Plusieurs maires français demandent à l’État d’interdire le mariage des sans-papiers, invoquant un décalage entre leurs responsabilités locales et les obligations légales actuelles. Ces élus dénoncent une incohérence juridique qui les oblige à célébrer des unions impliquant des personnes sous OQTF ou en situation irrégulière.
Ils sont quatre, issus de différents horizons politiques, à hausser le ton. Ces maires, dont Robert Ménard à Béziers, dénoncent ce qu’ils qualifient de contradiction légale. En tant qu’officiers d’état civil, ils sont tenus par la loi de célébrer les mariages. Mais en tant que garants de l’ordre public local, certains refusent de cautionner des unions où l’un des conjoints est en situation irrégulière ou sous obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Le débat ne date pas d’hier, mais il a récemment pris de l’ampleur avec plusieurs cas médiatisés et une tribune publiée dans Le Figaro. Au cœur des revendications : permettre aux maires de refuser, dans des cas précis, la célébration d’un mariage sans risquer des poursuites judiciaires.
Mariage des sans-papiers au centre d’un affrontement institutionnel
Le mariage des sans-papiers est devenu un sujet de tension entre les municipalités et l’État. Robert Ménard, tout comme les maires de Valence, Hautmont et Bourg-lès-Valence, estime que le droit au mariage est aujourd’hui utilisé, selon leurs termes, comme un « outil de régularisation détournée« . Ces maires demandent donc un changement de la loi pour ne plus être, selon eux, « des complices involontaires » d’une situation qu’ils jugent ubuesque.
Ils pointent un paradoxe : comment peut-on demander à un maire, représentant de la République, de marier une personne que l’État lui-même a ordonné d’expulser ? Ce questionnement trouve un écho plus large dans la société française, comme l’indique un sondage CSA de février 2025.
Selon cette enquête, 75 % des Français seraient favorables à l’interdiction du mariage impliquant un étranger en situation irrégulière. Un chiffre révélateur d’un malaise, bien que les opinions varient fortement selon l’âge, la profession ou l’orientation politique.

Des opinions contrastées sur les mariages impliquant des étrangers en situation irrégulière
Le soutien populaire à cette proposition varie nettement d’un groupe à l’autre. Chez les plus de 50 ans, l’hostilité est très marquée, dépassant 85 %. À l’inverse, les jeunes adultes, en particulier les moins de 35 ans, se montrent plus partagés, avec seulement 57 % de réponses favorables à une interdiction.
Cette fracture générationnelle s’accompagne d’un clivage politique mise en lumière par le sondage de l’institut CSA. À droite, notamment chez Les Républicains, l’idée de bloquer le mariage des personnes sans titre de séjour recueille un soutien quasi unanime : 93 % des sympathisants s’y disent favorables. À gauche, les positions s’inversent. Près de 57 % des partisans du Parti socialiste, et 53 % de ceux de La France insoumise, défendent le droit au mariage même en cas de situation irrégulière.
Pour les maires concernés, l’enjeu dépasse la simple célébration. Ils souhaitent redéfinir les limites de leurs fonctions et affirment que leur autorité est affaiblie lorsqu’on leur impose d’agir à l’encontre de ce qu’ils estiment être une atteinte à l’ordre public ou à la cohérence républicaine.
Le cadre légal actuel et ses limites dans la pratique municipale
Actuellement, le droit au mariage pour tous, y compris pour les personnes en situation irrégulière, est protégé en France. La loi ne permet pas à un maire de refuser une union civile uniquement sur la base du statut administratif d’un des époux. Toutefois, des vérifications d’usage sont prévues pour détecter d’éventuelles fraudes, comme les mariages blancs.
C’est précisément cette zone grise qui nourrit les revendications. Les maires affirment qu’ils sont souvent confrontés à des cas où des doutes sérieux subsistent, mais où le cadre légal ne leur permet pas de s’opposer à l’union. Ils souhaitent donc une évolution de la législation pour prendre en compte ces situations, qu’ils estiment de plus en plus nombreuses.
Gérald Darmanin avait dernièrement réagi à ces préoccupations. Une proposition de loi visant à interdire les mariages entre Français et étrangers en situation irrégulière s’était ajoutée à l’agenda parlementaire. Le texte devait être discuté au Sénat, porté par le sénateur centriste Stéphane Demilly.
En parallèle, des affaires judiciaires renforcent la visibilité du sujet. Robert Ménard a été poursuivi pour avoir refusé de célébrer un mariage entre une Française et un Algérien sous OQTF. Convoqué devant le procureur de Montpellier, il a rejeté l’idée d’un plaidoyer de culpabilité.
Les maires demandent plus qu’un changement symbolique : ils veulent une adaptation de la loi à la réalité du terrain. Pour eux, la cohésion républicaine passe aussi par une clarification du rôle de l’élu local face à des cas qu’ils jugent juridiquement ambigus. Reste à savoir si le législateur suivra.