Le blocage de fonds des compagnies aériennes reste une épine dans le pied du secteur en Algérie. Avec 178 millions de dollars de recettes non rapatriées, le pays se retrouve en deuxième position sur la liste noire africaine établie par l’IATA, signalant un problème structurel persistant.
À première vue, ces chiffres peuvent sembler abstraits. Mais derrière ces montants bloqués se joue un enjeu majeur pour la fluidité du transport aérien, l’investissement étranger et la connectivité internationale de l’Algérie. Le pays, pourtant stratégique en Afrique du Nord, peine à assainir un système qui ralentit ses ambitions dans l’aérien.
Alors que d’autres pays du continent tentent d’assainir leur climat économique pour attirer davantage de compagnies aériennes, l’Algérie fait figure d’exception. Une exception inquiétante pour les acteurs du secteur, mais aussi pour les passagers et les professionnels du tourisme qui dépendent d’un réseau aérien fiable et en pleine expansion.
Blocage de fonds des compagnies aériennes en Afrique
Sur le continent, le blocage de fonds des compagnies aériennes est un phénomène ancien, mais toujours d’actualité. Selon les dernières données de l’Association du transport aérien international (IATA), l’Afrique concentre la majorité des situations problématiques. Fin avril 2025, pas moins de douze pays africains figuraient parmi les quinze principaux marchés mondiaux où les fonds des compagnies restent bloqués.
En tout, 846 millions de dollars sont concernés sur les 1,3 milliard de recettes mondiales non rapatriées. L’Algérie, avec 178 millions USD, se place juste derrière le Mozambique, qui occupe la tête du classement avec 205 millions. Suivent des pays comme l’Angola, l’Érythrée, le Zimbabwe ou encore l’Éthiopie.

Impact économique sur les compagnies aériennes étrangères
Pour les compagnies étrangères, ces blocages représentent bien plus qu’un simple contretemps administratif. Il s’agit d’un véritable frein à la rentabilité et à la pérennité des opérations dans les pays concernés. Comme le souligne Willie Walsh, directeur général de l’IATA, l’impossibilité de rapatrier les recettes empêche les transporteurs de financer leurs dépenses en devises fortes, de planifier leurs investissements et même, parfois, de maintenir certaines liaisons.
Dans plusieurs cas, ce type de blocage peut entraîner une réduction de fréquences, voire le retrait complet d’un opérateur d’un marché donné. Cela se traduit directement par une offre plus limitée, des tarifs plus élevés pour les voyageurs, et une baisse de la compétitivité touristique et commerciale du pays.
Une gestion algérienne en décalage avec la dynamique régionale
Contrairement à des pays comme le Nigeria, qui a récemment remboursé 98 % de sa dette aérienne en 2024, l’Algérie n’a enregistré qu’une légère baisse entre 2022 et 2025, passant de 180 à 178 millions USD. Ce recul minime montre une absence de stratégie claire et une inertie institutionnelle face aux recommandations de l’IATA et aux demandes répétées des compagnies.
Cette situation crée une incertitude monétaire et compromet la confiance des investisseurs dans le secteur aérien algérien. Certains acteurs internationaux envisagent même de réorienter leurs opérations vers d’autres hubs africains jugés plus stables sur le plan financier.

Blocage de fonds et accords bilatéraux non respectés
Au-delà des implications économiques, ce blocage constitue également une violation potentielle des accords bilatéraux signés entre l’Algérie et les pays d’origine des compagnies aériennes. Ces accords prévoient généralement des clauses sur la libre circulation des revenus, ce qui fait de ces blocages une source de frictions diplomatiques latentes.
Des voix s’élèvent régulièrement, tant au niveau de l’IATA que des ambassades, pour appeler à une résolution rapide de ce contentieux. Pourtant, jusqu’ici, aucune réforme structurelle n’a été annoncée publiquement par les autorités algériennes compétentes.
Le secteur aérien algérien en quête de relance
Alors que le pays affiche une volonté de redynamiser son économie post-Covid et de renforcer ses liens commerciaux et touristiques, cette question des fonds bloqués reste un obstacle majeur. Elle limite les opportunités d’ouverture de nouvelles lignes, de partenariats stratégiques et de modernisation du secteur.
Ce paradoxe algérien, vouloir attirer plus de compagnies tout en freinant leur fonctionnement financier, empêche toute montée en puissance significative de l’aérien comme vecteur de développement. Et dans un continent où la connectivité devient un levier économique central, rester à la traîne pourrait avoir des conséquences durables.
Tandis que d’autres pays adaptent leurs politiques pour améliorer leur image auprès des transporteurs mondiaux, l’Algérie continue d’être perçue comme un marché à risque élevé. Une image qui, tant qu’elle ne sera pas corrigée par des actes forts, risque de coller à la peau du pays, bien au-delà du secteur aérien.