En France, fumer devient un luxe. À 12,50 € le paquet, les consommateurs se tournent vers des alternatives venues de l’étranger. Et parmi les plus prisées, les cigarettes algériennes, qui alimentent un marché parallèle florissant, notamment à Marseille. D’un simple paquet dissimulé dans un bagage à un réseau de contrebande bien organisé, ce trafic soulève des questions sur la fiscalité, la sécurité sanitaire, et la coopération entre les deux rives de la Méditerranée.
Cigarettes algériennes, une consommation qui échappe aux radars
Depuis plusieurs années, les ventes officielles de tabac en France chutent. En 2024, elles ont reculé de 11,5 % selon les douanes, avec une baisse accentuée dans les zones frontalières. Si le gouvernement attribue ce déclin au recul du tabagisme et à la progression du vapotage, les chiffres cachent une autre réalité : une explosion du marché parallèle, où les cigarettes algériennes tiennent une place de plus en plus visible.
D’après une enquête relayée par BFM, près de 40 % des cigarettes consommées en France ne passent pas par le réseau officiel. Et parmi elles, 8 % proviennent directement d’Algérie. Un chiffre qui inquiète autant qu’il interroge : comment ces produits franchissent-ils les frontières si aisément ?
Marseille, plaque tournante du trafic
La ville de Marseille concentre à elle seule près de 20 % des ventes illicites de cigarettes d’origine algérienne. Il suffit de faire un tour dans les environs du port pour le constater : paquets de Marlboro, Rym ou El Khalifa vendus à la sauvette, souvent à moitié prix.
La filière repose en grande partie sur le trafic par ferry ou avion en provenance d’Alger. Si la législation autorise le transport de deux cartouches par passager, cette tolérance est largement détournée. Certains voyageurs y voient une source de revenu complémentaire, d’autres opèrent en réseaux structurés, mimant les schémas du trafic de stupéfiants : mules, points de collecte, revente rapide en centre-ville.
Une économie parallèle favorisée par l’écart de prix
Le principal moteur de cette contrebande reste le différentiel de prix :
- France : 12,50 € le paquet de Marlboro
- Algérie : 2,70 € pour la même marque
Un écart de près de 10 euros par paquet qui pousse certains consommateurs français à se détourner du réseau légal.
Les autorités, quant à elles, peinent à freiner ce commerce. Malgré les opérations comme COLBERT III, qui a permis la saisie de 489 tonnes de tabac en 2024, les douanes estiment que 10 à 20 % de la consommation nationale échappe à toute régulation.
Outre les cigarettes officiellement produites en Algérie, des contrefaçons circulent également sous les mêmes noms, souvent de qualité douteuse. Les douanes signalent une augmentation des imitations grossières, parfois dangereuses pour la santé, issues de filières parallèles implantées dans les Balkans ou en Afrique du Nord.
Les produits sont difficiles à tracer, souvent emballés comme des originaux, et échappent à tout contrôle sanitaire. Une réalité préoccupante, notamment pour les jeunes fumeurs attirés par le prix bas.
Cigarettes algériennes en France, un renforcement des contrôles ?
Face à l’ampleur du phénomène, le gouvernement français tente de réagir, en durcissant les contrôles aux frontières et en encourageant un commerce transfrontalier mieux encadré.
Il est également question de renforcer la coopération douanière avec l’Algérie, mais cette collaboration reste encore limitée. Le programme de lutte contre le tabac illicite lancé par l’Union européenne en 2024 vise aussi à harmoniser les sanctions et les dispositifs de traçabilité à l’échelle continentale, mais son efficacité reste à prouver dans les ports du sud de la France.
La présence massive des cigarettes algériennes en France n’est pas un simple fait divers, mais bien le symptôme d’un déséquilibre économique et social entre les deux rives. Pour beaucoup, c’est une question de survie financière ; pour d’autres, un business parallèle lucratif. Entre taxation excessive, porosité des frontières et tolérance implicite, le marché du tabac vit une mutation profonde que les autorités auront bien du mal à contenir sans repenser l’ensemble du modèle.