Le Festival international de Carthage a annoncé l’annulation du concert d’Hélène Ségara en Tunisie, initialement prévu pour le 31 juillet. En cause, une polémique liée à de supposés liens entre la chanteuse française et des organisations soutenant Israël. De son côté, l’artiste affirme n’avoir jamais été engagée pour ce concert.
Sa voix douce a bercé toute une génération, ses ballades romantiques ont traversé les frontières francophones… Mais cette fois, c’est le silence qui s’impose. Hélène Ségara, connue pour ses chansons comme Il y a trop de gens qui t’aiment ou L’amour est un soleil, se retrouve malgré elle au cœur d’une polémique politique et culturelle en Tunisie. Programmée, semble-t-il à son insu pour un concert lors de la 59ᵉ édition du prestigieux Festival international de Carthage, la chanteuse française a vu son nom retiré de l’affiche, sous pression d’un mouvement populaire dénonçant de supposés liens de soutien avec Israël.
Une annulation sur fond de pression populaire en Tunisie
L’annonce a été faite le 9 juillet par la direction du Festival de Carthage. Dans un communiqué officiel, les organisateurs expliquent leur décision par leur attachement aux positions historiques de la Tunisie en faveur de la cause palestinienne. La programmation d’Hélène Ségara a suscité une vague de réactions sur les réseaux sociaux tunisiens, où de nombreux internautes ont appelé à sa déprogrammation, l’accusant de soutenir le sionisme.
Des montages photo, affiches barrées et slogans anti-normalisation ont circulé en ligne, relayés par des collectifs pro-palestiniens. La participation passée de la chanteuse à des concerts caritatifs liés au Fonds social juif unifié (FSJU), perçu comme favorable au financement de projets en Israël, a été au cœur des critiques.
Concert d’Hélène Ségara en Tunisie, la chanteuse dément toute engagement
Face à l’ampleur de la polémique, Hélène Ségara a réagi dès le 9 juillet via l’AFP. « J’apprends l’annulation d’un concert que je n’ai jamais signé », a-t-elle déclaré. L’artiste a affirmé n’avoir jamais été officiellement engagée pour se produire en Tunisie, ni même informée d’une date ou d’un contrat.
« Je n’ai jamais pris position pour Israël et je chante depuis des années dans les pays arabes », a-t-elle ajouté. Très affectée par les réactions virulentes en ligne, elle a également confié recevoir des insultes et menaces injustifiées, alors qu’aucune prestation n’était prévue de son côté. « Je suis bouleversée par cette polémique injuste. Je reçois des messages d’insulte alors qu’il n’y avait même pas de concert prévu », déclare-t-elle.
Un flottement organisationnel donc, mais surtout une incompréhension. Ce que certains ont perçu comme une provocation n’était peut-être qu’une erreur de communication entre le festival et ses partenaires.

Un contexte tunisien marqué par la sensibilité pro-palestinienne
La question palestinienne demeure hautement sensible en Tunisie. Le pays a accueilli pendant plus de dix ans le siège de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et les positions officielles y sont résolument opposées à toute forme de normalisation avec Israël.
En réaction, la direction du festival a publié un communiqué affirmant :« Le festival réaffirme son attachement aux droits du peuple palestinien et son refus de toute forme de normalisation. » Derrière cette phrase, une volonté claire de désamorcer la colère populaire, mais aussi de rappeler les équilibres fragiles dans lesquels évolue aujourd’hui la programmation artistique en Tunisie. et plusieurs artistes ou personnalités ayant affiché des liens avec Israël ont déjà été désinvités de festivals ou d’événements culturels dans le pays.
La direction du festival a confirmé que cette 59ᵉ édition serait placée sous le signe du soutien à la Palestine, avec des représentations mettant en avant des artistes palestiniens, dont Naï Barghouthi, le musicien Ryad Fehri accompagné d’enfants de Ramallah, ou encore des spectacles historiques comme « Qaa El-Khabia » du compositeur Mohamed Garfi.
Un débat plus large sur l’art, les opinions et la responsabilité
Hélène Ségara n’ira pas à Carthage, et peut-être n’y a-t-elle jamais songé. Pourtant, son nom aura suffi à réveiller des tensions politiques, à alimenter les réseaux sociaux, et à rappeler combien la musique, même quand elle ne parle que d’amour, peut devenir une caisse de résonance pour des douleurs plus grandes.
L’épisode autour d’Hélène Ségara et du Festival de Carthage révèle surtout la fragilité des équilibres entre culture, perception publique et contexte politique. Dans un climat où les symboles comptent autant que les faits, la simple mention d’un nom peut devenir sujet de débat. Entre malentendu organisationnel et réactions amplifiées, chacun campe sur ses certitudes.
L’annulation, qu’il y ait eu concert prévu ou non, rappelle qu’aujourd’hui, la visibilité artistique ne se dissocie plus totalement des interprétations qu’elle suscite. Et c’est peut-être là que réside l’essentiel, dans ce décalage entre l’intention et la manière dont elle est perçue.