L’euro numérique franchit une étape décisive. Dès début 2026, les établissements financiers de la zone euro pourront échanger via cette nouvelle monnaie numérique, conçue pour sécuriser et moderniser les transactions interbancaires. La Banque centrale européenne et la Banque de France accélèrent les préparatifs.
L’idée d’un euro numérique prend forme plus vite que prévu. Mardi, lors du Paris Finance Forum, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a levé le voile sur le calendrier, les premiers échanges en euro numérique entre établissements financiers sont attendus dès début 2026. Longtemps perçue comme une perspective lointaine, la monnaie numérique de banque centrale s’impose aujourd’hui comme une réponse stratégique face à la montée en puissance des cryptoactifs et des monnaies numériques privées, souvent adossées au dollar américain. Derrière cette avancée technologique, se cache un enjeu majeur, préserver la souveraineté monétaire européenne dans un système financier en pleine mutation.
Un euro numérique interbancaire opérationnel dès 2026
Selon François Villeroy de Galhau, les banques centrales de la zone euro travaillent activement pour proposer une première solution numérique aux banques et aux marchés financiers. Il ne s’agit pas encore de l’euro numérique accessible aux particuliers, mais d’un dispositif réservé, dans un premier temps, aux échanges interbancaires.
L’euro numérique dans sa version initiale prendra la forme de « réserves bancaires tokénisées », adossées directement à la Banque centrale européenne (BCE). Cette approche permettra de créer des actifs numériques de règlement, sécurisés et immédiatement disponibles, facilitant les transactions entre établissements financiers.
Cette nouvelle monnaie, qui repose sur la technologie blockchain, vise à simplifier et accélérer les échanges entre banques, tout en renforçant la sécurité des règlements. La tokénisation, qui consiste à transformer des actifs traditionnels en jetons numériques, permettra notamment de fluidifier les marchés et d’optimiser les coûts de transaction.
Un chantier stratégique face aux monnaies numériques privées
Le lancement de l’euro numérique interbancaire répond aussi à une inquiétude grandissante des institutions européennes, celle de voir le système financier mondial s’américaniser davantage. Aujourd’hui, 99 % des stablecoins en circulation sont adossés au dollar. Cette hégémonie des actifs numériques liés à la devise américaine menace, selon François Villeroy de Galhau, la souveraineté monétaire de l’Europe.
En mettant en place un euro numérique public, la Banque centrale européenne veut offrir une alternative crédible aux stablecoins privés et limiter les risques de dépendance à des monnaies étrangères dans les échanges numériques. Aux États-Unis, des mesures politiques favorisent depuis plusieurs années la croissance des monnaies numériques privées, ce qui a contribué à accélérer leur adoption sur les marchés.
Pour l’Europe, l’euro numérique devient donc une réponse stratégique, mais aussi une urgence. La BCE et plusieurs banques centrales nationales mènent déjà des tests grandeur nature pour préparer ce basculement. Ces expérimentations confirment que la technologie blockchain appliquée aux règlements financiers offre des perspectives solides et durables.
Euro numérique pour les citoyens, une seconde étape avant 2030
Si les banques et les marchés financiers auront accès à l’euro numérique dès début 2026, les citoyens européens devront patienter encore quelques années. Le projet d’un euro numérique accessible au grand public est en cours, mais son déploiement dépend de plusieurs conditions, notamment l’adoption d’un cadre législatif européen.
Les autorités espèrent voir ce nouveau cadre juridique adopté d’ici début 2026. Ensuite, il faudra prévoir une phase de développement technique et de mise en place, estimée entre deux et trois ans supplémentaires. Autrement dit, un euro numérique accessible aux particuliers pourrait voir le jour avant la fin de la décennie.
Cet euro numérique grand public offrirait la possibilité d’effectuer des paiements sécurisés via des applications mobiles, sans passer par les réseaux internationaux comme Visa ou Mastercard. Une manière de renforcer l’autonomie financière de l’Europe et de sécuriser les paiements sans intermédiaires privés.
Un projet européen qui pose encore des questions
Si l’annonce de cette échéance pour l’euro numérique marque une étape importante, de nombreuses questions restent ouvertes. Comment sera structuré ce nouvel euro numérique ? Quelle sera la place des banques commerciales face à cette évolution ? Quel impact pour la vie quotidienne des citoyens et des entreprises ?
Les experts soulignent que l’adoption par le grand public ne sera pas automatique. L’enjeu sera de rendre l’euro numérique simple d’utilisation, accessible via des smartphones et compatible avec les habitudes de paiement actuelles. Les autorités devront également rassurer les citoyens sur la sécurité des données et la protection de la vie privée.
De plus, la réussite de l’euro numérique dépendra de la rapidité avec laquelle l’Europe harmonisera les règles législatives et offrira un cadre clair aux utilisateurs. Si le projet prend trop de retard ou reste limité aux seuls établissements financiers, le risque de marginalisation face au dollar numérique et aux crypto-monnaies privées pourrait s’aggraver.
L’euro numérique n’est plus une hypothèse lointaine. C’est désormais un chantier concret, avec un calendrier et des objectifs précis. Pour les autorités européennes, c’est une réponse nécessaire à l’internationalisation des monnaies numériques privées et à la domination du dollar dans ce secteur.
Le premier usage entre établissements financiers, prévu dès début 2026, marque une avancée technique et stratégique majeure. Mais la réussite de ce projet passera par sa capacité à s’imposer comme un outil simple, fiable et accessible pour les citoyens européens. La BCE et la Banque de France ont désormais la responsabilité d’accélérer sans négliger les attentes sociales et les préoccupations démocratiques autour de cette nouvelle forme de monnaie.