L’argent liquide refusé. Vous êtes dans une boulangerie, vous tendez un billet de 20 euros pour payer votre pain, et le commerçant vous dit : « Désolé, nous n’acceptons plus les espèces. » Situation banale ? Au Luxembourg, ce simple refus peut coûter cher.
En effet, la loi est claire c’est un moyen de paiement légal. Et le refuser sans motif valable peut entraîner une amende allant jusqu’à 250 euros. Le maintien de l’argent liquide fait partie des priorités de la stratégie 2030 de l’Eurosystème. Cette stratégie prévoit que les billets et les pièces restent disponibles, accessibles et acceptés.
Le Luxembourg participe activement à cette modernisation, via la Banque centrale du Luxembourg. L’objectif est aussi pédagogique : les nouveaux billets intègreront des éléments culturels et environnementaux pour renforcer le lien symbolique entre les citoyens et leur monnaie.
Cela se traduit aussi par des efforts concrets. La BCE prévoit d’introduire prochainement de nouvelles séries de billets, avec un design renouvelé. Deux grands thèmes ont été retenus : « culture européenne : un héritage commun » et « rivières et oiseaux : force et diversité ».
L’argent liquide refusé n’est pas sans conséquences
Même si les paiements numériques se généralisent, le ministre luxembourgeois des Finances, Gilles Roth, l’a récemment rappelé dans une réponse parlementaire : l’argent liquide n’est pas en voie de disparition. Il continue d’exister, et surtout, il doit continuer à être accepté. C’est inscrit dans le Code pénal luxembourgeois.
Concrètement, un commerçant ou un prestataire de service qui refuse un paiement en espèces s’expose à une sanction administrative. Le montant de l’amende peut varier de 25 à 250 euros. Cette disposition vise à garantir le droit fondamental des consommateurs à choisir leur moyen de paiement.
Les chiffres le confirment : entre 2022 et 2024, le pourcentage de transactions effectuées en argent liquide au Luxembourg est passé de 39 % à 37 %, selon les données du SPACE (Study on the Payment Attitudes of Consumers in the Euro Area). Mais attention à ne pas tirer de conclusions hâtives : si le nombre de transactions en liquide a légèrement baissé, leur valeur a, elle, augmenté. Elle est passée de 26 % à 29 % sur la même période.
Cela signifie que, bien que l’usage du cash diminue pour les petits achats du quotidien, il reste important pour des montants plus conséquents. Et ce n’est pas tout. L’enquête européenne montre aussi que de plus en plus de citoyens tiennent à ce moyen de paiement. En 2019, 45 % des personnes interrogées au Luxembourg estimaient qu’il était essentiel de pouvoir payer en liquide. En 2022, ce chiffre est monté à 51 %, et en 2024, il atteint 59 %.

Utiliser des billets et des pièces est protégé non seulement au niveau national, mais aussi au niveau européen. Dans le cadre du « paquet monnaie unique », la Commission européenne a inclus une proposition de règlement pour renforcer le cours légal des billets et pièces en euros. L’objectif ? Assurer que l’euro sous forme physique continue d’être accepté obligatoirement, à sa valeur nominale, dans toute la zone euro.
Concrètement, comment cela se passe ?
Si un consommateur se voit refuser un paiement en espèces, il peut le signaler aux autorités compétentes. En cas de contrôle ou de plainte, l’administration peut infliger une amende au professionnel. La sanction est d’autant plus probable si aucun panneau d’information n’indique clairement une justification légale à ce refus.
Autre cas fréquent : les commerces qui affichent un message du type « paiement uniquement par carte ». Ce genre de pratique, de plus en plus répandue, est en principe contraire à la loi luxembourgeoise si elle ne repose pas sur une dérogation spécifique. Un commerce ne peut tout simplement pas décider de bannir le cash pour des raisons de convenance.
Qui est concerné par l’amende ?
Tout professionnel qui propose un bien ou un service est concerné. Cela inclut les commerces, les restaurants, les coiffeurs, les cabinets médicaux, les garagistes, ou encore les organismes privés d’enseignement. Dès lors qu’un paiement est effectué pour une prestation ou un achat, l’acceptation du cash devient une obligation.
Les seules exceptions sont prévues par la loi : par exemple, pour des raisons de lutte contre le blanchiment d’argent, certaines transactions en espèces peuvent être limitées à un montant maximum. En dehors de ces cas précis, refuser un billet ou une pièce, c’est s’exposer à une amende.
Le digital n’écrasera pas le cash
On pourrait penser que cette position s’oppose à l’introduction du futur euro numérique. Mais le ministre des Finances le souligne : les deux ne sont pas incompatibles. L’euro digital ne remplacera pas l’argent liquide, il le complétera. Cette complémentarité vise à préserver la liberté de choix des citoyens.
Ce projet européen s’accompagne d’une volonté forte de garantir l’inclusion financière. L’idée est de ne pas laisser de côté les personnes qui ne sont pas à l’aise avec les outils numériques. Le message est clair : chacun doit rester libre d’utiliser le mode de paiement qu’il préfère.