Le square d’Alger, connu pour être le centre névralgique du marché parallèle des devises, s’apprête à vivre une transformation majeure. Les autorités algériennes lancent une série de mesures pour mettre fin à ce système parallèle et redonner une nouvelle image à ce lieu emblématique de la capitale.
Ce coin d’Alger, autrefois simple espace public, est aujourd’hui synonyme de transactions informelles, où l’euro, le dollar et d’autres devises s’échangent souvent à des taux bien plus élevés que ceux fixés par la Banque d’Algérie. Dans un pays où l’accès aux devises étrangères est limité, ce coin de rue est devenu pour beaucoup un passage incontournable.
Cependant, ce marché de devises informel pourrait disparaître, au grand dam de nombreux acteurs du marché parallèle, mais aussi de la population qui a souvent recours à ces échanges pour faire face à la dévaluation du dinar. Les autorités algériennes, confrontées à une pression croissante, ont décidé de mettre en œuvre des mesures visant à mettre fin à ce phénomène.
Le gouvernement algérien se trouve aujourd’hui à un carrefour économique crucial. Le marché informel des devises, concentré au square d’Alger, représente un enjeu majeur pour la stabilité financière du pays. Les fluctuations du taux de change, notamment de l’euro, ont des répercussions profondes sur l’économie, alimentant l’inflation et la fuite des capitaux. Le gouvernement a donc annoncé une série de réformes, avec l’objectif d’éradiquer progressivement ce marché informel.
Square d’Alger devenu un symbole d’un système informel problématique
Situé à quelques pas du port et du centre-ville, le square d’Alger, aussi appelé Port Said, est devenu en quelques années un haut lieu du marché parallèle des devises. Face à l’absence d’un réseau de bureaux de change et à la non-mise en application officielle de l’allocation touristique à 750 euros, les citoyens, les commerçants et même les étudiants ou voyageurs, s’y rendent pour acheter ou vendre des devises à un taux plus avantageux que celui du marché officiel.
Mais derrière cette apparente simplicité se cache une problématique lourde qui cause un véritable manque à gagner pour l’État. Chaque billet échangé sans traçabilité échappe aux circuits bancaires, alimente la fuite des capitaux et contribue à la dépréciation continue du dinar. Selon les estimations, plusieurs milliards de dinars circulent ainsi quotidiennement hors de tout contrôle.
Ce système a aussi un impact direct sur le quotidien des Algériens. Le taux de change parallèle influence fortement le prix des biens importés, faisant grimper les coûts pour les ménages. C’est tout un mécanisme économique qui se retrouve déséquilibré par ce marché informel qui prospère depuis trop longtemps.
L’ouverture de bureaux de change constitue une stratégie à long terme

Pour contrer cette économie de l’ombre, le gouvernement a décidé d’officialiser l’échange de devises. Un réseau de bureaux de change est en préparation, supervisé par la Banque d’Algérie. Ces structures auront pour mission de canaliser les transactions et de proposer un cadre transparent aux citoyens souhaitant convertir leurs devises.
Cette mesure ne vise pas uniquement à contrer le marché parallèle, mais elle s’inscrit dans une vision plus large de stabilisation du dinar et de renforcement de la confiance envers le système bancaire. À terme, cela permettra de capter des flux financiers importants qui échappaient jusque-là à toute régulation et de sécuriser les échanges.
Ces bureaux ne seront pas de simples guichets de conversion. Ils offriront aussi des services adaptés, garantissant la traçabilité des opérations, et devraient proposer des taux plus compétitifs que ceux du marché noir, pour inciter naturellement les citoyens à délaisser le square.
Vers une économie plus transparente avec la fin du cash pour l’immobilier et l’automobile
Dans cette dynamique de lutte contre l’informel, l’État a également acté une nouvelle réglementation forte : l’interdiction des paiements en espèces pour les transactions immobilières et automobiles. Depuis la loi de finances 2025, tous ces achats doivent désormais passer par un virement bancaire ou un moyen électronique.
Les notaires sont chargés d’appliquer cette mesure en vérifiant les preuves de paiement et en intégrant les références bancaires dans les actes. Une circulaire du 23 avril rappelle que cette exigence s’applique aussi aux paiements partiels, ainsi qu’aux transactions de mandataires automobiles et distributeurs agréés.
Cette réforme vise à éliminer les flux opaques dans des secteurs très prisés par l’économie informelle. En remplaçant le cash par des paiements traçables, les autorités veulent réduire l’évasion fiscale, moderniser les échanges, et renforcer l’efficacité des politiques publiques. Des campagnes de sensibilisation accompagnent cette transition, avec notamment des offres bancaires ciblées et l’élargissement de l’usage des TPE.
L’Algérie lance un plan pour réintégrer 90 milliards de dollars de l’économie informelle

L’autre axe majeur de réforme, est celui de la récupération des fonds circulant en dehors du système bancaire. Le marché informel pèserait environ 90 milliards de dollars, un chiffre qui témoigne de l’ampleur du phénomène. Pour y faire face, les autorités ont lancé une stratégie centrée sur l’inclusion bancaire des populations vulnérables.
Cette démarche concerne notamment les femmes, les personnes âgées, les citoyens vivant dans des zones rurales ou isolées, ainsi que les personnes en situation de handicap. Les banques travaillent à adapter leurs services, en proposant par exemple des TPE en braille, des interfaces vocales, ou des services mobiles accessibles sans présence physique.
Le 27 avril, la Fédération des banques organise une journée de sensibilisation dédiée à l’inclusion financière, pour encourager les échanges entre institutions et citoyens. Cette mobilisation vise à créer un cadre de confiance, propice à une régularisation progressive et volontaire des flux informels.
Redonner une seconde vie culturelle au square d’Alger
Parallèlement à cette régulation économique, les autorités comptent bien réinventer l’usage du square Port Said. Un budget de 190 millions de dinars a été engagé pour transformer ce lieu en espace culturel et de loisirs, dans le cadre du plan de développement urbain de la capitale.
Le kiosque à musique, restauré, accueillera régulièrement des concerts de musique chaâbi et andalouse. Des bustes en hommage à des figures du théâtre algérien, comme Keltoum et Alloula, ont été installés. Et un bibliobus devrait compléter le tableau, en rendant la lecture accessible à tous.
L’idée est de changer l’image du square, en y remplaçant les transactions clandestines par des moments culturels, les autorités espèrent tourner la page de cette économie parallèle. Ce projet culturel vient ainsi renforcer, de manière symbolique et concrète, la volonté de transformation engagée.