Alors que l’euro numérique se profile à l’horizon, une question persiste : quel avenir pour l’argent liquide dans un monde toujours plus tourné vers les paiements dématérialisés ? Les espèces semblent pourtant conserver un rôle important, y compris dans les scénarios de crise.
L’essor des paiements numériques est indéniable. Cartes bancaires, smartphones et montres connectées ont remodelé les habitudes de consommation en seulement quelques années. Toutefois, malgré cette transformation, l’attachement aux pièces et billets reste fort. Au Luxembourg, comme dans d’autres pays européens, la monnaie physique continue à jouer un rôle central dans la vie quotidienne de nombreux citoyens.
Cette réalité crée un paradoxe : bien que le recours au cash recule légèrement dans les statistiques, la volonté de conserver cette option ne cesse de croître. Et cette tendance ne semble pas prête à s’inverser, même avec l’introduction programmée de l’euro numérique.

Quel avenir pour l’argent liquide à l’ère du numérique ?
Si l’euro numérique suscite beaucoup d’attention, il ne signifie pas pour autant la fin de la monnaie fiduciaire. C’est du moins le message que s’efforcent de faire passer les institutions européennes et nationales. Gilles Roth, ministre luxembourgeois des Finances, a récemment tenu à le rappeler : « Les espèces en euros resteront largement disponibles, accessibles et acceptées, aussi bien comme moyen de paiement que comme réserve de valeur » et rajoute : « L’euro numérique complétera les espèces, sans les remplacer. »
Selon une étude récente, 59 % des résidents luxembourgeois considèrent qu’il est très important de pouvoir continuer à payer en espèces. Ce chiffre est en constante augmentation : ils n’étaient que 45 % à le penser en 2019, puis 51 % en 2022. Une évolution qui en dit long sur l’attachement au cash, malgré une baisse progressive de son usage dans les transactions courantes.
Dans les faits, la part des paiements en espèces au Luxembourg est passée de 39 % à 37 % entre 2022 et 2024. Une baisse modérée, mais qui reflète bien la poussée du numérique. Pour autant, cette transformation ne signifie pas que l’argent liquide devient obsolète. Au contraire, il semble gagner en valeur symbolique et pratique dans un contexte de diversification des moyens de paiement.

Inclusion financière et liberté de choix sont deux piliers à préserver
L’un des enjeux majeurs de cette transition vers le digital reste l’inclusion financière. Tous les citoyens de la zone euro, soit environ 350 millions de personnes, ne sont pas également familiarisés avec les outils numériques. C’est pourquoi la Commission européenne prévoit d’encadrer le développement de l’euro numérique pour qu’il vienne compléter les espèces, et non les remplacer. Le ministre, Gilles Roth, a précisé que les citoyens de la zone européenne sont « libres de choisir leur mode de paiement préféré ».
La liberté de choix en matière de paiement est même protégée par la loi dans certains pays. Au Luxembourg, par exemple, un commerçant ne peut refuser un paiement en espèces sans convention préalable. Enfreindre cette règle peut entraîner une amende allant de 25 à 250 euros. Cette disposition renforce le droit du consommateur à utiliser les billets et pièces, tout en garantissant un socle de confiance dans un environnement où les modes de paiement évoluent rapidement.
Au-delà de l’aspect légal, la monnaie physique reste un repère rassurant, notamment pour les populations âgées ou peu connectées. Et son rôle va bien au-delà du simple geste d’achat.

Des espèces utiles… même en cas de crise
Les espèces occupent également une place stratégique dans la gestion des situations d’urgence. Plusieurs États européens, dont le Luxembourg, travaillent actuellement à la mise en place de “kits de secours” incluant de l’argent liquide. L’objectif ? Permettre aux citoyens de faire face à des pannes électriques, causant l’arrêt des distributeurs automatiques, à des cyberattaques ou à des situations de déplacement forcé, où les paiements électroniques pourraient ne plus fonctionner.
Dans ces cas de figure, le cash reprend tout son sens, pas besoin de batterie, pas de réseau requis, pas de risques de piratage. Un simple billet peut faire la différence pour acheter du pain, de l’essence ou un ticket de train. Le retour aux fondamentaux, en quelque sorte.
La Banque centrale européenne, de son côté, continue à produire pièces et billets. Loin d’être un vestige du passé, l’argent liquide reste un élément clé de la souveraineté monétaire et de la résilience économique.
Alors que les innovations financières s’accélèrent, les autorités semblent s’accorder sur un point : modernisation ne rime pas forcément avec disparition. En d’autres termes, le futur pourrait bien être mixte, associant monnaie numérique et fiduciaire. Et dans les poches comme dans les esprits, l’euro tangible n’a pas dit son dernier mot.
