La loi est passée. Depuis le 9 juillet 2025, les centres de rétention des sans-papiers en France peuvent accueillir des personnes étrangères jusqu’à 210 jours, soit plus de sept mois, dans certains cas.
Il s’agit d’une mesure ciblant les individus en situation irrégulière considérés comme menaçant l’ordre public. Une prolongation notable du délai maximal, qui était jusqu’ici de 90 jours, sauf exception pour les affaires liées au terrorisme.
Cette évolution législative s’inscrit dans un contexte de fermeté renforcée sur la question migratoire. Elle soulève autant de réactions politiques que de questions concrètes sur le fonctionnement des expulsions, la gestion des centres de rétention et les droits des personnes concernées.
Une réforme impulsée par Bruno Retailleau
Le texte a été porté politiquement par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui en avait fait un cheval de bataille depuis le drame survenu à Paris en 2024, le meurtre d’une étudiante philippine par un ressortissant étranger visé par une OQTF (obligation de quitter le territoire français) et libéré après 90 jours de rétention faute de documents consulaires pour son éloignement.
Selon Bruno Retailleau, cette mesure est une réponse directe à une faille du système, « À quelques jours près, l’administration obtenait le laissez-passer ». L’idée est donc de permettre aux autorités d’aller au bout de la procédure d’expulsion, même lorsque les délais de coopération avec les pays d’origine sont longs.
Désormais, la durée maximale de rétention peut atteindre 210 jours dans des cas bien précis. Il ne s’agit pas d’une extension automatique pour tous les retenus, mais d’un cadre ciblé. La prolongation s’appliquera aux étrangers sous le coup :
- D’une condamnation pour crimes ou délits graves (meurtre, viol, trafic de stupéfiants, vol avec violence, etc.)
- D’une ITF (interdiction du territoire français)
- D’une mesure d’expulsion ou d’une interdiction administrative
- Ou encore, lorsqu’ils représentent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public.
Autrement dit, cette réforme cible des profils bien définis, selon le gouvernement. Elle aligne aussi ces cas sur les durées déjà prévues pour les personnes condamnées pour terrorisme, pour lesquelles la rétention pouvait déjà dépasser les 90 jours.
Comment se passe la rétention des sans-papiers en France ?
Les centres de rétention administrative (CRA) sont des structures fermées où les étrangers peuvent être retenus pendant que leur expulsion est organisée. Ce n’est ni une prison ni un centre ouvert, les retenus y sont privés de liberté, sans être pour autant sous le régime pénal.
En France, environ 2 000 places sont disponibles dans les CRA. On en trouve notamment à Vincennes, Marseille, Lyon, Bordeaux ou encore à Mayotte. Les personnes y sont maintenues après une décision administrative, sous contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD).
Avant cette loi, la durée légale maximale était de 90 jours. En pratique, la moyenne se situait autour de 30 jours, et moins de 4 retenus sur 10 étaient effectivement expulsés à l’issue du délai.
Que change l’allongement à 210 jours ?
La réforme ne garantit pas plus d’expulsions. Mais elle donne plus de temps à l’administration pour finaliser les procédures, en particulier l’obtention du laissez-passer consulaire, document souvent indispensable pour organiser un retour vers un pays d’origine.
Le ministre de l’Intérieur insiste sur le fait que le droit européen permet cette durée, la directive européenne sur le retour prévoit une rétention pouvant aller jusqu’à 18 mois, soit 540 jours. En fixant le plafond à 210 jours, la France reste en deçà de cette limite.
Autre nouveauté importante, désormais, l’appel de l’administration contre une décision de remise en liberté a un effet suspensif. Cela signifie que l’étranger reste en rétention tant que l’appel est en cours, ce qui renforce le levier juridique côté préfecture.