Prévue pour janvier 2025, l’allocation touristique à 750 euros attend toujours son entrée en vigueur. Censée alléger le recours au marché parallèle des devises, cette mesure piétine. Le principal frein ? Un décalage entre décisions présidentielles et mise en œuvre sur le terrain.
L’allocation touristique algérienne a longtemps été source de frustration pour les voyageurs. Fixée à l’équivalent de 100 euros au taux officiel, elle ne permettait pas de faire face aux coûts d’un séjour à l’étranger. Lorsque le président Abdelmadjid Tebboune a décidé, en décembre 2024, de relever ce montant à 750 euros (300 euros pour les mineurs), beaucoup y ont vu une réponse concrète aux attentes citoyennes et une volonté de freiner le marché informel du change.
Pourtant, plus de cinq mois plus tard, les voyageurs algériens attendent toujours. La décision est là, l’intention politique aussi, mais rien ne bouge du côté de l’application. Ce retard n’est pas anodin. Il met en lumière un problème structurel qui dépasse le seul cadre de cette allocation.
La lenteur administrative, frein principal de l’allocation touristique à 750 euros
Selon Hamza Boughadi, directeur de la Société d’études économiques et développement des investissements (SEEDI), le blocage ne vient pas du sommet de l’État. Invité à la radio nationale le 20 mai, il a affirmé que « le président a assuré toutes les conditions nécessaires aux responsables pour accomplir leurs missions, dont la protection juridique et administrative ». Il pointe du doigt une mise en œuvre qui tarde du côté des institutions exécutives et administratives, notamment la Banque d’Algérie.
Ce retard interroge. En effet, l’allocation touristique à 750 euros figure dans la loi de finances 2025, a fait l’objet d’une réunion de travail début février et devrait, en théorie, déjà bénéficier aux citoyens. Or, aucune instruction claire, aucun mécanisme de distribution ni procédure opérationnelle n’a encore été rendu public. Pour Boughadi, cela traduit un problème de rythme et de coordination dans l’administration.

Le rôle discret mais clé de la Banque d’Algérie
Un élément central dans ce dossier reste la Banque d’Algérie. Si l’institution a amorcé certaines démarches, notamment l’ouverture de bureaux de change dans plusieurs ports et aéroports, elle n’a toujours pas défini les modalités d’accès à l’allocation touristique révisée. Les voyageurs n’ont donc aucun cadre clair pour faire leur demande. Ce flou administratif nourrit une attente grandissante et renforce la dépendance au marché parallèle du change.
La Banque d’Algérie n’a pas communiqué de date précise ni de procédure. Cette absence de transparence aggrave la situation, d’autant plus que les besoins des voyageurs algériens en devises sont constants, surtout à l’approche de la saison estivale et des vacances scolaires
Un enjeu plus large de régularisation économique
Cette allocation touristique de 750 euros ne se limite pas à un simple geste envers les voyageurs. Elle fait partie d’une stratégie plus globale visant à structurer le marché des devises et à intégrer certaines pratiques informelles dans l’économie formelle. En parallèle, le président Tebboune a aussi évoqué la régularisation du commerce parallèle, notamment des commerçants dits « cabas » ou trabendistes, en les intégrant dans un cadre légal via le statut d’autoentrepreneur.
L’idée est d’encourager une transition vers des circuits officiels, avec à la clé des avantages fiscaux et juridiques. Dans cette logique, une allocation touristique revalorisée et opérationnelle constituerait une première étape vers une meilleure maîtrise des flux de devises. Son retard met donc en suspens une série d’initiatives économiques plus larges.
La promesse de réforme existe bien, mais son exécution reste laborieuse. Ce décalage entre le discours politique et l’action concrète devient un indicateur du fonctionnement des institutions. Hamza Boughadi n’émet aucune critique sur la vision du président ; il insiste plutôt sur la nécessité pour l’appareil administratif de suivre le rythme.
Le silence des institutions et l’attente des citoyens
Aujourd’hui, les voyageurs algériens restent dans l’expectative. À défaut de directives officielles, certains continuent de se tourner vers le marché noir pour se procurer des devises. Une pratique pourtant risquée, que l’augmentation de l’allocation devait justement contribuer à limiter. Le silence des autorités sur l’état d’avancement du dossier ne fait qu’amplifier la frustration.
Le dossier reste inscrit dans le budget, les textes sont adoptés, mais les guichets restent vides. Le problème ne relève plus du politique, mais bien de l’exécutif opérationnel. Et c’est sur ce point précis que se joue désormais la crédibilité de la réforme.
Le temps presse. Sans signal clair, la mesure phare risque de s’effacer derrière les lenteurs qui l’entourent.