L’année 2025 consacre Cevital comme la première entreprise privée d’Algérie. Avec une valorisation estimée à plus de deux milliards de dollars, le groupe fondé par Issad Rebrab s’impose au cœur du tissu industriel national, en dehors du tout-puissant secteur énergétique.
À Béjaïa, les silos de Cevital s’élèvent face à la Méditerranée comme un symbole silencieux d’une réussite à l’algérienne. Alors que l’économie nationale reste dominée par les hydrocarbures, une entreprise privée trace, depuis plus de deux décennies, sa propre voie, Cevital. En 2025, le groupe industriel fondé par Issad Rebrab entre officiellement dans le cercle très fermé des cinq plus grandes entreprises du pays
Ce classement, dominé depuis toujours par les géants publics de l’énergie, voit pour la première fois un acteur privé non pétrolier y prendre sa place. Derrière cette ascension, il y a une vision industrielle, une stratégie de diversification, et surtout une volonté de faire autrement. Car Cevital ne vend ni pétrole, ni gaz, il transforme, fabrique, distribue. Et ce choix, audacieux dans le contexte algérien, s’est avéré payant.
Une ascension hors hydrocarbures, au cœur d’une économie en transition
Dans un pays encore dominé par les mastodontes des hydrocarbures, Cevital occupe une place à part. En se hissant à la 4e position du classement des entreprises les plus puissantes d’Algérie, derrière Sonatrach, Naftal et Sonelgaz, le groupe privé montre qu’il est possible de bâtir une réussite économique en dehors du pétrole et du gaz. Une exception ? Plutôt une trajectoire construite sur des décennies, portée par une vision industrielle affirmée.
Fondé en 1998 par Issad Rebrab, homme d’affaires connu pour sa ténacité, Cevital s’est d’abord imposé dans l’agroalimentaire avant d’étendre ses activités à l’électroménager, la distribution, la logistique et même les projets à l’international. Avec une valorisation actuelle estimée à 2,19 milliards de dollars, Cevital dépasse largement la plupart des autres acteurs économiques algériens non liés à l’État.
Ce positionnement est d’autant plus significatif que la scène économique algérienne reste fortement structurée autour des entreprises publiques. Le secteur privé, souvent freiné par des politiques fluctuantes et un climat d’investissement incertain, peine encore à trouver sa place. Cevital, en brisant ce plafond, devient un symbole. Un modèle de résilience, mais aussi d’ambition.

Agroalimentaire, électroménager, distribution, les piliers de l’empire Cevital
Le succès de Cevital repose avant tout sur une diversification maîtrisée. Alors que le tissu économique algérien reste dépendant à plus de 90 % des hydrocarbures pour ses exportations, le groupe a choisi très tôt de miser sur des secteurs porteurs et essentiels à la vie quotidienne.
Dans l’agroalimentaire, Cevital est devenu un géant. Sucre, huile, margarine, boissons, ses unités de transformation produisent une grande partie des denrées consommées en Algérie. Le groupe exporte également vers plusieurs pays africains, et possède même des implantations en Europe, notamment à travers des rachats d’actifs industriels en France et en Italie.
Dans l’électroménager, la marque SAMS (Samsung Algérie Management Services) gérée par Cevital domine le marché local. Réfrigérateurs, téléviseurs, lave-linge, une grande partie des foyers algériens sont équipés via ses produits.
Enfin, le groupe a investi lourdement dans la grande distribution avec Uno, une enseigne de supermarchés qui s’étend progressivement dans les grandes villes algériennes. Le développement d’un réseau logistique performant permet à Cevital de sécuriser son approvisionnement et d’assurer une croissance continue.
4e place au classement 2025 des entreprises algériennes
Le classement 2025 des entreprises algériennes, réalisé par le Cabinet d’études économiques Intermatica, place Cevital au 4e rang national, derrière Sonatrach (valorisation estimée à 39 milliards de dollars), Naftal (10,7 milliards) et Sonelgaz (7,9 milliards). Ces trois entités publiques restent incontournables, mais elles sont toutes issues du même secteur, l’énergie.
Cevital, seul groupe non énergétique du top 5, incarne une forme d’alternative économique. À travers lui, l’Algérie montre que son avenir industriel peut s’imaginer hors des hydrocarbures. C’est un signal fort dans un pays souvent accusé de négliger ses autres ressources, agricoles, industrielles ou technologiques.
La trajectoire de Cevital n’a toutefois pas été sans obstacles. Ces dernières années, le groupe a été confronté à des blocages administratifs, des retards dans ses projets d’usines, et même des tensions politiques liées à la figure de Rebrab. Mais sa capacité d’adaptation et son ancrage local solide ont permis au groupe de poursuivre sa croissance.
Rebrab, une figure toujours influente malgré le retrait
Issad Rebrab, fondateur historique du groupe, a officiellement pris du recul. Après une incarcération controversée en 2019 et une libération rapide, il reste une figure influente dans le paysage économique. Selon le classement Forbes Afrique 2025, sa fortune personnelle reste estimée à près de 1,2 milliard de dollars, malgré le ralentissement de certains projets à l’étranger.
Son fils, Omar Rebrab, pilote désormais les grandes orientations stratégiques du groupe, dans un contexte de transition générationnelle mais aussi de réorientation vers des technologies plus durables. L’accent est mis sur l’innovation, la digitalisation des chaînes de production, et l’exportation intelligente.
Bon à savoir : Cevital en chiffres clés (2025)
- Valorisation estimée : 2,19 milliards de dollars
- Rang national : 4e plus grande entreprise
- Secteurs principaux : Agroalimentaire, électroménager, distribution
- Exportation : Afrique subsaharienne, Europe (France, Italie)
- Employés : Environ 18 000 salariés
Une résilience exemplaire, mais des défis à anticiper
L’un des points forts du groupe Cevital réside dans sa capacité à résister aux chocs économiques. Crise du dinar, inflation, perturbations logistiques mondiales, le groupe a toujours su rebondir. Il investit désormais dans la recherche et développement, notamment dans l’agroalimentaire, où l’innovation technologique devient un facteur différenciant.
Mais l’avenir n’est pas exempt de défis. Le manque de modernisation des infrastructures, les lenteurs administratives, la difficulté d’accès au financement et la concurrence des multinationales posent des problèmes structurels. L’arrivée de startups technologiques, l’essor de la blockchain dans la distribution, ou encore les exigences environnementales européennes pourraient bousculer l’équilibre établi.
Avec une 4e place au classement 2025 des entreprises algériennes, Cevital maison mère de la famille Rebrab n’est pas simplement une grande entreprise. C’est un repère pour une économie algérienne en pleine transition. Son succès montre qu’il est possible de construire des champions industriels hors hydrocarbures, dans un environnement souvent perçu comme hostile à l’initiative privée.
Mais le groupe devra continuer à innover, à se structurer, et à s’internationaliser intelligemment pour ne pas perdre l’avance acquise. Dans un pays avide de diversification économique, Cevital incarne une promesse, celle d’une Algérie capable de produire, transformer et exporter par ses propres moyens.