bien supérieur.
En comparant les chiffres algériens à ceux des pays voisins, l’écart est frappant. Le Maroc a reçu 12 milliards de dollars de sa diaspora, la Tunisie 2,8 milliards. L’Algérie reste donc à un niveau inférieur malgré une diaspora comparable en taille et en implication financière.
Les années précédentes montrent une tendance fluctuante :
- 2014 : 2,45 milliards $ (pic historique) ;
- 2018-2019 : autour de 1,9 milliard $ ;
- 2022 : 1,8 milliard $ ;
- 2023 : 1,868 milliard $ ;
- 2024 : 1,94 milliard $.
Ces montants témoignent d’un regain modéré, mais ils occultent une réalité parallèle, celle des envois non comptabilisés. Selon certaines estimations, les flux informels pourraient représenter jusqu’à 40 à 60 % des envois totaux, bien qu’aucun chiffre officiel ne le confirme.
Comment la diaspora algérienne transfère et convertit et l’euro vers le dinar
En pratique, la diaspora algérienne procède souvent à un change manuel à Paris, avant de transmettre les montants convertis vers l’Algérie. Il existe plusieurs méthodes, selon les profils et les moyens :
- Remise en main propre lors de voyages vers l’Algérie
- Remises via des tiers qui voyagent régulièrement
- Transferts par des mandataires communautaires utilisant des réseaux privés
Ce système parallèle repose sur la confiance, le réseau social et la répétition des transactions. Il pallie un besoin non couvert par le système bancaire formel, jugé trop rigide ou désavantageux. À noter que cette dynamique n’est pas propre à l’Algérie ; elle s’observe également dans d’autres pays à double taux de change.
Marché parallèle et stratégies de la diaspora
Sur le plan technique, l’écart entre le taux officiel (150,60 DZD) et le taux informel à Paris (260 DZD) correspond à un taux implicite de prime de 72,86 %. En finance, on parlerait de spread de change parallèle, une donnée clé pour mesurer les déséquilibres entre les deux marchés.
Ce spread influence fortement la préférence des expatriés pour les canaux informels. Le choix du taux plus favorable permet de maximiser l’impact économique des envois de fonds. C’est aussi une réponse rationnelle à la régulation monétaire stricte en Algérie qui limite les opérations de change et impose des plafonds aux transferts de devises.
En 2025, la Banque mondiale prévoit une hausse de 4,3 % des transferts vers la région MENA notamment grâce à une baisse des coûts de transfert. Mais pour que l’Algérie en bénéficie pleinement, une réduction de l’écart entre les deux taux serait nécessaire. Sans convergence des taux, le recours au marché informel restera la norme.