Alors que les marchés financiers s’agitent, le dollar canadien glisse vers des niveaux jamais vus depuis plus de deux décennies. Sa dépréciation face au dollar américain inquiète économistes, investisseurs et consommateurs. Entre inflation persistante, récession menaçante et tensions géopolitiques, la monnaie canadienne semble piégée dans une spirale baissière difficile à enrayer.
Le dollar canadien est au cœur de toutes les attentions en ce printemps 2025. Affichant une baisse marquée face au billet vert, la devise nationale suscite de vives inquiétudes dans un contexte économique déjà tendu. Les dernières projections font état d’un taux de change USD/CAD pouvant dépasser 1,48 d’ici fin 2026, un seuil qui rappellerait les pires heures de la devise canadienne au début des années 2000. Cette situation, loin d’être anecdotique, révèle les faiblesses structurelles de l’économie canadienne face aux chocs extérieurs et aux divergences de politique monétaire avec les États-Unis. Décryptage d’un glissement monétaire qui pourrait bouleverser bien plus que les portefeuilles.
Le dollar canadien sous pression
Le dollar canadien, surnommé le « loonie », traverse une période de turbulence sans précédent. Face au dollar américain, il a atteint des niveaux historiquement bas, suscitant des inquiétudes tant chez les investisseurs que chez les consommateurs. Cette dépréciation résulte d’une confluence de facteurs économiques, politiques et monétaires.
Selon un rapport publié par Wells Fargo, le Canada s’apprêterait à entrer en récession technique en 2025. Cette prévision est soutenue par des signaux économiques alarmants, notamment un ralentissement de la consommation, une baisse des investissements et une inflation plus difficile à contenir que prévu. En réaction à cette situation, il est probable que la Banque du Canada réduise ses taux d’intérêt, ce qui accentuerait encore la faiblesse de la devise nationale.
Ce ralentissement économique n’est pas isolé, la baisse de confiance des entreprises, les inquiétudes liées aux dettes des ménages, et les tensions commerciales avec les États-Unis s’ajoutent à une dynamique déjà fragile. Ces éléments non monétaires contribuent à une perte de confiance générale sur les marchés.
Les droits de douane américains, un autre facteur aggravant
Il est également crucial de noter que la politique tarifaire américaine envisagée sous un éventuel retour de Donald Trump, notamment la réduction ciblée des droits de douane américains sur l’industrie automobile, pourrait désavantager les exportateurs canadiens. Cette mesure aurait un effet indirect mais significatif sur l’économie canadienne, déjà mise à mal par un contexte mondial incertain.
En effet, même si les tarifs douaniers ne visent pas directement le Canada, leurs effets collatéraux pourraient compromettre la compétitivité du secteur automobile canadien face à ses concurrents américains ou mexicains bénéficiant de nouvelles exemptions fiscales ou commerciales.
Projection du taux de change, vers 1,48 CAD/USD ?
Toujours selon les projections de Wells Fargo et les données de XE.com, le dollar canadien, déjà considéré comme « structurellement faible », pourrait continuer sa chute dans les mois à venir. Actuellement autour de 1,38 CAD pour 1 USD, le taux pourrait atteindre 1,48 CAD/USD d’ici fin 2026, marquant ainsi l’un des niveaux les plus faibles depuis près de deux décennies.
Cette prévision est fondée sur un ensemble de facteurs : politique monétaire accommodante de la Banque du Canada, ralentissement de l’économie nationale, pressions sur les exportations, et manque de dynamique dans l’investissement privé.
Évolution historique du taux de change USD/CAD
Le taux de change entre le dollar américain et le dollar canadien a connu des fluctuations significatives au fil des décennies. Voici un aperçu des taux moyens annuels au cours des dernières années :
Année | Taux moyen USD/CAD |
---|---|
2020 | 1,3415 |
2021 | 1,2535 |
2022 | 1,3010 |
2023 | 1,3490 |
2024 | 1,3699 |
Source : Banque du CanadaBank of Canada+1Bank of Canada+1
En janvier 2002, le taux a atteint un sommet historique de 1,62, reflétant une période de faiblesse marquée du dollar canadien. Bien que le taux actuel de 1,38 ne soit pas aussi élevé, la tendance à la hausse suscite des préoccupations quant à une possible répétition de l’histoire.

Les facteurs économiques sous-jacents
1. Divergence des politiques monétaires
La Réserve fédérale américaine a adopté une politique monétaire restrictive, augmentant ses taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation. En revanche, la Banque du Canada a maintenu des taux plus bas, rendant les investissements en dollars canadiens moins attractifs. Cette divergence a renforcé le dollar américain au détriment du loonie.
2. Croissance économique atone
Le Canada a enregistré une croissance économique plus lente que celle des États-Unis. Des facteurs tels que l’endettement élevé des ménages, une baisse de la productivité et une consommation intérieure en déclin ont contribué à cette performance médiocre.
3. Dépendance aux matières premières
L’économie canadienne est fortement tributaire des exportations de matières premières, notamment le pétrole. La volatilité des prix du pétrole et la transition énergétique mondiale ont affecté la demande pour ces ressources, impactant négativement le dollar canadien.
L’impact des incertitudes politiques
1. Augmentation des coûts d’importation : Un dollar canadien plus faible signifie que les biens importés, notamment les produits électroniques et les véhicules, deviennent plus chers pour les consommateurs canadiens.
2. Opportunités pour les exportateurs : À l’inverse, les entreprises canadiennes exportant vers les États-Unis peuvent bénéficier d’un avantage compétitif, leurs produits étant moins chers pour les acheteurs américains.
3. Impact sur les voyages et l’éducation : Les Canadiens voyageant aux États-Unis ou payant des frais de scolarité en dollars américains verront leurs coûts augmenter, affectant leur pouvoir d’achat.
Stratégies d’atténuation
Face à la dépréciation continue du dollar canadien, tant les consommateurs que les entreprises doivent adopter des approches préventives et adaptatives. Une première stratégie consiste à mettre en place une couverture contre les risques de change, en utilisant des instruments financiers tels que les contrats à terme ou les options de devises pour se prémunir contre les variations défavorables des taux de change.
Selon les prévisions, le taux de change USD/CAD pourrait se stabiliser autour de 1,28 d’ici 2026, soutenu par une normalisation des taux d’intérêt et une croissance économique modérée. Cependant, cette projection dépend de nombreux facteurs, notamment la stabilité politique, les politiques monétaires et les conditions économiques mondiales.
Parallèlement, les entreprises exportatrices gagneraient à diversifier leurs marchés, notamment en réduisant leur dépendance au marché américain, afin de répartir les risques géographiques et monétaires. Enfin, une réévaluation des chaînes d’approvisionnement s’impose : optimiser les coûts logistiques, revoir les fournisseurs ou localiser certains processus de production peut permettre d’atténuer les effets inflationnistes induits par la hausse des coûts d’importation. Ces ajustements stratégiques sont essentiels pour renforcer la résilience économique dans un contexte de volatilité monétaire prolongée.
La dépréciation actuelle du dollar canadien est le résultat d’une combinaison de facteurs économiques internes et externes. Bien que cette situation présente des défis, elle offre également des opportunités pour les exportateurs canadiens. Il est essentiel pour les décideurs politiques, les entreprises et les consommateurs de rester informés et de s’adapter à cette nouvelle réalité économique.