Un trafic bien organisé de faux passeport algérien vendu à 2500 euro destiné à des migrants illégaux en Europe est au cœur d’un procès à Alger. À la manœuvre, un réseau impliquant des fonctionnaires et un complice basé en France. L’enquête révèle un système d’une rare sophistication et des failles graves dans le contrôle des documents officiels.
Le 30 avril 2025, le pôle judiciaire spécialisé dans les crimes liés aux technologies de l’information et de la communication ouvre un procès très attendu à la Cour de Dar El Beïda. Quinze personnes sont poursuivies dans une affaire de faux passeports algériens, dont plusieurs employés de la mairie de Khenchela. À la tête de ce réseau, un homme en fuite résidant à Marseille, déjà connu des autorités françaises. Depuis plusieurs mois, il proposait à des migrants algériens en situation irrégulière l’obtention d’un passeport biométrique sans devoir se déplacer.
Faux passeport algérien vendu à 2500 euros
Pour 2 500 euros soit environ 63 millions de centimes, les clients recevaient un document officiel, parfois en quelques semaines, sans même fournir les justificatifs obligatoires. En échange de ce paiement, le faussaire recueillait les données par email, puis les transmettait à son frère, ingénieur en informatique, employé dans le service biométrique de la mairie de Khenchela. Ce dernier introduisait frauduleusement les informations dans la base de données nationale, GUICHET ÉLECTRONIQUE, contournant ainsi toutes les procédures légales.
Un réseau structuré et des méthodes dignes du cybercrime
L’enquête révèle que le faussaire, opérant depuis la France sous le pseudonyme « waliddz24 » sur Snapchat, gérait les commandes comme une véritable entreprise. Il communiquait via WhatsApp, collectait les photos d’identité et les données personnelles, puis validait les commandes depuis l’étranger. L’adresse email utilisée pour les échanges (amirlocation93@gmail.com) était liée à un commerce de location de voitures à Khenchela, tenu par le frère complice.
Ce dernier profitait de son poste pour insérer les identités dans le système biométrique national sans la présence physique des intéressés, violant ainsi plusieurs lois. Le point le plus préoccupant, certains passeports ont été délivrés à des individus faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international. Cela signifie que le réseau permettait non seulement à des migrants de contourner la loi, mais également à des fugitifs de se doter d’une nouvelle identité légale pour voyager.

Trafic de passeports algériens
Lors de perquisitions dans le local de location de voitures et dans le service biométrique de la commune, la police a mis la main sur 60 passeports biométriques déjà produits, prêts à être expédiés à l’étranger ont été saisis. Parmi les documents, plusieurs étaient destinés à des personnes n’ayant jamais mis les pieds à Khenchela. Certains avaient même été retirés chez un quincaillier local, agissant comme point relais clandestin.
Les enquêteurs ont également saisi des listes de bénéficiaires, des fichiers électroniques contenant des données sensibles, ainsi que des reçus de virements bancaires. Ces éléments viennent confirmer l’hypothèse d’un réseau organisé et structuré, capable de détourner les procédures de délivrance des titres de voyage.
Une faille exploitée dans le système biométrique national
Le logiciel guichet électronique, mis en place par le ministère de l’Intérieur pour centraliser la délivrance des documents biométriques, est censé garantir la traçabilité et la sécurité des données. Pourtant, dans cette affaire, le système a été manipulé de l’intérieur, sans que les autorités ne détectent immédiatement les intrusions.
L’affaire soulève donc une question cruciale,: comment un employé municipal a-t-il pu manipuler aussi librement une base de données nationale aussi sensible ? Le fait qu’il ait pu le faire à la demande d’un complice étranger aggrave la situation. Ce manquement met en lumière la nécessité urgente de renforcer les contrôles internes et de revoir les accès accordés aux agents locaux.
Les risques pour la réputation de l’Algérie
Au-delà du volet judiciaire, cette affaire pourrait avoir des conséquences diplomatiques et sécuritaires importantes. Les passeports algériens, une fois compromis, peuvent être utilisés pour des traversées de frontières, des demandes d’asile ou des activités criminelles à l’étranger. Si les pays européens perdent confiance dans l’authenticité des documents délivrés par l’Algérie, cela pourrait entraîner un durcissement des contrôles, voire des restrictions pour les titulaires légitimes.
C’est un risque majeur pour les citoyens algériens respectueux de la loi, mais aussi pour les autorités consulaires qui devront redoubler d’efforts pour prouver la fiabilité des documents qu’elles délivrent.
Le procès du réseau de trafic de passeports algériens révèle une organisation bien plus complexe qu’une simple arnaque de quartier. Il s’agit d’une véritable filière, mêlant technologie, complicité administrative et exploitation de la vulnérabilité des migrants. À l’heure de la digitalisation, cette affaire rappelle que la sécurité informatique et la rigueur administrative doivent rester des priorités absolues.
Ce scandale pourrait bien accélérer une réforme des systèmes d’authentification et une redéfinition des responsabilités dans la gestion des documents d’identité en Algérie. Reste à savoir si la justice parviendra à démanteler entièrement ce réseau… ou si d’autres acteurs continueront de tirer profit de cette faille.