Natixis Algérie ferme des comptes bancaires en masse. Derrière ces décisions brutales, une nouvelle réglementation anti-blanchiment impose aux banques un contrôle plus strict, mais la méthode interroge et soulève des inquiétudes sur la relation de confiance entre établissements financiers et clients.
Depuis quelques jours, une vague de fermetures de comptes chez Natixis Algérie secoue le paysage bancaire national. De nombreux clients, particuliers comme expatriés, ont été pris de court par des notifications soudaines de clôture, parfois assorties de blocages d’accès à leurs fonds.
Officiellement, pour les comptes bancaires Natixis fermés en Algérie, la banque invoque la nouvelle législation anti-blanchiment entrée en vigueur en juillet 2025, qui impose un contrôle renforcé des transactions afin d’aligner l’Algérie sur les standards internationaux et de sortir de la liste grise du GAFI. Mais sur le terrain, cette application jugée brutale soulève colère et inquiétude, mettant en lumière le difficile équilibre entre rigueur réglementaire et confiance des déposants.
Natixis Algérie, vague de fermetures qui surprend les clients
À Alger comme dans d’autres grandes villes, plusieurs titulaires de comptes Natixis rapportent avoir reçu, sans préavis, un simple courriel leur annonçant la clôture imminente de leur compte. Accès aux applications bloqués, cartes Visa désactivées, fonds momentanément inaccessibles : pour certains, le choc est brutal.
« J’ai découvert la fermeture de mon compte la veille de mon voyage. Plus aucun accès à mon argent, juste un message laconique », témoigne un client sur LinkedIn. D’autres évoquent des explications floues de la part des agences locales, où la procédure est présentée comme « inévitable » au nom de nouvelles contraintes réglementaires.
Le poids de la nouvelle législation anti-blanchiment
Ces décisions s’inscrivent dans un contexte bien précis. Depuis juillet, l’Algérie a renforcé son arsenal réglementaire en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Objectif affiché : sortir de la liste grise du GAFI (Groupe d’action financière) et montrer patte blanche aux institutions internationales.
Dans ce cadre, la Banque d’Algérie a exigé des banques une surveillance accrue des flux financiers. Les comportements jugés atypiques — comme l’ouverture de plusieurs comptes suivis de mouvements rapides avant transfert vers d’autres établissements — sont désormais scrutés de près. Natixis Algérie, filiale du groupe français BPCE opérant sous la marque Banxy, applique à la lettre ces nouvelles obligations.
Un cadre de la banque, sous anonymat, explique : « Le régulateur nous impose de couper court à certaines pratiques assimilées à du nomadisme bancaire, parfois utilisées pour masquer des activités suspectes. »
Entre conformité et brutalité : la confiance en question
Si la logique réglementaire est claire, la méthode laisse un goût amer. Les clients concernés parlent d’un traitement expéditif, sans accompagnement ni explications détaillées. La fermeture des comptes s’accompagne souvent de la suspension immédiate des cartes bancaires, compliquant la vie quotidienne des usagers, notamment les expatriés.
« J’ai reçu un mail m’invitant à ouvrir un compte ailleurs pour récupérer mes fonds. C’est une expérience déstabilisante », confie un client installé à l’étranger.
Cette approche soulève une question centrale, comment concilier rigueur réglementaire et respect de la relation client ? Pour beaucoup, la manière compte autant que la finalité. Or, en adoptant une communication sèche et en bloquant l’accès aux fonds sans transition, Natixis Algérie risque de ternir durablement son image.
Un test pour tout le secteur bancaire algérien
Au-delà du cas Natixis, cette affaire illustre la transformation que traverse l’ensemble du secteur bancaire algérien. Les établissements doivent composer avec une double pression :
- satisfaire les exigences de conformité internationale, cruciales pour l’image et la crédibilité du pays ;
- préserver la confiance des clients, déjà fragilisée par une relation bancaire parfois perçue comme distante et rigide.
Pour certains analystes, cette vague de fermetures n’est qu’un premier signal. D’autres banques pourraient suivre la même voie, au risque d’alimenter un sentiment d’insécurité financière et de pousser une partie des déposants vers des solutions alternatives, y compris informelles.
La fermeture en série de comptes chez Natixis Algérie marque un tournant dans la manière dont les banques algériennes appliquent la réglementation. Si la lutte contre le blanchiment est un impératif national et international, la méthode employée pose question. L’équilibre entre sécurité financière et relation de confiance sera déterminant pour l’avenir du secteur bancaire en Algérie.