Le roi Mohammed VI avait clairement appelé les Marocains à renoncer au sacrifice rituel de l’Aïd el-Adha cette année, face à la sécheresse. Mais deux hauts responsables régionaux ont choisi de passer outre. Une décision qui leur a coûté leur poste.
C’est une décision rare, mais forte en symboles. Les walis des régions de Fès-Meknès et de Marrakech-Safi, respectivement Mouaad Jamai et Farid Chourak, ont été suspendus de leurs fonctions par le ministère de l’Intérieur, pour une durée indéterminée. En cause, leur participation publique au sacrifice rituel de l’Aïd el-Adha, en contradiction avec l’appel lancé par le souverain quelques mois plus tôt.
Des images et vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré les deux walis procédant à l’égorgement d’un mouton, au nom de la population locale. Une scène qui, dans le contexte actuel, a immédiatement suscité polémiques, critiques et interrogations.
Aïd el-Adha au Maroc, le rappel solennel du roi
Le 23 février 2025, à travers un communiqué solennel lu par le ministre des Habous et des Affaires islamiques, le roi Mohammed VI avait lancé un appel exceptionnel aux citoyens marocains :
« Notre volonté de vous permettre d’accomplir ce rite religieux dans les meilleures conditions s’accompagne du devoir de prendre en considération les défis climatiques et économiques auxquels notre pays est confronté, et qui ont entraîné une forte baisse du cheptel. »
Le souverain avait ainsi demandé, avec insistance, que le peuple marocain s’abstienne de pratiquer le sacrifice cette année, en raison de la grave sécheresse qui frappe le pays depuis six ans et affecte lourdement les éleveurs.
Une sunna suspendue au nom de l’intérêt général
Dans son message, le roi Mohammed VI avait rappelé la dimension religieuse et morale de la décision, « En tenant compte du fait que l’Aïd al-Adha est une sunna mu’akkada (tradition fortement recommandée) subordonnée à la capacité financière, son accomplissement dans ces circonstances difficiles causerait un tort réel à une grande partie de notre peuple, en particulier à ceux disposant de revenus limités. »
Et de conclure, dans un appel empreint d’unité nationale « Nous appelons notre cher peuple à ne pas accomplir le rite du sacrifice de l’Aïd cette année. Et nous accomplirons, si Dieu le veut, le sacrifice au nom de notre peuple. »
Un geste contraire à la ligne royale
C’est donc dans ce contexte que la décision des deux walis est perçue non seulement comme une désobéissance à une consigne royale explicite, mais aussi comme un manque de solidarité avec la situation des citoyens les plus fragiles. Alors que de nombreuses familles ont renoncé au rituel, ces responsables ont, de façon publique, revendiqué leur choix, sans égard au message national unificateur.
Leur suspension marque un signal politique fort envoyé par le Palais et le ministère de l’Intérieur : même les plus hauts cadres de l’État doivent respecter la ligne de conduite tracée par le roi, surtout lorsqu’elle repose sur un souci éthique, climatique et social.
Sur les réseaux sociaux et dans les cercles religieux, les avis sont partagés. Certains saluent la fermeté de l’État, rappelant que l’autorité spirituelle du roi, en tant que Commandeur des Croyants (Amir al-Mouminine), justifie ce type d’appel exceptionnel. D’autres y voient une tension grandissante entre pouvoir central et élites régionales, ou encore une instrumentalisation politique d’un acte religieux.
Dans tous les cas, cette affaire illustre à quel point les décisions autour de l’Aïd el-Adha, une fête à forte charge symbolique au Maroc sont aussi des marqueurs de l’unité nationale, et non de simples gestes religieux privés.
Bon à savoir
- L’Aïd el-Adha est une fête musulmane majeure, mais son sacrifice est considéré comme une sunna mu’akkada (tradition recommandée) et non une obligation.
- La sécheresse persistante au Maroc a provoqué une forte baisse du cheptel national, rendant le coût d’un mouton prohibitif pour de nombreuses familles.