Alors que les tensions diplomatiques entre Paris et Alger restent palpables, les liaisons aériennes entre les deux pays explosent. Une croissance qui suscite des remous en France, notamment sur l’utilisation des subventions locales pour soutenir des vols vers l’Algérie, parfois jugées peu rentables.
Les relations entre la France et l’Algérie n’ont jamais été simples. Pourtant, malgré un climat politique tendu, le ciel semble plus dégagé que jamais. En 2025, pas moins de 120 vols relient chaque jour les deux rives de la Méditerranée. Un chiffre presque doublé en trois ans. Derrière cette augmentation, une volonté d’ouvrir davantage de connexions locales, loin des grandes plateformes comme Paris ou Lyon. Mais ce maillage inédit des territoires ne fait pas l’unanimité.
Une explosion des vols vers l’Algérie en régional
Depuis le début de l’année, six nouvelles lignes aériennes ont été lancées entre la France et l’Algérie. Désormais, les passagers peuvent embarquer depuis Clermont-Ferrand, Tours ou encore Saint-Étienne pour rejoindre Alger, Béjaïa ou Oran, souvent en moins de deux heures. Ce développement est en grande partie porté par les compagnies comme ASL Airlines, dont les vols affichent souvent complets, grâce à une forte demande issue de la diaspora.
L’enjeu est de taille, près de 2,7 millions de personnes en France ont un lien direct avec l’Algérie. Pour de nombreuses familles, ces nouvelles lignes représentent une opportunité de renouer plus facilement avec leurs racines. Les retours au pays sont plus accessibles, moins chers, et plus réguliers.

Subventions locales et critiques croissantes
Mais cette ouverture a un coût. Dans certaines villes moyennes, le soutien public aux liaisons vers l’Algérie alimente une contestation grandissante. À Saint-Étienne, par exemple, des aides directes sont accordées à la compagnie opérant les vols vers Béjaïa. Allégements de redevances, campagnes de communication financées par l’aéroport, et subventions annuelles abondantes, selon certains acteurs locaux, ces lignes sont soutenues au détriment d’autres services publics en difficulté.
L’association Forez Agir a même engagé une procédure pour contester ce soutien, qu’elle considère comme « excessif et déconnecté des réalités locales ». D’autant que l’aéroport de Saint-Étienne ne comptabilisait que 6 500 passagers en 2024. Un trafic jugé insuffisant pour justifier un tel investissement public.
Un équilibre difficile entre ouverture et rentabilité
Face aux critiques, les défenseurs de ces liaisons mettent en avant les retombées indirectes, dynamisme des territoires, emploi, ouverture internationale, lien culturel. Le syndicat mixte de l’aéroport de Saint-Étienne assure que les redevances générées compenseront les subventions. Mais sur le terrain, les résultats économiques se font attendre.
La députée Christine Arrighi, auteure d’un rapport sur le financement des aéroports régionaux, alerte : beaucoup de ces infrastructures ne sont viables que grâce aux aides, légales ou non, qu’elles versent aux compagnies. Une fragilité structurelle qui pèse lourd sur les budgets locaux.
En 2023, 13 millions d’euros ont été dépensés pour soutenir des lignes dites « de démarrage » dans les petits aéroports français. Le rapport de la Cour des comptes souligne d’ailleurs que, dans la majorité des cas, les passagers utilisent ces liaisons pour quitter la région, sans réel bénéfice touristique pour le territoire.
Si les nouvelles lignes vers l’Algérie répondent à une demande croissante, notamment dans les communautés issues de l’immigration, elles cristallisent aussi un débat plus large sur la gestion des fonds publics. Certains dénoncent un déséquilibre entre le soutien accordé à des lignes très spécifiques et le manque d’investissement dans les services de proximité.
À la croisée des enjeux migratoires, territoriaux et budgétaires, cette polémique révèle les tensions qui subsistent dans la société française autour de la relation avec l’Algérie. Plus que de simples vols, ces liaisons deviennent symboliques : elles rappellent que la Méditerranée, bien que traversée chaque jour par des avions, reste un espace chargé de mémoire, d’identité, et de controverses non résolues.