Le lancement de l’allocation touristique à 750 euros suscite interrogations et réserves au sein de l’Assemblée. Alors que la mesure était attendue après l’Aïd, les parlementaires s’inquiètent de son application, de son impact sur l’économie parallèle et de sa cohérence avec les réformes budgétaires en cours.
L’attribution de l’allocation touristique, annoncée par le gouvernement comme un levier pour soulager les ménages algériens en quête de voyages à l’étranger, ne fait pas l’unanimité dans l’Hémicycle. Loin de n’être qu’un simple avantage pour les citoyens, cette mesure s’est rapidement transformée en point de friction dans les débats liés à la loi de règlement budgétaire de l’année 2022.
Sur fond de questionnements relatifs à la valeur du dinar et à la dynamique de l’économie informelle, plusieurs députés estiment que cette nouvelle allocation pourrait s’avérer inefficace, voire contre-productive, si elle n’est pas encadrée par une réforme globale de la politique monétaire et fiscale.
L’allocation touristique à 750 euros entre attentes populaires et réserves politiques
Au départ, l’allocation touristique à 750 euros a été accueillie favorablement par une partie de l’opinion publique. Promesse formulée par l’exécutif à l’issue du mois de Ramadan, cette enveloppe devait permettre aux citoyens d’effectuer des voyages à l’étranger en accédant à un quota officiel de devises, sans passer par le marché noir.
Mais dans l’hémicycle, plusieurs députés ont exprimé des doutes sur les conditions de mise en œuvre de cette mesure. Certains se demandent si elle ne risque pas d’alimenter indirectement le marché parallèle des devises. D’autant plus que la Banque d’Algérie peine toujours à contrôler efficacement les flux de capitaux sortants, notamment dans un contexte où le dinar continue de perdre de sa valeur sur les places officielles et informelles.
Au-delà de l’impact immédiat sur les ménages, les parlementaires interrogent aussi la pertinence de cette allocation en lien avec les grands équilibres économiques. Alors que les recettes fiscales directes sont en baisse, et que le pays tente de contenir les dépenses publiques, une telle dépense, même ciblée, doit s’inscrire dans une vision cohérente de la redistribution.
Réformes économiques fiscalité informelle et allocation de devises
L’un des éléments clés du débat tourne autour de la rationalisation des subventions et de la lutte contre l’économie informelle. Des députés, en particulier ceux du Mouvement de la société pour la paix, ont rappelé que l’État doit d’abord réformer le système de soutien social pour cibler les véritables ayants droit, avant de multiplier les mesures ponctuelles comme l’allocation touristique.
Dans cette optique, la question de la numérisation des secteurs fiscaux et douaniers a été relancée. Une meilleure traçabilité des flux financiers permettrait de mieux contrôler l’utilisation des fonds publics, y compris ceux liés à l’allocation en devises. Des voix se sont également élevées pour critiquer la lenteur de la mise en œuvre du principe de “l’année budgétaire N-1”, pourtant prévu par la législation financière actuelle.
Certains députés ont même lié cette allocation aux efforts pour absorber la masse monétaire informelle, notamment en évoquant à nouveau l’idée controversée d’un changement de la monnaie nationale. Cette proposition viserait à rapatrier les fonds “cachés” dans les circuits non bancarisés vers les canaux officiels.
Dinar affaibli et impact sur le pouvoir d’achat
La baisse continue de la valeur du dinar demeure un sujet de préoccupation majeur. Pour certains élus, une allocation touristique, aussi généreuse soit-elle, ne saurait compenser la perte de pouvoir d’achat généralisée. La parité entre le dinar et les principales devises est perçue comme un facteur aggravant les inégalités entre ceux qui peuvent accéder aux allocations officielles et ceux qui restent dépendants du marché parallèle.
À cela s’ajoute une autre problématique soulevée lors des discussions : la circulation des billets de banque de même valeur faciale, comme les coupures de 500 et 1000 dinars, qui faciliteraient certaines pratiques spéculatives. En toile de fond, une remise en cause de l’efficacité actuelle des politiques monétaires dans un contexte marqué par la fragilité des équilibres macroéconomiques.

Enjeux budgétaires et allocation touristique dans un cadre de dépenses maîtrisées
Le débat parlementaire sur l’allocation touristique à 750 euros a également servi de tremplin pour évoquer la maîtrise des dépenses publiques. Alors que les finances de l’État sont soumises à de fortes pressions, plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de fixer un plafond clair pour l’endettement public et les engagements budgétaires, en cohérence avec les recettes réelles.
Certains ont même évoqué la nécessité de revoir les politiques d’exonérations fiscales, jugées parfois inefficaces, et de renforcer la gouvernance financière à travers des outils de contrôle plus stricts. Dans ce sens, l’allocation touristique ne doit pas devenir une variable d’ajustement ou une mesure populiste, mais s’intégrer dans une architecture économique mieux structurée.
Le sujet de l’allocation touristique n’a donc pas fini de faire débat. Entre les promesses de l’exécutif et les alertes des parlementaires, la question reste en suspens : cette mesure apportera-t-elle un soulagement réel aux citoyens ou risque-t-elle d’exacerber les déséquilibres économiques déjà fragiles ? Le flou persiste, et les Algériens attendent encore des réponses claires.