L’aide au logement en France jouent un rôle clé dans la stabilité financière de millions de foyers. Pourtant, malgré leur importance, près de 2 millions de personnes éligibles se retrouvent aujourd’hui privées de ce soutien. Un chiffre révélé par l’UFC-Que Choisir.
Un changement de méthode de calcul dans l’attribution de ces aides. Décryptage d’un problème systémique qui affecte durement les plus vulnérables. Il y a encore peu, ces aides, l’APL (Aide Personnalisée au Logement), l’ALF (Allocation de Logement Familiale) ou l’ALS (Allocation de Logement Sociale) représentaient un filet de sécurité essentiel pour de nombreuses familles.
Le calcul de ces allocations était basé sur les revenus des deux années précédentes. Depuis 2021, la réforme du « revenu en temps réel » modifie la donne. Désormais, ce sont les revenus des 12 derniers mois glissants qui sont pris en compte.
Des critères d’éligibilité devenus trop rigides pour cette aide au logement en France
Si l’objectif affiché était de rendre le système plus juste et réactif à la réalité économique des bénéficiaires, le résultat semble tout autre. D’après le rapport de l’UFC-Que Choisir, ce nouveau mode de calcul aurait exclu environ deux millions de personnes, souvent sans que celles-ci ne comprennent vraiment pourquoi elles ne sont plus éligibles. Pour de nombreux ménages, la surprise a été brutale.
Le cœur du problème réside dans des critères devenus, selon l’association de défense des consommateurs, « trop restrictifs » ou « mal ajustés à la réalité des situations individuelles ». De fait, certaines évolutions de revenus parfois temporaires, souvent modestes, suffisent désormais à faire basculer un foyer dans l’inéligibilité.
Marie, mère célibataire en témoigne. « Jusqu’à récemment, je bénéficiais d’une aide qui couvrait presque un tiers de mon loyer. Depuis la réforme, je n’ai plus rien. » Son revenu n’a pourtant pas explosé. Un CDD de quelques mois dans la restauration a suffi à augmenter temporairement ses ressources et à la faire sortir des critères. « C’était le seul soutien qui me permettait de payer mon loyer sans sacrifier les besoins essentiels de mes enfants », confie-t-elle.
Des familles piégées par le revenu glissant
Ce mode de calcul en temps réel ne laisse plus de place aux périodes d’instabilité. Une prime exceptionnelle, un job d’été, un remplacement ponctuel : autant d’éléments qui, pris isolément, semblent anodins mais qui peuvent avoir un impact décisif sur les droits aux aides. C’est aussi le cas des jeunes actifs, des intérimaires, des indépendants. Tous ceux dont les revenus sont irréguliers sont particulièrement vulnérables à cette nouvelle logique. Et pourtant, ce sont souvent eux qui ont le plus besoin d’un soutien temporaire pour se loger.
Le rôle central de la CAF dans le processus
Les Caisses d’Allocations Familiales, en première ligne dans la gestion de ces aides, doivent appliquer des règles strictes et automatisées. Elles s’appuient sur les données transmises par les impôts, les employeurs, et parfois les bénéficiaires eux-mêmes. Le système est rapide, mais il laisse peu de place à la nuance.
Un décalage entre réalité vécue et données administratives peut suffire à bloquer une demande. Résultat, certains foyers se retrouvent sans ressource d’un mois à l’autre, sans comprendre la mécanique qui les a exclus.
Une fragilité sociale qui s’accentue
L’impact de cette exclusion massive est concret. Selon l’Insee, le logement représente en moyenne 30% du budget des ménages modestes. Pour les personnes seules ou les familles monoparentales, ce chiffre grimpe facilement au-delà. Supprimer ou réduire brutalement les aides, c’est exposer ces ménages à des impayés, voire à des expulsions.
Les répercussions ne s’arrêtent pas à l’échelle individuelle. Sur le plan macroéconomique, priver deux millions de personnes d’une aide logement, c’est augmenter mécaniquement les risques de surendettement, de recours à l’aide alimentaire, de précarité énergétique. Autant de facteurs qui pèsent sur les collectivités et les associations.