Devenir Français ne sera plus un simple droit basé sur le mariage ou les attaches familiales. Une nouvelle circulaire ministérielle vient d’être envoyée aux préfets, durcissant les conditions d’accès à la nationalité française par mariage. Sous l’impulsion de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, les critères d’assimilation sont revus à la hausse :
Alors que le débat sur l’immigration reste tendu en France, une nouvelle étape vient d’être franchie par le gouvernement. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a adressé aux préfets une circulaire de cinq pages qui redéfinit les conditions d’accès à la nationalité française, notamment pour les étrangers mariés à un(e) Français(e).
Cette mesure, qui prendra effet le 1er janvier 2026, s’inscrit dans une stratégie plus large de réforme de l’immigration légale, où l’intégration devient une épreuve à franchir plus qu’un processus d’accueil. niveau de langue B2, insertion professionnelle prouvée sur cinq ans, et parcours « exemplaire ». Une réforme marquée par une volonté affichée d’exigence et de contrôle renforcé. En renforçant les exigences, Retailleau assume une ligne dure : « Devenir Français, ça doit se mériter. »
Une circulaire d’assimilation plus qu’un encadrement administratif
Lors d’une conférence de presse tenue le 5 mai à Créteil, Bruno Retailleau a été clair : cette circulaire est, selon ses mots, « une circulaire d’assimilation ». En d’autres termes, il ne s’agit pas uniquement de vérifier des pièces administratives, mais d’évaluer en profondeur le sentiment d’appartenance du demandeur à la République française. Il insiste : « La nationalité ne repose pas seulement sur l’ascendance, mais sur l’adhésion volontaire à un projet de société, à des valeurs communes. »
Cette vision, plus subjective, donne aux préfets un pouvoir d’appréciation renforcé. Ils peuvent ainsi rejeter une demande s’ils estiment que le parcours de vie ou le comportement du candidat n’est pas « exemplaire ». En cela, la circulaire ne bouleverse pas le droit, mais modifie le regard institutionnel porté sur les naturalisations.
Nationalité française par mariage, ce qui change concrètement
L’un des aspects les plus sensibles de cette réforme concerne la naturalisation par mariage, souvent perçue comme une voie « facilitée » vers la nationalité. La circulaire introduit désormais plusieurs critères renforcés, rendant cette procédure plus contraignante qu’auparavant.
1. Une maîtrise de la langue française au niveau B2
À partir de janvier 2026, il ne suffira plus de parler un français de base. Le niveau exigé pour obtenir la nationalité sera désormais B2 à l’oral et à l’écrit, selon le cadre européen de référence des langues. Ce niveau implique une capacité à argumenter, rédiger correctement et interagir avec aisance dans des situations sociales et professionnelles. Un certificat officiel devra être présenté pour en attester.
2. Un examen civique obligatoire
Les candidats devront également passer un examen de connaissance civique, centré sur les valeurs et institutions de la République française. La charte des droits et devoirs du citoyen, annexée à la circulaire, servira de base à cet examen. Objectif affiché : s’assurer d’une réelle adhésion au modèle républicain.
3. Un parcours de vie irréprochable
La circulaire précise que les préfets devront rejeter systématiquement les demandes émanant de personnes condamnées à six mois de prison ou plus. Ce seuil, même s’il peut résulter de délits mineurs, est présenté comme un critère d’exemplarité. « La nationalité française ne peut être offerte à ceux qui ne respectent pas nos lois », insiste Retailleau.
4. L’exigence d’une insertion professionnelle sur cinq ans
Enfin, l’un des critères les plus structurants est celui de l’autonomie économique. Le candidat devra justifier d’au moins cinq années d’insertion professionnelle stable. Cela implique un CDI ou un CDD de 24 mois minimum, ainsi que des revenus hors prestations sociales, sauf pour les personnes malades ou en situation de handicap. La nationalité devient ici une récompense du mérite social et économique.
Les sans-papiers et les cas irréguliers dans le viseur
La circulaire va encore plus loin. Les étrangers ayant été en situation irrégulière, même temporairement, sont désormais exclus de toute procédure. Toute personne ayant fait l’objet :
- d’un arrêté d’expulsion non annulé,
- d’une interdiction du territoire non purgée,
- ou d’une OQTF (obligation de quitter le territoire) passée,
- verra sa demande automatiquement irrecevable.
Ce durcissement vise explicitement les sans-papiers, même ceux qui ont depuis régularisé leur situation. Une orientation que les associations de défense des droits des étrangers dénoncent, la qualifiant de « chasse administrative » et de « verrouillage idéologique ».
Cette circulaire s’inscrit dans une série de mesures adoptées depuis l’arrivée de Bruno Retailleau place Beauvau. Fin janvier 2025, il avait déjà restreint l’admission exceptionnelle au séjour (AES), allongeant la durée de présence requise en France à au moins sept ans, et durcissant les critères d’intégration (test de langue, contrat d’engagement républicain, casier judiciaire vierge…).
Le ministre plaide pour une immigration « choisie, contrôlée, méritée », reprenant des éléments de langage très présents dans les discours politiques de droite depuis plusieurs années. Avec cette nouvelle circulaire, il confirme un virage vers une immigration ultra-sélective, où la suspicion prévaut sur la présomption d’intégration.
En durcissant l’accès à la nationalité française par mariage, Bruno Retailleau imprime une marque forte sur la politique migratoire du pays. Loin d’un simple encadrement administratif, cette circulaire traduit une vision idéologique : celle d’une nationalité méritée, exigeante, réservée à ceux qui répondent à une norme d’intégration rigoureuse. À compter de 2026, devenir Français ne sera plus seulement une affaire de droits, mais un parcours balisé par des tests, des preuves, et une conformité stricte aux critères de la République. Une évolution qui, si elle satisfait certains, risque d’exclure durablement des profils pourtant parfaitement intégrés.