L’arrivée annoncée de l’euro numérique soulève une question centrale : va-t-il mettre fin à l’argent liquide ? Malgré les inquiétudes, aucune mesure officielle ne prévoit la suppression des espèces. Le dispositif est pensé comme un complément aux moyens de paiement existants dans les pays de la zone euro.
Le débat autour de l’euro numérique ne cesse de susciter interrogations, inquiétudes et confusion, notamment sur les réseaux sociaux. Ces derniers mois, plusieurs vidéos virales affirment que les billets et pièces seraient bientôt interdits en France et dans l’ensemble de l’Union européenne. Des rumeurs évoquent même la disparition des distributeurs automatiques ou la nécessité d’un justificatif pour retirer de l’argent liquide.
Ces affirmations, dénuées de fondement réglementaire, ont contribué à alimenter la méfiance autour du projet porté par la Banque centrale européenne. Pourtant, les documents officiels et les déclarations des autorités monétaires contredisent ces spéculations. L’euro numérique ne remplace pas l’argent liquide, mais s’ajoute aux moyens de paiement existants.
Fin à l’argent liquide et confusion autour de l’euro numérique
Le mot clé fin à l’argent liquide circule largement dans les discussions liées à l’euro numérique, mais il repose souvent sur des malentendus. Le projet de monnaie numérique de banque centrale (MNBC) piloté par la Banque centrale européenne (BCE) depuis 2021 vise à créer un euro dématérialisé accessible à tous. Il s’agirait d’une monnaie électronique officielle, garantie par la BCE, et utilisable en complément de l’euro fiduciaire.
Selon les précisions apportées par le ministère de l’Économie, ce moyen de paiement numérique serait utilisable dans tous les États membres de la zone euro, aussi bien par les citoyens que par les entreprises. Il permettrait des transactions électroniques sécurisées, sans intermédiation bancaire directe, et pourrait être utilisé à côté des espèces, des cartes bancaires ou des virements.
Dans les faits, la BCE insiste sur la nécessité de maintenir le choix des moyens de paiement. Les espèces continuent à représenter un usage important pour de nombreux ménages européens : selon un rapport de l’institution, 60 % des Français considèrent l’argent liquide comme important ou très important dans leur quotidien.

Réglementation européenne et seuils de paiement en espèces
Aucune législation ne prévoit la suppression totale de l’argent liquide. Toutefois, certaines mesures ont été discutées pour limiter son usage dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. À l’échelle européenne, une règle entrera en vigueur en 2027 : un particulier ne pourra plus payer en espèces une entreprise pour un montant supérieur à 10 000 euros.
Cette disposition s’inscrit dans le cadre de la réglementation européenne sur la transparence financière. Elle concerne les 27 pays membres de l’Union européenne, mais ne s’applique pas aux paiements entre particuliers. Par ailleurs, aucune interdiction d’utiliser les distributeurs automatiques ou de détenir du liquide n’est à l’étude.
En France, une proposition de loi à l’automne 2024 envisageait de réduire les plafonds autorisés pour les paiements en espèces, mais elle a été rejetée par le Sénat. Cela illustre la réticence politique à restreindre trop rapidement l’accès aux espèces, alors que la société reste partiellement attachée à ce mode de paiement.
Rumeurs numériques et méfiance croissante du public
Les plateformes comme TikTok ou Facebook ont vu circuler de nombreuses vidéos alarmistes affirmant que les citoyens devront bientôt présenter des justificatifs pour retirer du liquide, ou que l’ensemble des paiements se fera exclusivement en euro numérique. Ces affirmations reposent souvent sur des extrapolations ou des interprétations erronées d’annonces officielles.
La désinformation financière trouve un terrain fertile dans le contexte actuel de numérisation rapide des paiements et de défiance envers les institutions. Pourtant, aucun texte réglementaire n’étaye l’idée d’une obligation de basculer exclusivement vers une monnaie numérique. Le projet de l’euro numérique prévoit une coexistence avec l’argent liquide et non sa disparition.
Usage de l’euro numérique et implications pour la zone euro
L’euro numérique, s’il est mis en place, pourrait offrir des avantages techniques significatifs. Il s’agit notamment de permettre des paiements hors ligne, un contrôle renforcé de la sécurité des transactions, et une réduction de la dépendance aux systèmes de paiement privés. Mais cela soulève aussi des défis : protection des données personnelles, accès numérique équitable et interopérabilité avec les systèmes existants.
Il faudra également garantir l’inclusion financière, notamment pour les populations non bancarisées ou âgées, qui utilisent prioritairement les espèces. Ce point reste l’un des enjeux principaux abordés dans les consultations publiques menées par la BCE.
Dans une supérette de quartier à Toulouse, une cliente règle encore avec des pièces de 50 centimes. « J’aime voir mon argent partir », dit-elle à la caissière, qui lui rend les centimes en souriant. Pendant ce temps, dans les couloirs de la BCE, l’euro numérique continue d’être testé.