La polémique enfle autour des tarifs pratiqués par Royal Air Maroc, accusée par un député de surfacturation injustifiée sur des lignes intérieures et internationales. Des voix s’élèvent pour réclamer des explications et des mesures.
C’est une grogne récurrente, mais qui semble prendre cette fois une tournure politique plus marquée. Les prix des billets de Royal Air Maroc (RAM) jugés excessifs , tant sur les vols domestiques qu’internationaux, sont de nouveau sur la sellette. Cette fois, c’est le député Rachid Hammouni, président du groupe du Parti du progrès et du socialisme (PPS) à la Chambre des représentants, qui dénonce une tarification « injustifiée », parfois deux à trois fois plus élevée que celle pratiquée par des compagnies concurrentes sur les mêmes lignes, aux mêmes dates. Une situation d’autant plus préoccupante que la compagnie nationale bénéficie d’un soutien public massif, censé justement garantir l’accessibilité du transport aérien à tous.
Royal Air Maroc, une surfacturation difficile à justifier
Dans une question écrite adressée au ministre du Transport et de la Logistique, Rashid Hammouni n’y va pas par quatre chemins. Il s’étonne du niveau « anormalement élevé » des tarifs pratiqués par Royal Air Maroc, que ce soit sur les liaisons intérieures comme Casablanca-Oujda ou internationales, notamment vers l’Europe. Il souligne une incohérence flagrante, sur des vols identiques en date et en parcours, RAM afficherait parfois des tarifs deux à trois fois supérieurs à ceux de compagnies concurrentes, y compris à bas coût.
Une pratique qui, selon lui, contredit les engagements de la stratégie nationale de soutien au transport aérien, et va à l’encontre de l’objectif de démocratisation du ciel marocain, notamment pour les Marocains résidant à l’étranger. Hammouni insiste, « Une compagnie nationale, financée en partie par l’argent public, se doit d’être au service de l’intérêt général, pas de se comporter comme un acteur privé déconnecté des réalités sociales. »
Une aide publique, mais pour quel service ?
Royal Air Maroc bénéficie depuis plusieurs années d’un contrat-programme avec l’État, impliquant un soutien financier direct censé moderniser sa flotte, renforcer ses dessertes, et améliorer sa compétitivité. Pour le député, cette aide devrait se traduire par des prix accessibles, surtout pour les citoyens marocains qui n’ont parfois que cette option pour voyager entre les régions ou revenir au pays pendant les vacances.
Mais dans les faits, nombreux sont les usagers, notamment les MRE (Marocains résidant à l’étranger), qui dénoncent une hausse constante des prix, notamment durant les périodes de pointe comme l’été ou les fêtes religieuses. À ces périodes, les billets peuvent atteindre des montants jugés « déraisonnables », malgré la promesse d’une politique tarifaire juste.
Le député Hammouni interroge donc directement le ministère, quelles mesures seront prises pour garantir des tarifs « justes et raisonnables » ? Et surtout, comment s’assurer que l’aide publique n’aboutisse pas à un système où les profits sont privés, mais les pertes ou défaillances socialisées ?

Des usagers exaspérés, « On a l’impression d’être pris au piège »
Au-delà de l’intervention politique, le débat est déjà bien installé dans l’opinion publique. Sur les réseaux sociaux, les témoignages de passagers mécontents s’accumulent. Beaucoup parlent de prix « exorbitants », sans amélioration notable du service. Des retards fréquents, un service à bord jugé inégal, et des pratiques tarifaires peu transparentes sont les principales critiques formulées.
Fatima, une mère de famille résidant à Toulouse, explique avoir payé près de 700 euros pour un vol aller simple vers Casablanca pour elle et ses deux enfants, « J’ai comparé avec Air Arabia et Ryanair, c’était moitié prix. Mais RAM est souvent la seule compagnie à offrir certains créneaux. On a l’impression d’être pris au piège. » Le sentiment est partagé par de nombreux Marocains de la diaspora, qui espéraient un traitement plus équitable de la part de leur compagnie nationale.
Des comparaisons défavorables avec les low-cost
Les partisans d’un changement de politique tarifaire rappellent que dans plusieurs pays, les compagnies nationales offrent des tarifs réduits ou encadrés, notamment sur les trajets intérieurs. des compagnies proposant, par exemple, des tarifs fixes pour les étudiants et les familles à faible revenu. Au Maroc, aucune politique de ce type n’a été formalisée pour Royal Air Maroc.
De plus, le marché marocain est de plus en plus concurrencé par les compagnies à bas coût, qui offrent non seulement des prix plus attractifs, mais aussi des services digitaux modernes, une clarté dans la tarification, et souvent une ponctualité supérieure.
Le ministre interpellé, vers une réforme du modèle économique ?
L’intervention du député Hammouni met en lumière une tension de fond dans le positionnement de Royal Air Maroc, peut-elle continuer à fonctionner comme une entreprise commerciale classique tout en bénéficiant d’un financement public ? Le ministre du Transport et de la Logistique est désormais invité à répondre à cette question. Selon plusieurs sources internes, une révision du contrat-programme liant la RAM à l’État serait à l’étude, afin d’introduire des obligations de service public plus contraignantes.
L’objectif serait de mieux encadrer les hausses tarifaires, surtout pendant les périodes de forte demande, et d’imposer plus de transparence dans la fixation des prix. Il reste à savoir si ces propositions seront réellement mises en œuvre, et dans quel délai.
Ce débat dépasse la simple question du prix des billets d’avion. Il soulève en réalité une interrogation plus large sur le rôle d’une compagnie nationale dans un pays comme le Maroc, doit-elle maximiser ses profits comme n’importe quelle société privée, ou servir les intérêts des citoyens, y compris les plus modestes ? Dans un contexte où le pouvoir d’achat recule et où les attentes en matière de service public sont plus fortes que jamais, Royal Air Maroc se trouve à un tournant. Une réponse claire du gouvernement est attendue. En attendant, les passagers continuent de payer le prix fort, souvent sans autre alternative.