Alors que la quasi-totalité du monde musulman s’apprête à célébrer l’Aïd el-Adha 2025 le vendredi 6 juin, le Maroc fait cavalier seul. Entre report de la fête au 7 juin et interdiction du sacrifice rituel, la monarchie marocaine s’attire les critiques. Détails sur une décision qui divise.
Alors que la grande majorité des pays musulmans ont fixé la célébration de l’Aïd el-Adha 2025 au vendredi 6 juin, le Maroc, lui, a surpris en annonçant la tenue de la fête le samedi 7 juin. Une décision qui s’éloigne du consensus religieux mondial et qui fait grincer bien des dents, tant au sein de la population qu’auprès des fidèles marocains de la diaspora. Dans un contexte marqué par une interdiction partielle du sacrifice rituel, justifiée par la sécheresse et le manque de bétail, cette divergence suscite interrogations, critiques et remous sur les réseaux sociaux. Fête spirituelle ou symbole d’une fracture entre tradition et gestion de crise ? Le royaume chérifien semble nager à contre-courant cette année.
Le Maroc célèbre l’Aïd el-Adha 2025 le 7 juin
Le ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques a annoncé officiellement que le 1er Dhoul-Hijja 1446 correspondait au jeudi 29 mai 2025, fixant ainsi le jour de l’Aïd el-Adha au samedi 7 juin. Ce choix diffère du consensus établi dans la majorité des pays musulmans, notamment l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Algérie, la Turquie ou encore la France, qui ont retenu le vendredi 6 juin 2025 comme jour de célébration.
Cette divergence, bien que déjà survenue par le passé, prend cette année un tour particulier. Car la non-vision du croissant lunaire le mardi 27 mai au Maroc est invoquée, alors que plusieurs pays affirmaient sa visibilité astronomique et spirituelle. La décision marocaine apparaît donc comme un isolement religieux et symbolique, renforcé par une autre mesure controversée, la suppression de la tradition du sacrifice.
Une interdiction de l’abattage rituel ? La décision qui fâche
Dans un contexte de grave sécheresse, la septième année consécutive selon les données météorologiques marocaines, le royaume chérifien a interdit la pratique du sacrifice rituel, invoquant un déficit structurel en cheptel.
Dès février 2025, des sources proches du Palais avaient annoncé que le roi Mohammed VI « offrirait son sacrifice au nom du peuple », suggérant ainsi une dispense collective de cette pratique essentielle à l’Aïd el-Adha. Dans les semaines suivantes, le ton s’est durci : menace de sanctions pour toute infraction, fermeture d’abattoirs non autorisés, interdiction d’importer ou de vendre des moutons pour l’Aïd.
Ce choix a été perçu par beaucoup comme une rupture avec l’esprit même de la fête, dont le nom « Aïd el-Adha » signifie littéralement « fête du sacrifice ». Sur les réseaux sociaux, la colère gronde :
« Pourquoi ne pas avoir envisagé l’importation comme l’a fait l’Algérie ? »
« Une fête sans mouton, c’est comme un Ramadan sans iftar. »
Un Maroc isolé face à la quasi-unanimité du monde musulman
Outre les critiques religieuses, le calendrier décalé adopté par le Maroc a provoqué une vague de confusion. Dans les familles marocaines de la diaspora, notamment en France, en Espagne ou en Belgique, cette non-coïncidence avec le reste du monde musulman complique l’organisation : congés, prières collectives, partages familiaux.
Le contraste est encore plus frappant avec les pays voisins :
- Algérie : célébration le vendredi 6 juin, cheptel renforcé par des importations.
- Tunisie : même date, campagnes de sensibilisation au sacrifice éthique.
- Mauritanie : alignée sur l’Arabie saoudite.
L’argument astronomique, pourtant souvent invoqué, ne convainc pas cette fois. D’autant que les technologies modernes permettent des calculs précis, et que le croissant était visible, selon le Centre international d’astronomie à l’œil nu dans plusieurs régions du monde.
Une décision politique plus que religieuse ?
Derrière la justification religieuse et climatique, certains analystes voient une volonté de contrôle et de recentralisation de la pratique religieuse. L’annulation de la « sunnah du sacrifice » serait un geste d’autorité royale, dans un contexte marqué par une baisse de popularité sur le plan social et économique.
D’autres y voient un message politique adressé à l’intérieur du royaume, faire passer l’image d’un pays moderne, rationnel, soucieux du bien-être animal et de l’environnement… au prix d’une rupture symbolique avec une tradition millénaire.
Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de cette révolution religieuse silencieuse. Mais une chose est sûre, en choisissant de ne pas autoriser le sacrifice et de différer la date de l’Aïd, le Maroc ouvre un débat profond sur l’équilibre entre les réalités économiques et les prescriptions spirituelles. Cela soulève aussi une question de fond, jusqu’où peut-on adapter la religion aux contraintes contemporaines, sans en dénaturer l’essence ?
En cette année 2025, le Maroc aura marqué une rupture notable dans la célébration de l’Aïd el-Adha. Tandis que les prières résonneront le vendredi 6 juin de Jakarta à Casablanca, les Marocains, eux, attendront le samedi 7 juin, pour une fête privée de sacrifice.
Entre dérèglement climatique, pression économique et volonté politique, le royaume chérifien semble avoir fait un pari audacieux… mais non sans conséquences.
