Lundi, l’euro a atteint son plus haut niveau depuis un mois et franchi un cap symbolique de1,1433 dollar, un record depuis cinq semaines. Cette progression s’explique par une conjonction de facteurs défavorables au dollar américain et par les anticipations de baisse des taux d’intérêt aux États-Unis comme en Europe.
Les marchés des devises ont ouvert la semaine avec un mouvement significatif en faveur de la monnaie européenne. L’euro s’est apprécié de 0,76 %, atteignant un sommet inédit depuis plus de cinq semaines. Derrière ce rebond se dessine un contexte économique tendu, marqué par les incertitudes autour de la politique commerciale américaine et les anticipations de politiques monétaires plus accommodantes de part et d’autre de l’Atlantique.
Le dollar sous pression, l’euro en profite
La montée de l’euro s’explique en premier lieu par l’affaiblissement du dollar américain. Les investisseurs réagissent aux signaux d’un ralentissement de l’économie américaine, combiné à des tensions commerciales persistantes et à un manque de clarté dans la politique extérieure de Washington.
Le billet vert a perdu de sa solidité face à la multiplication des incertitudes, croissance en repli, ralentissement de l’industrie, et surtout, perspective de baisse des taux directeurs par la Réserve fédérale américaine. Ce climat favorise un désengagement progressif des acteurs économiques vis-à-vis du dollar, au profit d’actifs jugés plus stables, comme l’euro.
Évolution du taux EUR/USD (janvier – mi-mars 2025)
Mois | Taux le plus bas | Taux le plus haut | Taux moyen |
---|---|---|---|
Janvier | 1,0257 USD | 1,0504 USD | 1,0352 USD |
Février | 1,028 USD | 1,051 USD | 1,0416 USD |
Mars (jusqu’au 18) | 1,0771 USD | 1,0942 USD | 1,0771 USD |
Source : Exchange-Rates.org,
Analyse de la tendance
Depuis le début de l’année 2025, l’euro a montré une tendance haussière face au dollar américain. Après un point bas à 1,0257 USD en janvier, la monnaie unique a atteint un sommet de 1,0942 USD le 18 mars. Cette appréciation est attribuée à plusieurs facteurs, notamment l’affaiblissement du dollar dû aux incertitudes économiques aux États-Unis et aux politiques monétaires divergentes entre la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE).
Une BCE en alerte face à la conjoncture
Alors que les signaux de ralentissement se multiplient en Europe, la Banque centrale européenne (BCE) se prépare à réduire une nouvelle fois ses taux directeurs, ce qui serait la septième baisse consécutive depuis le début du cycle accommodant. L’objectif affiché est clair, soutenir une économie fragilisée, prise en étau entre une croissance interne molle et un environnement commercial mondial de plus en plus instable.
Les tensions commerciales avec les États-Unis, notamment les droits de douane sur l’acier et l’aluminium, ont contribué à installer un climat d’incertitude durable. Ces mesures, imposées sous l’administration Trump, continuent d’alimenter des craintes sur la solidité des exportations européennes, en particulier dans les secteurs industriels les plus exposés.
S’ajoute à cela une pression croissante autour de l’excédent commercial de la zone euro, souvent pointé du doigt par Washington comme un déséquilibre nuisible. Cette situation entretient un sentiment d’urgence sur les marchés européens, qui attendent des signaux rassurants de la part de la BCE.
Face à ces défis, l’institution monétaire de Francfort maintient une ligne d’intervention prudente mais proactive. Elle semble prête à continuer sa politique de soutien, via des taux bas ou d’autres instruments, pour préserver les capacités de financement des entreprises et contenir les tensions sur l’euro.
Cependant, une partie des analystes estime que la BCE pourrait temporiser lors de sa réunion de juillet. Avant d’engager de nouvelles mesures, elle pourrait choisir de laisser passer quelques semaines pour observer l’évolution de la conjoncture, notamment sur l’inflation, la demande intérieure et les indicateurs industriels.
Ce possible « temps mort » ne serait pas un revirement, mais plutôt une phase d’observation stratégique, dans une séquence économique où chaque décision peut avoir un impact direct sur la stabilité de la zone euro.
Marchés des devises prudents mais réactifs
Les fluctuations actuelles sur le marché des changes traduisent une forme de prudence opportuniste de la part des investisseurs. En choisissant de réinvestir dans l’euro, ces derniers expriment une préférence temporaire pour la stabilité relative de la zone euro, malgré ses propres faiblesses.
Il ne s’agit donc pas d’un signal de force absolue pour la monnaie européenne, mais plutôt d’un retrait stratégique du dollar en raison d’éléments conjoncturels défavorables aux États-Unis.
La récente progression de l’euro pourrait n’être qu’un début de tendance si les conditions monétaires et géopolitiques continuent de jouer en sa faveur. Certains analystes techniques évoquent déjà la possibilité de franchir de nouveaux seuils symboliques, au-delà des 1,15 dollar, si l’élan se maintient dans les semaines à venir.
Mais ce scénario reste étroitement conditionné aux décisions attendues des deux côtés de l’Atlantique. À Francfort comme à Washington, la moindre inflexion dans la communication ou l’orientation des taux d’intérêt pourrait rapidement modifier la perception des investisseurs. Une hausse surprise des taux américains ou un discours plus prudent de la BCE suffiraient à inverser les flux de capitaux et à rétablir la suprématie du dollar.
Dans ce contexte, l’euro évolue sur un fil. Il profite actuellement d’un alignement de facteurs conjoncturels, affaiblissement du dollar, attentes de soutien monétaire, confiance relative dans la zone euro, mais cette dynamique demeure fragile, exposée aux retournements d’humeur des marchés.
Rien ne permet pour l’instant d’affirmer que cette hausse marque le début d’un cycle durable. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’un rebond technique, né d’une accumulation de doutes autour de l’économie américaine, et non d’une véritable revalorisation structurelle de la monnaie européenne.
Dans un climat global où la prudence reste de mise, les prochaines décisions des banques centrales seront déterminantes pour savoir si l’euro peut consolider sa position ou s’il devra, une fois encore, céder du terrain.