Le taux euro – dinar continue de s’emballer sur le marché noir algérien, en particulier au square Port-Saïd à Alger. Alors que l’écart avec le taux officiel se creuse, cette flambée soulève des questions sur les déséquilibres persistants entre l’offre et la demande de devises étrangères.
Dans les ruelles animées du square Port-Saïd à Alger, le marché parallèle de la devise connaît une nouvelle effervescence. L’euro y franchit une nouvelle barre symbolique : 260,5 dinars pour un euro à la vente. Une situation qui rappelle les pics historiques de fin 2024, et qui suscite à la fois l’intérêt des cambistes, des voyageurs et des observateurs économiques.
L’écart entre le marché officiel et le marché informel s’est encore creusé ces derniers jours, renforçant la dépendance d’une large partie de la population au change parallèle pour répondre à ses besoins en devises. Un contraste saisissant qui alimente des débats, mais surtout une pression constante sur le dinar algérien.
Le taux euro – dinar enregistre un écart record entre les deux marchés
Au 1er mai, alors que les cotations interbancaires officielles fixaient l’euro à 150,30 dinars algériens, les cambistes du square Port-Saïd affichaient un taux de 260,5 dinars à la vente. L’écart dépasse ainsi les 110 dinars, une différence qui n’est pas seulement mathématique, mais aussi symbolique de la réalité du terrain. Cette envolée du taux euro – dinar traduit un déséquilibre persistant entre l’offre et la demande en devise étrangère en Algérie.
Parmi les causes directes de cette flambée, le retard dans l’application de l’allocation touristique revalorisée joue un rôle central. Bien que le montant officiel ait été revu à la hausse, passant de 100 à 750 euros par adulte, la mise en œuvre effective tarde. Cette incertitude pousse les voyageurs à se tourner vers le marché informel, où l’euro devient une denrée très recherchée, notamment à l’approche des grandes vacances.
Les autres devises grimpent aussi sur le marché informel

L’euro n’est pas la seule devise à connaître un regain d’intérêt. Le dollar américain reste stable autour de 237 dinars sur le marché informel, mais d’autres monnaies comme la livre sterling (301 DZD à la vente) ou le franc suisse (279 DZD) enregistrent également des valeurs bien supérieures à celles pratiquées officiellement. Ce phénomène général s’explique par un contexte où la demande de devises est plurielle : vacances, importations, épargne en monnaie forte.
Les destinations les plus prisées par les voyageurs algériens, comme la Tunisie ou certains pays d’Europe, alimentent cette pression sur l’euro. En parallèle, les importateurs, notamment ceux qui commercent avec la Chine, continuent de privilégier le dollar pour leurs transactions. Le yuan chinois s’échange actuellement à 31,5 dinars, bien au-dessus du taux officiel de 18,18 DZD, ce qui illustre encore une fois la distorsion entre les deux marchés.
Devises | Marché officiel | Marché noir | |
Vente | Achat | Vente | |
Euro (€) | 150,30 | 258 | 260,5 |
Dollar US ($) | 132,66 | 235 | 237 |
Livre Sterling (₤) | 176,81 | 300 | 301 |
Dollar CAN ($C) | 96,24 | 158 | 162 |
Franc suisse (CHF) | 160,76 | 275 | 279 |
Yuan chinois (CNY) | 18,18 | 31 | 31,5 |
Dirham EAU (AED) | 36,11 | 61,5 | 62,5 |
Dinar tunisien (TND) | 44,48 | 76 | 77 |
Riyal Saoudien (SAR) | 35,36 | 60,5 | 61,5 |
Les voyageurs et les commerçants face aux taux de change
À l’approche des départs estivaux, de nombreux Algériens résidant en France ou ailleurs commencent à préparer leur retour au pays. Pour eux, la hausse du taux euro – dinar sur le marché parallèle des devises est plutôt favorable, leur pouvoir d’achat local est boosté par un euro plus fort. À l’inverse, pour les résidents algériens qui cherchent à voyager ou à importer, la situation devient de plus en plus coûteuse.
Derrière cette hausse, il y a aussi une anticipation des fluctuations futures. Dans un contexte instable, nombre de citoyens choisissent d’acheter leurs devises à l’avance, par crainte d’un taux encore plus défavorable dans les semaines à venir. Ce comportement, bien que compréhensible, ne fait que renforcer la spirale haussière sur le marché parallèle.
Tensions durables entre offre et demande sur le square Port-Saïd
Le square Port-Saïd reste le baromètre de cette tension entre l’offre limitée en devises officielles et la demande croissante. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 260,5 dinars pour un euro à la vente, 258 dinars à l’achat. Ce n’est pas seulement un indicateur financier, c’est aussi le reflet d’un déséquilibre structurel qui persiste depuis des années. Malgré les annonces de réformes et les promesses d’assouplissement, la sphère informelle reste, pour beaucoup, la seule porte d’accès aux devises étrangères.
À mesure que l’été approche et que les flux de voyageurs s’intensifient, il est probable que la tendance actuelle se poursuive, voire s’accélère. Pour les cambistes du square, la demande reste soutenue. Et chaque client venu échanger quelques billets ne fait que confirmer ce que tout le monde pensent : sur le marché informel, le dinar continue de s’incliner face à l’euro.