Imaginez un petit bout de terre, plus grand qu’un court de tennis, qui ne cesse de changer de nationalité deux fois par an. Oui, c’est possible, une île espagnole située au milieu du fleuve Bidassoa, entre Hendaye (France) et Irun (Espagne), administrée alternativement par les deux pays.
L’île des Faisans a été le théâtre de plusieurs moments diplomatiques notables : en plus du traité des Pyrénées, elle a aussi été utilisée pour des échanges royaux : l’échange de François Ier contre deux fils de Charles Quint, ou encore celui d’Anne d’Autriche contre Élisabeth de Bourbon au début du XVIIᵉ siècle.
Depuis des siècles, elle incarne un symbole de paix et de coopération entre deux nations longtemps en conflit. Les traités successifs – celui des Pyrénées en 1659 puis celui de Bayonne en 1856 – officialisent un arrangement qui perdure aujourd’hui, bien au-delà de sa dimension géographique.
Une île espagnole avec un statut de condominium
Cette petite parcelle n’est ni habitée, ni habitée par des humains, on y trouve quelques ragondins ou palmipèdes, mais pas de faisans malgré son nom trompeur. Elle mesure environ 130 m de long sur 15 m de large selon plusieurs sources, certaines allant jusqu’à 200 m × 40 m selon l’intensité des crues du Bidassoa.
Tout part du traité des Pyrénées, signé en 1659 sur cette même île. Ce traité a mis fin à la longue guerre franco‑espagnole (1635‑1659), réglé les frontières en fixant notamment la frontière Franco‑Espagnole dans le massif des Pyrénées, et scellé le mariage entre Louis XIV et l’infante Marie‑Thérèse d’Espagne.
Son statut de condominium signifie que la souveraineté est partagée entre la France et l’Espagne, français de mi‑août à fin janvier, espagnol de début février à fin juillet. Mais le statut de condominium ne prend forme qu’un peu plus tard, avec le traité de Bayonne en 1856, qui instaure une alternance formelle tous les six mois, permettant ainsi une gestion claire entre les municipalités de Hendaye (France) et Irun (Espagne). L’île fut ainsi surnommée «île de la Conférence» en référence aux 24 réunions diplomatiques qui ont précédé le traité.
Le 1er août, date symbolique, la France reprend officiellement la souveraineté sur l’île des Faisans jusqu’au 31 janvier suivant. Ce basculement intervient après six mois sous administration espagnole, du 1er février au 31 juillet. Selon les chiffres de 2025, la France récupère ainsi environ 6 820 m², soit un gain temporaire de superficie nationale.
Chaque passation est marquée par une cérémonie protocolaire : depuis 2012, elle se tient sur l’île elle-même, devant une stèle commémorative du traité des Pyrénées. Les représentants des deux États – autorités militaires et administratives – se succèdent pour acter le relais. Le commandant naval de San‑Sebastián devient vice‑roi de l’île pendant la période espagnole, la directrice adjointe des Territoires et de la Mer des Pyrénées‑Atlantiques assume ce rôle côté français
L’accès à l’île est strictement réglementé : interdite au public, elle n’est accessible qu’aux équipes municipales chargées de l’entretien (quelques travaux de paysage, contrôle de la qualité de l’eau, etc.). Le reste du temps, elle est observée depuis les berges, notamment du Chemin de la Baie près d’Hendaye ou d’Irun.
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