La naturalisation évolue : une nouvelle circulaire vient de redéfinir les critères d’accès à la nationalité française, renforçant les exigences en matière de langue, d’insertion et de valeurs républicaines. Un texte qui marque une inflexion dans l’instruction des demandes, sans bouleverser le cadre juridique existant.
Sans changer la loi, le ministère de l’Intérieur resserre les conditions d’accès à la citoyenneté. Le 6 mai, Bruno Retailleau a officialisé une nouvelle circulaire envoyée à toutes les préfectures. Ce document, court mais dense, fixe un ton plus exigeant dans l’examen des demandes de naturalisation, insistant sur des critères renforcés liés à l’intégration, à l’autonomie économique et à l’adhésion aux valeurs républicaines.
Il ne s’agit pas d’une rupture brutale, mais plutôt d’un recentrage assumé. En rappelant que l’accès à la nationalité française n’est pas un droit automatique, mais une décision souveraine de l’État, cette circulaire vient encadrer plus strictement les marges d’appréciation laissées aux services préfectoraux. Elle s’inscrit dans une continuité politique marquée par un durcissement du traitement des dossiers d’étrangers.
Nationalité française et maîtrise renforcée de la langue
Parmi les critères remis au premier plan figure le niveau de maîtrise de la langue française. Jusqu’ici, un niveau B1 du Cadre européen commun de référence suffisait généralement pour une naturalisation. Désormais, les préfets sont invités à s’assurer que ce niveau ne soit pas seulement atteint, mais réellement démontré, notamment à l’oral. La circulaire insiste sur l’importance d’une expression fluide et d’une compréhension claire, signes d’une intégration réussie.
Cette exigence linguistique est désormais inséparable d’un autre pilier mis en avant : l’adhésion aux valeurs de la République. Le candidat à la naturalisation devra pouvoir montrer une connaissance concrète de ces valeurs, au-delà de leur simple reconnaissance théorique. La charte des droits et devoirs du citoyen français, annexée au texte, fait désormais partie intégrante du processus d’instruction. Elle sert de référence dans l’analyse du degré d’engagement du demandeur.
Insertion professionnelle et autonomie économique exigées
La nouvelle circulaire met également l’accent sur la dimension économique de l’intégration. Le candidat doit faire preuve d’autonomie. Cela se traduit par une insertion professionnelle stable sur cinq années, un seuil désormais systématiquement exigé. Les dossiers où la stabilité professionnelle fait défaut risquent de rencontrer plus de réticences de la part des préfets.
Autre changement notable : les ressources du demandeur doivent être « suffisantes et stables », et ce, hors prestations sociales. Cette condition exclut donc certains types de revenus, ce qui pourrait impacter de nombreux demandeurs vivant de revenus complémentaires issus d’aides publiques. Ces nouvelles orientations témoignent d’un souci de privilégier les parcours perçus comme exemplaires en matière de contribution à la société.
Des chiffres en hausse malgré une ligne plus dure
Paradoxalement, malgré ce durcissement de ton, les chiffres de la naturalisation sont repartis à la hausse. En 2024, 66 745 personnes ont obtenu la nationalité française, par décret ou déclaration, contre 61 647 l’année précédente. Cela représente une augmentation de 8,3 %. Cette progression s’explique en grande partie par un rattrapage lié à des blocages techniques survenus en 2023, selon la Direction générale des étrangers en France.
Cette dynamique quantitative contraste avec l’approche qualitative prônée par la circulaire. Elle pourrait illustrer un décalage temporaire entre les objectifs politiques et les réalités administratives. Le ministère de l’Intérieur a demandé aux préfets un premier bilan d’application dans trois mois, pour évaluer l’impact réel de la circulaire sur le traitement des dossiers.
Un message politique sans changement législatif
L’un des points-clés du texte est sa portée symbolique : sans modifier la loi, il rappelle fermement la souveraineté de l’État en matière d’attribution de la nationalité. C’est un signal politique, dans un contexte où la maîtrise des flux migratoires et l’intégration sont au cœur du débat public. Pour Bruno Retailleau, également candidat à la présidence des Républicains, cette circulaire s’inscrit dans une ligne plus ferme sur l’immigration, sans pour autant introduire de nouvelles dispositions légales.
En toile de fond, cette approche soulève aussi des interrogations sur les marges de manœuvre des préfets, qui devront composer entre directives plus strictes et cas individuels parfois complexes. La naturalisation reste un levier sensible de la politique migratoire : à la fois vecteur d’intégration et outil de sélection, elle cristallise les tensions entre inclusion républicaine et filtrage administratif.
L’avenir dira si cette circulaire modifie en profondeur les profils des nouveaux citoyens, ou si elle se heurte, comme souvent, à la réalité des parcours de vie. Pour l’heure, les services préfectoraux sont en ordre de marche. La ligne est tracée, reste à voir comment elle sera suivie.