Un étranger sous obligation de quitter le territoire français peut-il tout de même demander un titre de séjour en France ? Une récente décision de justice apporte des éclaircissements concrets sur ce point souvent mal compris du droit des étrangers.
Pour beaucoup de personnes en situation irrégulière, l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) sonne comme une fin de parcours. Cette mesure administrative signifie que l’État exige le départ de l’étranger sous un délai déterminé. Pourtant, la réalité juridique est plus complexe qu’elle n’en a l’air, et les voies légales restent parfois ouvertes malgré cette obligation.
C’est justement ce que montre l’affaire d’un ressortissant algérien, arrivé en France en 2018, qui a su faire valoir ses droits devant un tribunal administratif malgré une OQTF à son encontre. Ce cas concret soulève une question essentielle : peut-on, en étant sous le coup d’une OQTF, engager une démarche pour demander un titre de séjour en France ? La réponse n’est pas toujours là où on l’attend.
Demander un titre de séjour en France après une OQTF est juridiquement possible
À première vue, une OQTF semble verrouiller toutes les options. Pourtant, selon les articles R. 431-10 et R. 431-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), l’administration n’a pas le droit de refuser l’enregistrement d’une demande de titre de séjour pour le seul motif qu’une OQTF a été prononcée.
Dans le cas du ressortissant algérien, sa demande d’admission exceptionnelle au séjour déposée en octobre 2023 auprès de la préfecture du Val-d’Oise avait été rejetée au motif qu’il n’avait pas quitté le territoire. Ce refus s’est pourtant révélé infondé. Le tribunal administratif a confirmé qu’aucune disposition légale n’exige l’exécution préalable d’une OQTF avant d’examiner une demande de séjour. Ce jugement remet en question une pratique préfectorale courante qui consiste à ne pas traiter les dossiers dans de telles situations.
Le tribunal a donc ordonné à la préfecture d’enregistrer la demande, même si cela ne garantit pas encore l’obtention d’un titre de séjour ni même d’une autorisation provisoire. Ce qui est en jeu ici, c’est le droit à une procédure équitable, peu importe le parcours administratif antérieur de l’étranger.

Les conditions encadrant les demandes de séjour restent strictes
Même si la loi permet à un étranger sous OQTF de formuler une nouvelle demande, cela ne signifie pas que toutes les demandes seront acceptées. Le dossier présenté doit être complet, non abusif et non dilatoire. En clair, un étranger ne peut pas multiplier les demandes pour faire traîner son expulsion, ni ignorer les règles de fond du séjour en France.
Dans cette affaire, l’homme concerné avait déposé une demande en bonne et due forme, sans manquement sur les pièces exigées. Il ne s’agissait pas d’un recours de convenance, mais d’une démarche encadrée par le droit. C’est précisément pour cette raison que le tribunal a estimé que la préfecture devait l’examiner. Le jugement rappelle aussi que le refus d’instruire une demande complète constitue une décision qui peut être annulée pour excès de pouvoir, ce qui ouvre la voie à une action en justice.
Cette décision crée un précédent qui pourrait inspirer d’autres ressortissants dans des situations similaires. Elle montre que les recours juridiques peuvent fonctionner, même dans des dossiers où l’on pense que tout est joué d’avance.
Ce que cette affaire change dans la lecture des pratiques préfectorales
Ce cas pose également la question du rôle des préfectures et de leur interprétation parfois restrictive du CESEDA. En refusant d’enregistrer une demande sur la base d’une OQTF non exécutée, la préfecture du Val-d’Oise a outrepassé ses prérogatives. L’intervention de l’avocat, Me Fayçal Megherbi, a été déterminante pour faire reconnaître cette erreur de droit.
Ce n’est pas la première fois que des juridictions rappellent les limites de l’autorité préfectorale en matière d’immigration. Mais cette décision précise vient rappeler que les droits des étrangers ne disparaissent pas automatiquement avec une OQTF, et qu’un contrôle juridictionnel reste possible et efficace.
Au-delà du cadre juridique, ce dossier éclaire également la tension parfois palpable entre certaines pratiques administratives et les principes fondamentaux du droit des étrangers. Le respect des procédures légales, y compris pour les personnes en situation irrégulière, reste une exigence à laquelle l’administration ne peut se soustraire.
Le 20 mai dernier, le tribunal administratif a tranché : la préfecture doit instruire la demande du ressortissant algérien, malgré l’OQTF. Ce jugement marque une inflexion nette dans la façon dont les préfectures doivent traiter ce type de dossier. Pour de nombreux étrangers en France, il représente un espoir discret mais concret : celui que la loi, quand elle est bien appliquée, ne laisse personne sans recours.