Le 2 juin 2025, à l’aéroport de Roissy, Soraya 58 ans est une Franco-Algérienne sommée de quitter la France sous 48 heures, résidente en France depuis plus de 30 ans, a été notifiée d’une obligation de quitter le territoire. Sa carte d’identité et ses passeports confisqués, elle se retrouve au cœur d’un imbroglio administratif et politique.
Soraya, 58 ans, pensait effectuer un simple vol vers Alger pour rendre visite à ses parents. Mais ce 2 juin 2025, à l’aéroport de Roissy, la Franco-Algérienne s’est retrouvée retenue par la police aux frontières, avant de se voir notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous 48 heures, sans délai volontaire. Une décision soudaine, accompagnée d’une interdiction de retour d’un an, qui a provoqué incompréhension et émotion. Son cas soulève une question troublante, comment une femme naturalisée, résidant en France depuis plus de trente ans, peut-elle se retrouver brusquement considérée comme étrangère par l’administration ?
Une mesure inattendue à la frontière
Ce jour-là, Soraya (prénom modifié), s’apprêtait à embarquer pour Alger afin de rendre visite à ses parents. Au poste de contrôle de l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle, elle est retenue plusieurs heures par la police aux frontières. En fin de journée, elle reçoit une notification d’OQTF (obligation de quitter le territoire français), doublée d’une interdiction de retour d’un an (IRTF).
La mesure est immédiate, aucun délai de départ volontaire ne lui est accordé, contrairement aux 30 jours généralement prévus. Pire encore, ses documents d’identité français et algérien sont confisqués. Soraya se retrouve privée de mobilité et de recours immédiat.
Le motif ? une résidence non conforme
Selon le courrier remis par la préfecture de police de Paris, Soraya ne « justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ». Pourtant, elle vit en France depuis 1993, a obtenu la nationalité française en 1997, est mariée à un citoyen français, et mère de trois enfants, dont deux adultes.
Depuis plus de vingt-cinq ans, elle renouvelle ses papiers, voyage librement, et mène une vie administrative et professionnelle en règle. Pour son avocat, cette accusation administrative repose sur des éléments contestables et contradictoires avec les faits.
Une accusation de « faux documents » évoquée… puis contestée
Dans la notification, la préfecture évoque également des suspicions de falsification ou usage de fausses pièces, sans fournir de preuve immédiate. Il s’agirait, selon son avocat, d’une erreur dans l’état civil, survenue il y a plus de vingt ans et qui avait déjà fait l’objet d’une procédure en 2001.
Depuis, Soraya n’a reçu aucune relance administrative. Elle a continué à renouveler ses titres, y compris ses documents français, sans qu’aucune anomalie ne soit signalée par les services concernés. « Il s’agit d’une interprétation excessive, voire abusive, d’un vieux dossier déjà éteint », affirme son avocat.
Algérienne sommée de quitter la France sous 48 heures, recours juridique en cours
L’avocat de Soraya a saisi en urgence le tribunal administratif pour contester l’OQTF et l’IRTF. Ce recours suspend automatiquement l’exécution de la mesure jusqu’à la décision du juge, qui dispose d’un délai de six mois pour statuer.
Dans l’attente, Soraya ne peut ni voyager ni renouveler ses papiers. Elle reste en situation précaire, alors même qu’elle remplit les critères de résidence longue durée, de stabilité familiale et d’intégration.
Cette affaire survient dans un contexte politique tendu, marqué par des déclarations récentes du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau (successeur de Gérald Darmanin). Celui-ci a renforcé les instructions de fermeté envers les étrangers et binationaux jugés en infraction administrative.
Pour le mari de Soraya, interrogé par Le Monde, cette décision reflète une politique de durcissement aveugle, qui s’attaque même à des citoyens naturalisés, intégrés depuis des décennies, « Ce que fait le ministre, c’est déléguer aux policiers une autorité sans discernement, qui finit par frapper des gens comme ma femme. »
Le cas de Soraya interroge comment une citoyenne française peut-elle se voir sommée de quitter son propre pays, sur la base d’un contrôle ponctuel et de documents qui n’ont jamais posé problème auparavant ? Le droit administratif permet beaucoup, mais doit-il prévaloir sur des décennies de vie, de liens, d’existence légitime sur le sol français ?
Cette affaire pose à nouveau la question de l’équilibre entre rigueur administrative et humanité juridique, entre sécurité intérieure et justice sociale. Elle pourrait devenir un symbole des dérives bureaucratiques lorsque les procédures oublient les personnes qu’elles sont censées réguler.
Bon à savoir
- L’OQTF est une procédure d’expulsion administrative, mais peut être contestée devant un juge.
- Si un recours est déposé dans les délais légaux, l’exécution est suspendue automatiquement.
- Une interdiction de retour peut durer jusqu’à 5 ans en cas de décision confirmée.
- La nationalité française ne peut être retirée que dans des cas très exceptionnels, et sur décision du ministère de la Justice.