Longtemps dominé par Algérie Ferries et Corsica Linea, le marché maritime algérien s’ouvre enfin à de nouveaux acteurs. Plusieurs compagnies privées et publiques s’apprêtent à intégrer ce secteur stratégique, promettant une refonte des prix, des services et une meilleure réponse à la forte demande des voyageurs.
C’est une petite révolution en marche sur les quais algériens. Après des années d’un paysage dominé par deux géants du transport maritime, l’État lance un virage stratégique : la fin du duopole entre Algérie Ferries et de Corsica Linea. Cette ouverture annoncée par le ministre des Transports, Saïd Sayoud, devrait bouleverser les habitudes de milliers d’usagers, notamment ceux issus de la diaspora algérienne, qui empruntent régulièrement la voie maritime pour rentrer au pays.
La volonté d’attirer des investisseurs privés ne date pas d’hier, mais c’est seulement récemment que le contexte est devenu favorable. Désormais, plusieurs compagnies, dont certaines en cours d’agrément, se tiennent prêtes à débarquer sur un marché longtemps verrouillé. Une dynamique qui ne doit rien au hasard, la demande reste largement supérieure à l’offre, surtout en haute saison.
Algérie Ferries et Corsica Linea challengées par une concurrence montante
Depuis des années, les voyageurs algériens n’avaient d’autre choix que de naviguer avec Algérie Ferries et Corsica Linea. Si ces compagnies restent prisées, leur domination commence à s’effriter. En cause, l’entrée progressive d’acteurs comme GNV, Balearia, Nouris El Bahr ou encore Trasmediterranea. Ces noms, déjà familiers pour ceux qui voyagent depuis l’Espagne ou la France, renforcent leurs offres, poussés par un afflux croissant de passagers et des marges commerciales attractives.
Le ministre n’a pas encore dévoilé la liste des nouvelles compagnies attendues, mais les signaux sont clairs, l’Algérie veut diversifier les opérateurs. Certaines entreprises locales comme Aurès Maritime ou Andalouza (projet porté par le groupe public Madar) ambitionnent de concurrencer sérieusement les acteurs en place. À cela s’ajoute une promesse d’agréments pour d’autres opérateurs, nationaux ou étrangers, dans les prochaines semaines.

Des traversées repensées pour la diaspora algérienne
La communauté algérienne à l’étranger reste le moteur principal de cette transformation. Elle représente la majorité des clients sur les lignes maritimes, notamment durant la période estivale. Avec un fort besoin de mobilité, souvent avec véhicules et bagages volumineux, le bateau demeure l’alternative préférée au transport aérien pour de nombreuses familles.
Jusqu’à récemment, le manque de choix et la cherté des billets étaient des obstacles majeurs. Mais l’évolution du marché commence à inverser la tendance. GNV a dynamisé le segment des liaisons France-Algérie, forçant Corsica Linea à ajuster ses offres. Balearia, de son côté, monte en puissance sur la route algéro-espagnole. Même Algérie Ferries, souvent critiquée pour la rigidité de ses tarifs, a opéré des baisses notables cette année, conformément aux directives du président Tebboune.
Cap sur la modernisation et la remise à flot
Dans un contexte de pression concurrentielle accrue, Algérie Ferries se retrouve contrainte de moderniser ses services. L’état de sa flotte, mis en lumière par les retards et les pannes, commence à freiner ses performances. Le retour annoncé du navire Tarik Ibn Ziyad au mois d’août est vu comme un signal fort, bien que temporaire. Cette remise en service devrait offrir une bouffée d’oxygène à la compagnie, confrontée à des indisponibilités techniques, comme celles de l’El Venizelos, immobilisé entre Marseille et Alicante.
Mais la remise à flot passera aussi par une reconfiguration plus profonde de l’offre : fréquence des traversées, qualité des prestations, conditions d’accueil à bord. La programmation estivale d’Algérie Ferries prévoit 320 traversées, un chiffre conséquent, mais qui devra s’adapter aux nouvelles règles du jeu. L’arrivée de nouveaux concurrents impose désormais une logique de service, de ponctualité et d’expérience client.
C’est donc une nouvelle ère qui s’ouvre sur les ports algériens. L’ouverture du marché maritime ne signe pas seulement la fin d’un monopole, mais le début d’un bras de fer économique. La mer Méditerranée, longtemps parcourue par deux pavillons dominants, pourrait bien voir émerger un nouveau paysage, plus concurrentiel, plus accessible, mais aussi plus exigeant pour tous les acteurs en place.