Face à une pénurie de main-d’œuvre persistante, notamment dans l’agriculture, la construction et les services à la personne, l’Italie relance sa stratégie migratoire économique. Après le traditionnel “Click day”, plateforme de demande de visa en ligne, le gouvernement annonce en 2025 un quota de 93 550 travailleurs étrangers saisonniers, accompagné d’un assouplissement inédit des règles sur les permis de séjour. Une réforme à la fois pragmatique et stratégique.
L’économie italienne fait face à un paradoxe : alors que le pays souffre d’un vieillissement démographique prononcé et de pénuries criantes de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs clés, l’accès au marché du travail pour les travailleurs migrants reste souvent laborieux. Pour y remédier, le gouvernement italien a pris une série de mesures ambitieuses. En 2025, l’Italie prévoit de délivrer plus de 165 000 visas de travail, dont 93 550 destinés aux travailleurs saisonniers étrangers, soit une hausse significative par rapport aux années précédentes. Cette décision intervient dans le cadre d’un plan triennal visant à réguler l’immigration économique tout en protégeant les droits des travailleurs.
Click day, pénurie dans plusieurs secteurs clés
Le Click day, dispositif numérique mis en place chaque année pour la demande de visas saisonniers, a marqué le lancement de cette nouvelle politique migratoire. Mais cette fois, il ne s’agit pas seulement d’un ajustement quantitatif. En parallèle, le ministère italien du Travail a publié une directive facilitant la transition entre un permis de séjour saisonnier et un permis de travail classique, permettant ainsi aux travailleurs concernés de continuer à travailler légalement en attendant la finalisation administrative de leur statut.
Jusqu’à présent, ces périodes d’attente plongeaient de nombreux travailleurs dans une zone grise : ni autorisés à exercer une activité, ni protégés contre l’exploitation. Désormais, trois conditions permettent à ces travailleurs de rester actifs :
- Présenter un justificatif de demande de conversion de leur permis saisonnier ;
- Avoir soumis le formulaire Unilav pour une embauche en bonne et due forme ;
- Disposer d’une déclaration d’enregistrement à l’INPS, l’organisme italien de sécurité sociale, notamment pour les emplois domestiques.
- Ces ajustements législatifs visent à limiter le travail informel tout en garantissant aux entreprises un accès plus fluide à la main-d’œuvre.

Réforme du permis de séjour pour les travailleurs étrangers en 2025
Les 93 550 travailleurs étrangers saisonniers attendus en 2025 ne sont pas un luxe, mais une nécessité. Depuis plusieurs années, les secteurs de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du bâtiment ou encore des soins à la personne peinent à recruter localement. Une situation aggravée par un déclin de la population active et une attractivité en berne auprès des jeunes Italiens.
Pour répondre aux tensions croissantes sur le marché du travail, le gouvernement italien a établi des priorités claires dans l’attribution des visas. En tête de liste figurent les métiers du secteur médico-social, avec 10 000 visas prévus pour les aides à domicile et les soignants, indispensables dans un pays confronté à un vieillissement accéléré de sa population.
L’agriculture, elle aussi fortement dépendante de la main-d’œuvre étrangère, bénéficiera d’un quota conséquent, notamment pour faire face aux pics d’activité saisonniers comme les récoltes. Enfin, le secteur de la construction, en difficulté pour recruter, recevra également un renfort significatif afin de répondre à la demande croissante en logements et en infrastructures. Par cette répartition ciblée, l’Italie entend à la fois combler ses besoins économiques immédiats et préparer son tissu productif aux mutations démographiques à venir.
Une politique migratoire en trois temps
L’approche adoptée par le gouvernement italien ne se limite pas à une réaction ponctuelle à la pénurie de main-d’œuvre : elle s’inscrit dans une stratégie triennale structurée (2023-2025), visant à repenser en profondeur le lien entre immigration et économie. Cette politique migratoire repose sur trois grands axes, conçus pour articuler efficacité économique, régulation administrative et respect des droits humains.
