Le visa Schengen continue de faire rêver, mais aussi de piéger. En Algérie, de nombreuses arnaques en ligne ciblent les utilisateurs de la carte Edahabia via des sites frauduleux imitant Baridi Mob, avec des promesses de visa Schengen ou d’emploi à l’étranger. Enquête sur une nouvelle forme de cybercriminalité qui mêle espoir d’ailleurs et perte amère.
Il suffit parfois d’un clic malheureux, d’un lien un peu trop séduisant, ou d’un faux formulaire bien ficelé pour que tout bascule. Dans l’Algérie de 2025, des milliers de citoyens découvrent, souvent trop tard, que leur carte Edahabia n’est plus qu’un passeport vers l’arnaque numérique. Le rêve d’un visa Schengen, la promesse d’un emploi en Europe ou le mirage d’un gain rapide deviennent les appâts d’une cybercriminalité désormais bien rodée. Derrière chaque fraude, il y a une histoire : celle d’un étudiant pressé, d’un père de famille en quête de mieux, ou d’une retraitée mal informée. Ce que ces histoires ont en commun ? La confiance… mal placée.
Carte Edahabia, une sécurité technique, mais une faille humaine
C’est une scène devenue tristement banale. Un jeune homme de Tizi Ouzou reçoit un message WhatsApp accompagné d’un lien vers un formulaire d’inscription pour un prétendu programme d’embauche en Europe. À la clé ? Un visa Schengen “garanti”, en échange de quelques informations personnelles. Il y laisse son nom, prénom, numéro de carte Edahabia… et quelques jours plus tard, son compte est vidé.
Depuis plusieurs mois, les escrocs du web misent sur la carte Edahabia comme porte d’entrée dans les comptes des citoyens. Le visa est le leurre idéal, et les victimes partagent volontairement leurs données, pensant entamer une procédure légitime. Ce qui se cache derrière ? Des sites clonés, des formulaires bidons, et parfois même de fausses applications Baridi Mob.
Les représentants d’Algérie Poste l’affirment, la carte Edahabia, en elle-même, est sécurisée. Elle repose sur des protocoles rigoureux et un système de double authentification pour les opérations sensibles. Pourtant, les failles ne sont pas techniques mais humaines. « Le problème, ce n’est pas la carte, c’est ce qu’on en fait », résume un agent rencontré lors d’une campagne de sensibilisation à Tizi Ouzou.
Car la confiance mal placée reste le principal talon d’Achille. Certains internautes n’hésitent pas à donner le numéro de leur carte, leur code PIN ou à valider des transactions à distance, pensant participer à un jeu, une loterie, ou à une sélection pour un visa. D’autres sont pris au piège de sites frauduleux parfaitement conçus, avec logo officiel, mentions légales… et même faux témoignages pour rassurer.

Fraude, Baridi Mob contrefait, faux concours et faux recruteurs
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis janvier 2025, plus de 30 affaires de fraude à la carte Edahabia ont été traitées par la gendarmerie à Tizi Ouzou, et 44 par la police, selon les chiffres communiqués lors des récentes journées de sensibilisation. Des affaires souvent similaires, avec des pertes pouvant aller de 10 000 à 200 000 dinars.
Et cela ne touche pas que les jeunes. Des retraités, des commerçants, voire des enseignants se font piéger, séduits par une opportunité trop belle pour être vraie. Le schéma est toujours le même : une promesse (visa, emploi, gain), une demande de données, une transaction invisible… et l’argent qui disparaît.
Parmi les cas les plus troublants recensés récemment;, un site cloné de fausses applications Baridi Mob, qui annonce un jeu concours “soutenu par Algérie Poste”, avec des voitures et des chèques-cadeaux à gagner. Le site demande aux participants de “valider leur identité” via leur numéro de carte Edahabia. Une fois les informations saisies, l’arnaque en ligne est enclenchée.
Autre scénario courant, un faux recruteur pour une entreprise étrangère, qui demande aux candidats de payer des “frais de dossier” en ligne pour obtenir un entretien. L’argent est débité, mais le rendez-vous n’arrive jamais. Ces fraudeurs exploitent les besoins réels et l’espoir d’une vie meilleure à l’étranger pour piéger des personnes de bonne foi.
Comment se protéger ? Les bons réflexes à adopter
Aucune carte n’est infaillible si son détenteur partage ses données. Voici quelques règles essentielles pour éviter les pièges :
- Ne jamais communiquer son numéro de carte Edahabia ou son code à 4 chiffres, même à un proche.
- Vérifier systématiquement l’URL des sites avant de saisir des informations sensibles (préférez les sites .dz officiels).
- Ne jamais payer avant d’avoir reçu un produit ou un service.
- Utiliser l’application officielle Baridi Mob uniquement via les stores Android ou Apple.
- Ne jamais cliquer sur des liens reçus par SMS ou WhatsApp promettant un visa ou un gain rapide.
- Et surtout, en cas de doute : se rendre dans une agence Algérie Poste ou signaler le lien à la Gendarmerie ou à la Cyberpolice.
Le visa Schengen représente, pour beaucoup, un espoir de mobilité, d’opportunité, voire de renaissance. Mais dans le monde numérique d’aujourd’hui, cet espoir devient aussi une porte ouverte aux escroqueries les plus cyniques. La carte Edahabia, conçue pour faciliter la vie des Algériens, se retrouve détournée au profit de réseaux mafieux.
Il ne s’agit pas d’arrêter de rêver. Il s’agit d’apprendre à ne pas faire confiance aveuglément à un lien, une promesse ou un message. Et si un visa ou une opportunité semble trop facile à obtenir, c’est probablement que quelqu’un essaie surtout de vous voler… ce que vous avez déjà.