Le 22 septembre, à Montrouge, la découverte du corps de Mohand Alouache, 85 ans, a figé le temps. le cadavre de l’Algérien a été retrouvé 3 ans après sa mort en France. Mort depuis 2022, il n’avait manqué à personne. Ni voisins, ni bailleur, ni institutions. Une disparition discrète, révélatrice d’un mal bien plus vaste, la solitude ordinaire.
Un décès passé sous silence
Le corps en décomposition de Mohand Alouache, né en Algérie et installé en France depuis les années 1970, a été retrouvé dans son studio HLM de la rue Hippolyte-Mulin, à Montrouge (Hauts-de-Seine). C’est une équipe d’expulsion, mandatée pour impayés de loyer, qui a fait la macabre découverte.
Selon les premières constatations de la police, le décès remonterait à près de trois ans.
Les enquêteurs ont retrouvé dans le logement des traces d’encombrement extrême, suggérant un syndrome de Diogène, accumulation d’objets, isolement, repli sur soi. Aucune effraction, aucun signe de violence. Seulement le silence d’un homme disparu du monde sans que personne ne s’en émeuve.
Une vie discrète, effacée avec le temps
Arrivé en France en 1970, Mohand avait travaillé dans le secteur du bâtiment, avant d’obtenir son logement social en 2003. Sans proches connus ni enfants, il vivait seul.
Son dernier paiement de loyer remontait à février 2023, mais aucune visite, ni courrier en retour, n’a éveillé l’attention du bailleur. Les enquêtes sociales de l’office HLM étaient restées sans réponse depuis 2019.
Dans l’immeuble, l’étonnement domine. « Le monsieur du premier étage ? Non, je ne l’ai jamais vu », confie une résidente. « Un monsieur mort ici ? On l’aurait su », assure un autre habitant, abasourdi. Personne n’avait remarqué la boîte aux lettres pleine, ni l’odeur persistante. Le temps avait effacé jusqu’à son existence.
La solitude, ce fléau invisible
Ce drame n’est pas isolé. En France, chaque année, plusieurs centaines de personnes sont retrouvées mortes seules, parfois des mois, voire des années après leur décès. Selon le rapport de la Fondation de France (2024), plus d’un Français sur dix souffre d’un isolement social sévère. Chez les plus de 75 ans, cette proportion grimpe à près de 30 %.
Les causes sont multiples, familles éclatées, urbanisation, disparition des solidarités de voisinage. Pour les immigrés de première génération, souvent sans descendance ni proches, la solitude devient un exil dans l’exil.
Les institutions en question
La mort silencieuse de Mohand interroge : comment un locataire peut-il mourir sans que personne ne s’en aperçoive pendant trois ans ?
Ni les services municipaux, ni l’office HLM, ni les voisins n’ont donné l’alerte.
« Les structures de suivi existent, mais elles manquent cruellement de moyens humains », explique une assistante sociale contactée par Le Figaro.
« Beaucoup d’aînés isolés disparaissent ainsi, invisibles aux yeux des dispositifs censés les protéger. »
Mohand Alouache laisse derrière lui peu de traces, sinon l’écho d’un silence trop long. Son histoire dit quelque chose d’un pays où l’on meurt parfois seul dans l’indifférence, entre quatre murs, sans que le monde extérieur ne s’en rende compte.
La mort, ici, ne s’est pas annoncée par un cri, mais par le bruit d’une serrure forcée. Et derrière cette porte, le temps suspendu d’un homme que la société avait oublié depuis longtemps.