1. Accroître le nombre de visas délivrés en fonction des besoins du marché
La première priorité est quantitative : ouvrir davantage les portes aux travailleurs étrangers dans les secteurs en tension. Après avoir accordé 136 000 visas en 2023, puis 151 000 en 2024, le gouvernement a fixé pour 2025 un objectif ambitieux de 165 000 visas de travail, dont 93 550 destinés aux emplois saisonniers. Cette évolution témoigne d’une volonté claire d’adapter les flux migratoires aux réalités économiques, en identifiant les professions en pénurie (agriculture, construction, services à la personne, hôtellerie, etc.) et en allouant les quotas en conséquence. L’immigration n’est donc plus perçue comme une question strictement sécuritaire ou humanitaire, mais bien comme un levier stratégique de développement économique.
2. Simplifier les procédures administratives pour fluidifier l’accès à l’emploi
Le deuxième pilier de cette réforme repose sur la modernisation des démarches administratives, longtemps pointées du doigt pour leur lourdeur, leur lenteur et leur opacité. Désormais, les travailleurs saisonniers pourront continuer à exercer légalement leur activité même pendant la période d’attente liée à la conversion de leur permis de séjour en autorisation de travail. Il leur suffit de fournir un justificatif de dépôt de demande, de transmettre un formulaire Unilav (déclaration d’embauche) et, dans certains cas, de s’enregistrer auprès de l’INPS.
Cette mesure pragmatique permet d’éviter les ruptures de contrat, les pertes de revenus et les périodes d’illégalité involontaire. Elle est aussi bénéfique pour les employeurs, qui peuvent conserver leur main-d’œuvre sans craindre de sanctions administratives. C’est une réponse directe aux critiques des entreprises et des syndicats qui réclamaient une gestion plus souple et réactive de l’immigration de travail.
3. Lutter contre l’exploitation et la précarité des travailleurs étrangers
Enfin, le troisième axe, sans doute le plus humain vise à mieux protéger les droits des travailleurs étrangers, en particulier ceux qui occupent des emplois peu qualifiés, souvent précaires et exposés aux abus. En comblant les vides juridiques qui laissaient certains travailleurs dans une zone grise, le gouvernement espère réduire la dépendance à l’emploi informel, vecteur d’exploitation, de salaires indécents et de conditions de travail indignes. Cette réforme entend réaffirmer que tout travailleur, quel que soit son statut d’origine, a droit à une reconnaissance, à une couverture sociale et à une protection contre les dérives. C’est aussi une manière de stabiliser durablement ces travailleurs en leur offrant des perspectives de régularisation et d’intégration.
L’Italie, entre pragmatisme économique et politique migratoire sous tension
Ce virage assumé de l’Italie vers une immigration de travail régulée intervient dans un contexte européen tendu. D’un côté, les pays du Sud, dont l’Italie, font face aux arrivées irrégulières croissantes de migrants via la Méditerranée. De l’autre, ils doivent composer avec une économie sous tension et une baisse de la natalité inquiétante.
Avec cette réforme, Rome cherche à sortir de l’impasse entre ouverture anarchique et fermeture rigide. L’idée est de construire une voie légale et structurée pour l’immigration économique, tout en renforçant les contrôles contre le travail clandestin.
l’Italie a besoin de 93 550 travailleurs étrangers en 2025 et passe a des règles de séjour assouplies, l’Italie affirme une politique migratoire tournée vers l’avenir, pragmatique et structurée. Le Click day n’est plus seulement une procédure administrative, mais le symbole d’un tournant majeur : celui d’un pays qui reconnaît que son avenir économique passe aussi par une intégration intelligente des travailleurs migrants. Reste à voir si les moyens administratifs suivront, et si la promesse de respect des droits sera tenue sur le terrain. Mais une chose est sûre : le besoin est là, massif, et désormais assumé.