Malgré la mise en place d’un cadre réglementaire depuis 2023, le ministre des Finances Abdelkrim Bouzred a annoncé qu’aucune demande d’ouverture de bureaux de change en Algérie n’a été enregistrée. Un constat amer qui confirme le blocage persistant du projet.
La promesse d’ouvrir des bureaux de change en Algérie semble, une fois de plus, repousser ses chances de voir le jour. Alors que la Banque d’Algérie a instauré un cadre juridique depuis novembre 2023, aucun opérateur ne s’est manifesté pour obtenir une licence. C’est ce qu’a confirmé le ministre des Finances Abdelkrim Bouzred lors d’une séance au Conseil de la nation ce 19 juin 2025. Pourquoi ce désintérêt massif pour une réforme pourtant attendue par les voyageurs et les opérateurs économiques ? Retour sur une situation figée qui continue de profiter au marché parallèle.
Bureaux de change en Algérie, la demande n’existe pas
Abdelkrim Bouzred a été clair, aucune demande d’ouverture n’a été déposée auprès de la Banque d’Algérie. Pourtant, toutes les conditions réglementaires sont censées être réunies depuis près de deux ans.
« Les pouvoirs publics ont fait leur part, mais les investisseurs ne se positionnent pas », a déclaré le ministre. La question reste entière, pourquoi personne ne veut ouvrir un bureau de change dans un pays où la demande en devises est pourtant considérable ?
Pourquoi ce projet ne décolle toujours pas ?
Les raisons de ce blocage sont multiples, mais elles ne surprennent plus les spécialistes du secteur. Au cœur du problème se trouve le décalage flagrant entre le taux de change officiel et celui pratiqué dans le marché parallèle. Actuellement, un euro s’échange à 150 dinars dans les banques, alors qu’il avoisine les 260 dinars au Square Port Saïd à Alger. Cette différence abyssale rend les bureaux de change légaux peu attractifs pour les détenteurs de devises, qui préfèrent naturellement maximiser leurs gains via le marché noir. Les opérateurs économiques, eux, boudent le secteur en raison d’une rentabilité quasi inexistante dans ces conditions.
Ouvrir un bureau officiel reviendrait à travailler à perte face à la concurrence sauvage et bien installée des circuits informels. À cela s’ajoute un autre frein majeur, le manque de confiance des investisseurs, qui redoutent d’éventuelles contraintes fiscales, des contrôles lourds ou des blocages administratifs une fois l’activité lancée. Le marché informel des devises est devenu un véritable pilier de l’économie parallèle algérienne, si profondément enraciné qu’il continue d’absorber l’essentiel des flux financiers hors du cadre officiel. Pendant ce temps, les voyageurs algériens et la diaspora continuent d’être pris en étau, ils se retrouvent contraints de passer par ces circuits non officiels pour se procurer des devises à des taux acceptables, faute de solutions viables proposées par l’État.
Les voyageurs toujours piégés par le marché noir
En l’absence de bureaux officiels, les Algériens continuent de dépendre du Square Port Saïd et d’autres places connues pour acheter ou vendre des devises. Cette situation pénalise :
- Les étudiants algériens à l’étranger, obligés d’acheter des devises à des prix élevés.
- Les touristes, qui doivent souvent se tourner vers des circuits informels pour financer leurs voyages.
- Les MRE (Marocains Résidant à l’Étranger) dont les transferts sont dévalués au taux officiel s’ils passent par des banques locales.
Peut-on encore espérer une ouverture prochaine ?
Le ministre n’a pas fermé la porte, mais ses déclarations laissent peu d’espoir pour un lancement rapide. « Pourquoi ? Il y a beaucoup à dire sur cette question », a-t-il simplement glissé. Une phrase qui en dit long sur les réticences persistantes et peut-être même sur le manque de volonté politique d’affronter une réalité : la libéralisation du marché des changes reste taboue en Algérie.
En l’absence d’alternative officielle, le marché noir continuera d’attirer les devises. L’État, lui, continue de perdre le contrôle sur une partie essentielle des flux financiers du pays. Résultat, les Algériens paient leurs devises plus chères, et les acteurs économiques se retrouvent freinés dans leurs transactions internationales.
Deux ans après la mise en place du cadre réglementaire, les bureaux de change en Algérie restent une promesse vide. Les écarts de taux, les craintes administratives et la solidité du marché noir dissuadent les investisseurs. À ce rythme, les Algériens pourraient encore longtemps changer leurs euros dans les ruelles d’Alger plutôt qu’au comptoir d’un bureau officiel.