Massi, un sans-papier algérien sauve une fillette à Paris, en escaladant à mains nues la façade d’un immeuble à Choisy-le-Roi. Le geste, digne d’un film, s’est déroulé le 20 juin 2025, mais n’a été révélé que récemment. Salué par la mairie pour sa bravoure, Massi reste pourtant ignoré, voire critiqué par la famille de l’enfant. Un héroïsme discret, aussi humain que dérangeant.
Il y a parfois des histoires qui devraient faire consensus. Celle de Massi, jeune Algérien sans-papiers à Paris, aurait pu être de celles qu’on célèbre à l’unisson, sans nuance ni réserve. Le 20 juin dernier, dans une rue tranquille de Choisy-le-Roi, il a escaladé une façade à mains nues pour sauver une fillette suspendue dans le vide, à quelques mètres seulement d’une chute fatale. Pas de gants, pas d’équipement, pas d’hésitation. Juste l’instinct de sauver une vie.
Mais derrière cet acte héroïque, qui rappelle celui de Mamoudou Gassama en 2018, une autre réalité s’installe. Massi ne sera pas décoré, du moins pas tout de suite. Il ne recevra ni papiers, ni médaille. Et pire encore, la famille de la fillette a accueilli son intervention avec froideur, redoutant les conséquences sociales et médiatiques. Un sauvetage exemplaire, mais une reconnaissance en demi-teinte. Comme si le statut administratif de l’auteur annulait la valeur de son geste.
Un sans-papier algérien sauve une fillette, face à l’inaction collective
Ce jour-là, Massi ne se rendait pas à un rendez-vous. Il marchait simplement, sans but précis, dans les rues de Choisy-le-Roi. Devant une bâtisse ancienne de l’avenue Victor-Hugo, une agitation inhabituelle attire son attention. Des cris. Une enfant en équilibre sur un balcon. Personne ne bouge.
Sans attendre, Massi se met à grimper la façade, s’appuyant sur une fenêtre, attrapant la jambe de la fillette, parvenant à la poser sur le rebord et à la mettre en sécurité. Tout cela sans sécurité, sans encouragement, sans réfléchir. Plus tard, il dira au Parisien : « J’ai juste voulu aider. Je n’ai pas pensé, j’ai vu qu’elle allait tomber. » Un geste brut, humain, à l’opposé de l’inaction collective, qui met souvent en lumière l’angoisse de « mal faire », de « se mêler », ou tout simplement d’être vu.
L’enfant enfermée seule : une situation qui interroge
Ce que révèle aussi cet événement, c’est l’isolement de la fillette. Selon les premières constatations, elle se trouvait seule dans l’appartement familial, probablement enfermée. Elle aurait paniqué, tenté de sortir par la fenêtre, et perdu l’équilibre.
Si Massi n’était pas passé à ce moment-là, le drame aurait été inévitable. Cette situation interroge. Comment une enfant de 9 ans peut-elle se retrouver seule, sans surveillance, au point de tenter une sortie désespérée par la fenêtre ?
Le rôle des parents n’a pas été officiellement commenté, mais le malaise était palpable lorsque le premier adjoint au maire de Choisy-le-Roi, Ali Id Elouali, est venu saluer le jeune homme. En face, la mère de la fillette s’est montrée sèche, presque hostile. « Que cherchez-vous ? Pourquoi vous revenez avec cette histoire ? », a-t-elle lancé. Peut-être craignait-elle le scandale, la culpabilité publique. Peut-être simplement, refusait-elle de voir son quotidien exposé au regard collectif.
Être sans-papiers et héros, reconnaissance officielle… mais sans lendemain
Ali Id Elouali a tenu à rencontrer personnellement Massi le 16 juillet. Il a salué son acte, affirmé son admiration, et posé publiquement la question de la reconnaissance. Mais pour l’instant, il n’est pas question de régularisation. Ni de décoration. Ni d’asile exceptionnel.
La mairie locale, bien qu’émue par le geste, ne semble pas en mesure d’aller plus loin. Pourtant, Massi a sauvé une vie, dans une situation d’urgence, au péril de sa propre sécurité. Le contraste est frappant, d’un côté, un acte de bravoure incontestable ; de l’autre, un statut précaire qui empêche toute projection. Il n’est ni clandestin, ni régularisé. Juste un héros passager, dont la vie continue dans l’ombre.
Ce n’est pas la première fois qu’un sans-papiers est célébré pour un acte de courage en France. En 2018, Mamoudou Gassama avait reçu la nationalité française après avoir sauvé un enfant suspendu à un balcon. Son cas avait suscité un grand élan médiatique… mais aussi des critiques sur « l’exception héroïque ».
Massi, lui, n’a pas encore bénéficié d’un tel traitement. La médiatisation reste locale, et la réaction institutionnelle timide. Son statut de sans-papiers agit comme un filtre, une gêne. Cela dit beaucoup de la relation ambiguë que la société française entretient avec ceux qui ne sont “pas en règle” mais agissent avec bravoure. Peut-on être un héros sans papiers ? Peut-on être remercié sans être “régularisé” ? Ces questions dérangent et pour l’instant, elles restent sans réponse.
Massi ne cherchait pas la reconnaissance. Il a agi par instinct, par humanité. Et pourtant, c’est précisément ce manque de revendication qui le rend encore plus héroïque. En escaladant cette façade, il a fait plus qu’éviter un drame : il a rappelé ce que c’est que d’agir pour autrui, sans attendre de contrepartie.
Mais dans un pays où les statuts définissent les droits, son acte pourrait rester sans suite. Et dans quelques semaines, Massi retournera peut-être à l’anonymat. À moins qu’un sursaut politique, humain ou institutionnel vienne enfin lui donner la reconnaissance qu’il mérite.