À l’approche de l’Aïd el-Adha, certaines mosquées du Gard déconseillent d’acheter de moutons de l’Aid. En cause, des prix jugés excessifs et un manque criant d’abattoirs agréés pour l’abattage rituel, remettant en question la faisabilité du sacrifice dans des conditions conformes.
L’appel lancé par plusieurs mosquées du département du Gard, notamment celle de Lumière et Piété à Nîmes, ne passe pas inaperçu. À moins de deux semaines de l’Aïd el-Adha 2025, les fidèles sont invités à reconsidérer l’achat de moutons vivants pour le sacrifice rituel. Une initiative rare, mais déjà appliquée en 2014, et qui fait cette année encore écho aux difficultés logistiques et économiques rencontrées.
Le principal argument avancé concerne l’insuffisance des infrastructures disponibles pour procéder à un abattage conforme aux normes religieuses et sanitaires. Pour tout le département, seul l’abattoir de Vestric-et-Candiac sera opérationnel cette année, avec une capacité estimée à 300 têtes par jour. Un chiffre jugé très en deçà des besoins, alors que la communauté musulmane locale compte environ 15 000 fidèles.
Acheter de moutons de l’Aid dans un contexte difficile
Dans ce contexte, acheter de moutons de l’Aid el-Adha devient un véritable casse-tête logistique pour de nombreux fidèles. La filière ovine ne parvient pas à répondre à la demande ponctuelle, et l’accès à des abattoirs agréés reste limité. L’engorgement des structures de sacrifice est un point de tension récurrent à chaque Aïd el-Kébir, mais cette année, l’absence de solutions alternatives officielles accentue le problème.
Outre les aspects pratiques, le coût élevé du bétail en période de fête religieuse pousse également à la réflexion. Selon les témoignages recueillis localement, un mouton acheté hors saison revient en moyenne à 90 €, alors qu’à l’approche de l’Aïd, les prix dépassent souvent les 300 €. Ce phénomène, que plusieurs fidèles perçoivent comme une inflation opportuniste, fragilise la dimension accessible et équitable de la tradition.
Alternatives religieuses légitimes au sacrifice local
Face à ces contraintes, les mosquées concernées ne se contentent pas de critiquer : elles proposent des solutions alternatives compatibles avec les prescriptions religieuses. L’envoi de dons à des structures spécialisées dans l’abattage rituel à l’étranger figure parmi les options évoquées. Cela permettrait de financer le sacrifice dans des pays où les besoins sont plus criants et les moyens d’exécution mieux adaptés.
Cette approche repose sur une jurisprudence islamique largement admise : en cas d’impossibilité matérielle ou de contraintes majeures, le sacrifice peut être accompli par procuration. Ce choix est présenté comme un compromis respectueux des règles religieuses tout en tenant compte des réalités locales.

Hausse des prix du bétail et limites du cadre réglementaire
La situation met également en lumière les déséquilibres structurels du marché de l’animal vivant en France à l’occasion de l’Aïd. Le manque de régulation autour des prix, combiné à une offre limitée, contribue à une forte volatilité des coûts. Cette année, le seuil des 300 € est souvent franchi, suscitant l’incompréhension de nombreux fidèles et fragilisant les familles à revenu modeste.
Sur le plan réglementaire, les marges de manœuvre des préfectures restent étroites. L’ouverture d’abattoirs temporaires ou mobiles reste soumise à des contraintes sanitaires strictes et à une coordination complexe entre les services de l’État, les collectivités et les représentants religieux. Faute d’une planification anticipée, beaucoup de mosquées se retrouvent sans solution pérenne à proposer à leurs fidèles.
Impact sur la pratique et perception dans la communauté
Le renoncement au sacrifice local ne remet pas en cause la signification spirituelle de l’Aïd, mais il interroge les modalités d’adaptation de la pratique dans un environnement laïque, encadré par des règles sanitaires et logistiques strictes. Pour une partie des fidèles, le recours à l’achat de viande auprès de boucheries halal reste une alternative acceptable, même si elle ne remplit pas pleinement les critères du rituel sacrificiel.
Derrière cette décision collective, il y a aussi la volonté de prévenir tout manquement aux règles légales encadrant l’abattage, ainsi que d’éviter les pratiques informelles ou non conformes. Dans les années précédentes, des abattages non autorisés avaient été signalés, exposant les responsables à des poursuites.
Le geste symbolique des mosquées du Gard ne se limite donc pas à une consigne ponctuelle, mais s’inscrit dans une réflexion plus large sur la pratique religieuse en France et les conditions concrètes de son exercice.