Une polémique enflamme les relations algéro-françaises, des députés d’extrême droite exigeant le départ des étudiants algériens après leur cursus universitaire. Accusations, chiffres contestés et enjeux diplomatiques sont au cœur d’un bras de fer naissant.
Le climat politique français semble de plus en plus perméable aux discours hostiles venus des franges les plus conservatrices. Et cette fois, ce ne sont plus seulement les sans-papiers ou les travailleurs immigrés qui sont dans le viseur, les étudiants algériens, jusque-là épargnés, deviennent les nouvelles cibles de polémiques instrumentalisées à des fins électoralistes.
Sous couvert de débats sur la maîtrise des flux migratoires, certains élus du Parlement français relancent des propos qui mêlent stigmatisation, récupération politique et calcul pré-électoral à l’approche de la présidentielle de 2027.
Des étudiants algériens pris dans la tourmente politique
Tout a commencé par la publication par l’ambassade de France des chiffres, 8 351 visas étudiants délivrés aux Algériens pour l’année universitaire en cours — soit un peu plus de mille de plus que l’an passé. Cette annonce a déclenché une vague de critiques au sein de l’Assemblée nationale.
Le député Michel Guiniot, du Rassemblement National, a ainsi interrogé le ministre de l’Intérieur le 14 octobre 2025, évoquant « un phénomène inquiétant » où nombre d’étudiants ne quitteraient pas le territoire après leurs études. Selon lui, ce chiffre contredirait les exhortations du président Macron à durcir sa politique vis-à-vis de l’Algérie. Il cite un rapport d’un Observatoire de l’immigration affirmant que 61 % des étudiants algériens ne retournent pas dans leur pays à l’issue des études.

Le prétexte des visas étudiants et la tentation du chantage diplomatique
Quelques heures après cette déclaration, Constance Le Grip, députée proche du camp présidentiel, a repris l’argumentaire en interpellant à son tour le Quai d’Orsay. Elle s’est dite « surprise » du nombre croissant de visas délivrés à des étudiants algériens, estimant que ce chiffre « contredit la fermeté voulue par le président Macron ».
Mais plus troublant encore, la parlementaire a suggéré de lier l’octroi de visas étudiants au degré de coopération de l’Algérie en matière de rapatriement de ses ressortissants. Une proposition qui, pour de nombreux observateurs, relève d’une logique de chantage diplomatique à peine voilée, transformant les jeunes étudiants en monnaie d’échange politique.
Démêler les affirmations : critiques, chiffres et contre-arguments
Les chiffres sont-ils fiables ?
Le chiffre de 8 351 visas, bien que diffusé officiellement, reste à relativiser, il ne reflète pas nécessairement le nombre d’étudiants encore présents en France après leurs études. Tous les détenteurs d’un visa étudiant ne restent pas illégalement à l’issue de leur cursus.
Quant à l’affirmation selon laquelle 61 % ne quitteraient pas la France, elle semble plus politisée que factuelle. Aucun organisme indépendant n’a confirmé cette estimation.
Le nombre de visas étudiants délivrés aux Algériens par la France a connu des fluctuations au cours des dernières années. Voici un aperçu :
Année | Nombre de visas étudiants accordés | Variation par rapport à l’année précédente |
---|---|---|
2021 | 7 200 | — |
2022 | 6 500 | -9,7 % |
2023 | 6 900 | +6,1 % |
2024 | 7 350 | +6,5 % |
2025 | 8 351 | +13,6 % |
Évolution des visas étudiants délivrés aux Algériens par la France (2021-2025)
Des accusations à portée politique
Ce ciblage intervient dans un climat tendu entre Alger et Paris, la France critique depuis plusieurs mois l’Algérie sur les questions migratoires, sécuritaires et diplomatiques. Tourner le visa étudiant en sujet de stigmatisation démontre la récupération politique d’un dossier humain.
Ce double discours, venu à la fois du Rassemblement national et du camp présidentiel, illustre la porosité croissante entre droite modérée et extrême droite sur la question migratoire. Il traduit également une crispation autour du vote identitaire, dans un contexte de montée des tensions sociales et politiques en France.
Selon plusieurs analystes, ces attaques ciblant les étudiants algériens participent d’une stratégie électorale visant à flatter les électorats sensibles au thème de l’immigration, tout en détournant l’attention des difficultés économiques et institutionnelles que traverse la France à l’approche de 2027.
Impact réel sur les étudiants
Si ces propositions parlementaires venaient à être appliquées (expulsions systématiques à l’issue des études, conditionnement des visas à la coopération), cela pourrait profondément bouleverser le paysage universitaire pour la diaspora algérienne. Une menace sur l’attractivité de la France pour les étudiants algériens.
Enjeux diplomatiques et électoraux
À moins d’un an des élections présidentielles françaises de 2027, ce débat trouve un terrain fertile. En instaurant une rhétorique du contrôle migratoire, certains députés essaient de rallier une base électorale sensible à la souveraineté nationale.
Pour l’Algérie, c’est une nouvelle donne diplomatique que répondra le gouvernement algérien face à ce qu’il pourrait percevoir comme une attaque contre sa diaspora ? Le sujet dépasse le simple bilan de visas, il touche à la fierté d’une communauté dispersée et au respect de la mobilité internationale.