La poupée « Labubu » intrigue et inquiète. Avec son apparence dérangeante et sa popularité fulgurante, elle s’impose dans les foyers algériens. Entre phénomène de mode, engouement viral et interrogations psychologiques, cette poupée ne laisse personne indifférent, soulevant des débats sur ses effets chez les plus jeunes.
Difficile de passer à côté du phénomène. En quelques semaines, « Labubu » est devenue l’invitée surprise des fêtes d’anniversaire, des mariages et même des remises de diplôme en Algérie. Offerte comme un simple cadeau, cette poupée au look atypique suscite pourtant de nombreuses interrogations sur ce qu’elle représente vraiment.
Avec ses dents pointues, ses grandes oreilles et son sourire inquiétant, la créature de Kasing Lung ne ressemble en rien aux poupées classiques aux allures douces. Si son succès s’explique en partie par les tendances virales sur les réseaux sociaux, son impact dépasse largement le simple effet de mode.
Labubu dans les foyers algériens entre fascination et malaise
Véritable phénomène mondial, la poupée monstrueuse a trouvé un terrain fertile en Algérie. Popularisée via les plateformes sociales comme TikTok, Facebook ou Instagram, la poupée est aujourd’hui omniprésente sur les étals des vendeurs informels, mais aussi sur les pages des influenceurs. Son attrait est tel qu’elle est devenue l’un des objets les plus offerts en cette période estivale marquée par les festivités familiales.
Les prix varient fortement allant de 3 000 à plus de 12 000 dinars selon la taille, la qualité ou la provenance, avec une version « originale » atteignant 6 900 dinars dans certaines boutiques en ligne. L’offre est étoffée par des services de livraison rapide et des options de paiement à la réception, rendant l’achat plus accessible. Mais cette facilité d’acquisition n’empêche pas la montée de critiques, ni la multiplication des appels à la vigilance.
Impact psychologique des poupées effrayantes chez les enfants
Derrière son apparence fantaisiste, « Labubu » soulève des préoccupations légitimes. Selon le psychologue clinicien Houssam Zerman, cette poupée va bien au-delà du simple jouet, elle incarne une tendance sociale liée à la peur de rater le train de la modernité. Pour certains parents, l’acheter revient à prouver qu’ils suivent les tendances.
Mais l’aspect dérangeant de son visage, décrit comme porteur d’expressions hostiles ou provocatrices, n’est pas anodin. Contrairement aux poupées traditionnelles qui arborent des sourires rassurants, cette poupée venue d’Asie affiche une mimique qui peut susciter le malaise, notamment chez les enfants sensibles ou encore en phase de construction émotionnelle.
Des comportements déroutants ont d’ailleurs été observés lors d’ateliers éducatifs, où la simple présence de cette poupée a généré peur, moqueries ou réactions nerveuses chez plusieurs enfants. Selon Zerman, ce genre d’exposition à des stimuli visuels perturbants peut influencer le développement émotionnel et provoquer des troubles comme des cauchemars, du repli sur soi ou des accès de colère.

Jeux dangereux influence des tendances numériques sur les comportements
Le cas de « Labubu » rappelle à quel point les objets issus des tendances numériques peuvent influer sur la perception du monde des plus jeunes. En adoptant des jouets qui cassent les codes traditionnels du jeu rassurant, certaines familles s’exposent, souvent sans en avoir conscience, à des impacts indirects sur le comportement de leurs enfants.
L’attrait pour l’étrange ou le dérangeant est souvent encouragé par les réseaux sociaux, qui valorisent le choc visuel et la différence. Cette quête d’originalité peut alors brouiller les repères émotionnels des plus petits, surtout lorsqu’ils n’ont pas encore développé les filtres nécessaires pour distinguer le fictif du réel, ou le jeu de la menace.
Les experts appellent à une prise de conscience collective sur la consommation de jouets dits « disruptifs » et à une réflexion sur la responsabilité des parents dans le choix des objets mis à disposition de leurs enfants. Car dans ce flot d’objets tendance, le risque est de normaliser l’inconfort, voire de provoquer une fascination pour l’hostile.
Vers un encadrement du marché des jouets controversés
Face à la prolifération de produits jugés anxiogènes, plusieurs voix se lèvent en faveur d’un encadrement plus rigoureux du marché des jouets en Algérie. Si « Labubu » cristallise actuellement l’attention, elle n’est pas un cas isolé. D’autres produits ont, par le passé, suscité des débats similaires, parfois étouffés par la rapidité des cycles de consommation.
Les appels à la régulation portent sur la nécessité d’instaurer des critères de sélection plus stricts, basés non seulement sur la sécurité matérielle des jouets, mais aussi sur leur impact potentiel sur le développement psychologique des enfants. Dans un pays où la jeunesse représente une part importante de la population, cette vigilance s’impose.
Le débat ne fait que commencer. Et pendant que certains s’amusent de la popularité de « Labubu », d’autres y voient un signal d’alarme sur l’influence grandissante des tendances numériques sur les modes de consommation familiaux. Un simple jouet, devenu symbole de tensions culturelles, éducatives et même identitaires.